Le camp économique de Grafenreuth servit à partir de juin 1943 de 8ème camp extérieur au camp de concentration principal de Flossenbürg. L’installation d’un stock de vêtements était une partie des efforts d’autarcie de la SS, qui avait construit sur d’autres lieux dépendants de camps de concentration de grandes usines textiles pour ses besoins propres.1
Au printemps 1943 l’inspection des bâtiments de la Waffen-SS et de la police Reich-Süd à Dachau projeta la construction d’un stock de vêtements à Grafenreuth, à quelques 20 kilomètres de Flossenbürg. Après une visite des lieux par le SS-Obersturmführer Schöffel, la direction des bâtiments de Flossenbürg fut chargée des travaux préliminaires nécessaires à la construction du stock de vêtements sur un espace en friche de 5 ½ hectares le long de la voie de chemin de fer Weiden- Floss- Eslarn en face de la briqueterie Riebel & Cie. L’hébergement des déportés et le block de surveillance devaient être construits hors du terrain au bord d’une route à reconstruire.2 L’installation du stock de vêtements fut retardée en raison du manque de main d’œuvre qualifiée (arpenteurs), d’hommes de garde et d’outils. A la mi-juin le chef de mission C (bâtiment) de la SS-WVHA, le chef SS de brigade Kammler, ordonna, en raison de l’urgence, la construction de 20 baraquements pour des entrepôts et de deux pour les logements et organisa le transport des 20 baraquements à Grafenreuth, bien que les négociations ne soient pas encore terminées avec les propriétaires des terrains.3 A l’annonce faite par l’inspection des services des bâtiments de Reich-Süd que 32 wagons étaient arrivés le 21 juin avec des éléments de baraquements qui ne pouvaient être ni déchargés ni entreposés, le WVHA réagit aussitôt par la saisie des terrains en cause au bénéfice de la Waffen-SS.
Il est clair, que dès ce moment-là on employa 20 déportés pour effectuer la décharge des wagons – certes à la journée seulement – comme le montre le décompte pour juin 1943. Il était prévu d’employer 50 déportés maximum, et pour cause : on s’était abstenu de toutes les viabilisations onéreuses et l’alimentation en eau était rattachée à celle de la briqueterie ; en regard du matériel à entreposer, on installa une citerne à incendie. A partir de la fin juillet, six, puis jusqu’à 20 déportés devaient ôter de la briqueterie les briques indispensables et les transporter sur le terrain en face. Le 10 juillet, le SS-Rottenführer Alfred Bütikofer fut détaché à Grafenreuth comme directeur de chantier. Le 2 août, 150 déportés furent envoyés du camp principal de Flossenbürg à Grafenreuth, donc trois fois plus que prévu. Pour la plupart d’entre eux, ils étaient arrivés avec un convoi d’environ 1000 prisonniers en provenance d’Auschwitz le 14 mars à Flossenbürg, où ils avaient dû rester en quarantaine plusieurs semaines. Les déportés se trouvaient dans un état physique particulièrement mauvais. Dans la phase de création du camp extérieur cela conduisit à des tensions entre le directeur du chantier local, Bütikofer, et le chef de kommando Fries. C’est ainsi que le 30 septembre 1943, le directeur du chantier, Bütikofer, se plaignit que jusqu’à 20 des 140 déportés soient « inutilisables » pour 10 à 14 jours et que le chef de kommando Fries se refusait à faire remplacer les malades, alors que le stock de vêtements avait reçu 60 déportés, « parmi lesquels il y avait le pire comme à la direction du chantier le meilleur ».4
Le taux élevé de malades était à imputer au nombre beaucoup trop grand de déportés, alors que l’hébergement n’était pas encore terminé et que les installations sanitaires étaient insuffisantes. On ne sait pas à partir de quand les déportés de Grafenreuth trouvèrent un hébergement.
Comme le stockage des vêtements commença à partir de septembre, de nouvelles difficultés de logistique apparurent du fait que le camp extérieur n’était pas encore terminé. La livraison parallèle de matériaux de construction et de vêtements, alors que la surveillance était insuffisante, augmentait les risques d’accidents à la fois pour les déportés et pour les membres de la SS. Certes la direction des travaux de Flossenbürg avait démenti dès la mi- août la fin proche des travaux, néanmoins ils s’étirèrent sur encore une année. A la fin de la construction, le camp extérieur se composait de dix doubles baraquements pour stocker les vêtements, d’un baraquement pour les déportés et d’un autre pour les hommes de garde de la SS. Il était clôturé de fil de fer barbelé et entouré de miradors.
Début octobre 1943, Bütikofer demanda à la direction des travaux le remplacement de l’Oberkapo Kelchner : « Le déporté ne représente aucunement les intérêts de la direction des travaux et n’est plus en charge que du stock de vêtements ». de plus, les travaux souffraient de l’absence de raccordement de voie ferrée dans l’enceinte du camp.
Les divergences internes devaient être peu profitables aux déportés. Pourtant dès octobre 1943, quelques déportés tentèrent de fuir. Le 2 septembre 1944, un déporté russe fut abattu lors de sa tentative.5 cela mis à part, aucun décès n’est mentionné à Grafenreuth dans les registres, sans doute parce que les déportés malades étaient renvoyés dans le camp principal de Flossenbürg. Là moururent début janvier 1945 deux Français qui avaient été renvoyés de Grafenreuth peu avant Noël. Dans les enquêtes du bureau central du ministère régional de la justice, deux témoins parlent de plusieurs décès par jour et d’exécutions après des tentatives de fuite avortées ; mais le nombre constant de déportés indiqué dans les pièces justificatives fournies montre plutôt peu de décès.6
La nourriture fut d’abord transportée midi et soir de Flossenbürg à Grafenreuth dans un camion spécial, il est clair qu’à partir d’octobre 1944 la direction des travaux de Grafenreuth assuma elle-même cette charge.
Il existe deux sortes de documents concernant le camp extérieur de Grafenreuth. Pour l’un les déportés qui travaillaient au projet de construction à Grafenreuth furent comptabilisés à la direction des travaux de Flossenbürg. En janvier et février 1944, on retira à chaque fois 20 ouvriers spécialisés et 62 manœuvres, à partir de mars à peine un peu plus de 40 manœuvres. A partir de mi-mai jusqu’à la fin de l’année de 6 à 13 ouvriers spécialisés et entre 27 et 62 manœuvres étaient au travail – en tout en moyenne entre 33 (mai) et 74 (juillet) déportés. Le kommando de la briqueterie, dans lequel de 14 à 20 hommes devaient faire des travaux de construction pour la briqueterie Riebel & Cie et transporter des briques sur le chantier du stock de vêtements s’ajoutait à la main d’œuvre pour la direction des travaux. En 1944, on employa un à deux déportés comme ouvriers spécialisés et, de façon constante, autour de 60 déportés comme manœuvres pour l’usine de confection de Grafenreuth.
Le chef de kommando fut d’abord le SS- Hauptscharführer Kübler, qui, d’après un témoignage, contraignait les déportés à un dur travail et détournait certains vivres destinés aux déportés.7 Son successeur fut le SS- Hauptscharführer Voigt, qui, d’après plusieurs témoignages, veillait à une meilleure alimentation des déportés.
En raison de la proximité du camp principal et du court délai de l’embauche principalement pour la direction des travaux, la composition des déportés changeait constamment. D’abord ce furent surtout des déportés allemands, polonais, russes et français qui travaillèrent à la direction des travaux et dans l’usine de confection. Le 28 février 1945, il y avait au total 80 déportés à Grafenreuth, dont 40 Polonais, 15 Tchèques, 11 Yougoslaves, ainsi que quelques Russes, Français, Allemands et un Italien. Le 31 mars, 60 déportés sans indication de nationalité sont mentionnés.8 L’évacuation du camp extérieur eut lieu le 20 ou le 21 avril 1945. Avec le chef de kommando Voigt, les déportés se joignirent à une marche, en partant du camp principal de Flossenbürg, mais ils formèrent néanmoins un groupe à part ; ils furent libérés à Cham par les troupes américaines. Grâce au comportement prudent de Voigt, aucun déporté ne décéda durant cette marche.
La localité de Grafenreuth fut confrontée au camp extérieur. Le propriétaire de la briqueterie était devenu profiteur du travail forcé des détenus, puisqu’il avait eu des contreparties. Les paysans des villages environnants furent mis à contribution et durent effectuer des transports avec leurs charrettes pour le camp extérieur. Deux propriétaires de terrains partageaient avec la SS l’utilisation de leurs terrains pour l’installation d’une conduite d’eau allant de l’étang de Heideck au camp.
Après l’évacuation, la population pilla le stock de vêtements. Les baraquements ne furent enlevés qu’à la fin des années 50. Il ne reste aujourd’hui qu’un poteau de la clôture du camp.9
Les informations judiciaires du parquet de Weiden, lancées par le bureau central du ministère régional de la justice, furent suspendues, sans résultat, en 1976.
Tout comme les camps extérieurs à Flossenbürg de Kirchham et Platting, le camp extérieur de Ganacker fut construit très tard ; sa courte existence se caractérisa par une organisation chaotique et un manque de soins total des déportés, ce qui se traduisait par un fort taux de mortalité. On trouve cette petite localité près de Landau sur l’Isar dans l’actuel district de Landau-Dingolfing dans les documents de la Kommandantur de Flossenbürg sous diverses orthographes (Gannacker, Tannacker, Tamacker).
Le 20 février 1945, un convoi quitta Flossenbürg avec 1000 déportés ; 500 déportés furent laissés dans le camp extérieur de Platting, 500 à Ganacker. Parmi ceux transférés à Ganacker, 300 étaient juifs, dont plus de 180 Polonais, plus de 40 Hongrois et environ 20 Français et 20 Grecs. Parmi les déportés non juifs, le groupe le plus important était constitué de plus de 40 Russes, d’une vingtaine de Polonais, d’une vingtaine de Français, d’une vingtaine de Belges, d’une vingtaine de Tchèques, et d’une vingtaine d’Allemands. Ce sont des déportés de 17 nations qui vinrent à Ganacker. Ce n’est que début février que 370 déportés furent transférés du camp de concentration de Gross-Rosen à Flossenbürg en passant par Sachsenhausen.1 Des convois plus tardifs vers Ganacker, comme celui en provenance de Leonberg, dépendant du camp de concentration de Natzweiler, où des centaines de déportés avaient été transférés venant de Flossenbürg à la mi-mars, ne furent plus enregistrés, aussi peu que les prisonniers qui arrivèrent à Ganacker par marches forcées de Buchenwald par Flossenbürg peu avant la dissolution du camp extérieur.2 Avec les déportés arrivèrent aussi à Ganacker 50 Gardes SS sous la direction du chef de kommando SS-Oberscharführer Ponath.3
Le camp était situé entre les localités de Ganacker et Wallersdorf, toutefois les déportés étaient hébergés dans plusieurs endroits, aujourd’hui impossibles à reconstruire. Les déportés, d’après une enquête auprès de la population de Wallersdorf, ont dû être logés d’abord sur la base aérienne de Ganacker dans un hangar à charbon aux fenêtres condamnées. Un vigile SS parle de l’hébergement dans un hangar d’aviation, un ancien déporté fait, lui, mention d’une bergerie.4 D’après une lettre de la commune de Wallersdorf l’ensemble des déportés fut déplacé dans un camp situé au lieu-dit « Pfarrholz » sur la ligne de chemin de fer Wallersdorf- Landau/ Isar, et plus précisément dans des tentes finnoises dressées au hasard dans une parcelle boisée.5 D’après les dires d’un vigile SS, les déportés durent creuser des tunnels de la mi-mars à la fin mars pour les hébergements primitifs, puis on y mit des constructions préfabriquées en bois. A gauche et à droite du tunnel on mit des planches en guise de lits pour les déportés. Ces tentes pour deux qui, d’après une habitante, ressemblaient à de grandes niches pour chiens se chargeaient d’eau par forte pluie, si bien que les déportés devaient travailler avec des vêtements détrempés. Plus tard on installa les tentes en rangées et on entoura le camp d’une clôture en barbelé de 200 à 250 mètres de longueur et de 100 mètres de large. Un ruisseau, dans lequel les déportés se lavaient, traversait le camp ; dans des bâtiments en dur il y avait la cuisine, l’administration du camp, le logement des SS et un atelier de couture.6
En raison du total épuisement des déportés et de l’isolement dû à l’hébergement en petites tentes, les contacts étaient très réduits. On avait installé une « infirmerie » dans un tunnel dégagé à cet effet, où travaillaient comme infirmiers un Tchèque, un Allemand et un Belge. En raison des mauvaises conditions d’hygiène et de l’état catastrophique, il ne restait pas grand-chose à faire aux infirmiers sinon de remplir les actes de décès, qui la plupart du temps mentionnaient une insuffisance cardiaque.7
Les déportés furent utilisés pour des travaux de route et de nivellement sur la base aérienne de Ganacker. Celle-ci avait été organisée comme aéroport de formation en 1937 ; il semblerait que peu avant la fin de la guerre, cinq chasseurs à réaction de type Me-262 aient stationné à Ganacker, pour lesquels des pistes de décollage et d’atterrissage furent élargies, voire construites. Entre autre les déportés déchargeaient aussi des wagons avec des sacs de ciment. Suivant le travail, les déportés marchaient de un à cinq kilomètres pour aller du camp à la base aérienne. Un kommando particulièrement redouté était celui de l’extraction de cailloux dans deux mines. Les déportés devaient pousser des wagonnets chargés de cailloux sur une hauteur, d’où ils repartaient tirés par une locomotive. Quand la force de traction de la locomotive ne suffisait pas, les déportés devaient à nouveau aider à pousser. Il n’y avait pas que les accidents de travail, quand, par exemple, un wagonnet partait en marche arrière ; il y avait aussi le kapo qui frappait les déportés à coups de bâtons.8 Même le OT-chef de chantier et quelques OT-contremaîtres sont décrits comme donnant eux aussi des coups. Le temps de travail quotidien était de 5.30 le matin, avec une pause d’une demie heure pour le déjeuner, jusqu’à 6 heures le soir.
La nourriture donnée aux déportés était particulièrement catastrophique. Le matin, on leur donnait un bouillon brun, et ce n’est que le soir qu’ils avaient une soupe et 200g de pain, qui était prévu pour le déjeuner du lendemain midi. La faim n’était pas la seule cause directe de mortalité – souvent les déportés étaient frappés ou même abattus alors qu’ils étaient à la recherche de quelque chose à manger.9 Le kapo chargé de la cuisine Johann Nowak dut se justifier devant le tribunal de Landshut de coups ayant entraîné la mort et de blessures très graves.
La population civile avait de multiples contacts avec les déportés du camp extérieur de Ganacker. Les gardes faisaient souvent traverser le village aux déportés. De la route qui reliait Wallersdorf à Haidlfing, les passants pouvaient voir le camp et aussi observer les brutalités faites aux déportés. Ceux-ci, à cause de leur alimentation catastrophique essayaient bien souvent de quémander de la nourriture auprès des habitants des localités environnantes – peu avant l’évacuation, ils y étaient même autorisés par groupes de deux et sous surveillance. Parfois les habitants donnaient aux déportés quelque chose à manger, mais ils en étaient souvent empêchés par les gardes SS. Hans Spranger raconte, qu’alors âgé de onze ans, il était autorisé par les gardes à faire griller des betteraves, des pommes de terre et des pissenlits dans un feu, auprès duquel les déportés n’avaient pas le droit de s’asseoir. Un déporté, qui malgré tout s’assit près du feu, pour être sûr d’avoir sa petite portion de betterave, fut frappé à mort sous les yeux de Spranger par un gardien.10
Les conditions s’aggravèrent énormément à Ganacker, quand la dysenterie fit son apparition avec un convoi de déportés en provenance de Kaufering. En un mois le nombre de déportés chuta de 500 (fin février) à 466 (fin mars). Le nombre de gardes SS resta stable à 50.11 Dans les registres des matricules, 63 décès sont répertoriés entre le 2 mars et le 13 avril 1945, chiffre qui ne tient compte que des déportés enregistrés. 138 personnes moururent à Ganacker jusqu’au 24 avril 1945 – chiffre global non vérifiable.
Le 24 avril, le camp extérieur fut évacué. L’arrivée de deux convois au camp de concentration de Dachau venant de Ganacker est mentionnée pour les 10 et 26 avril. Quelques déportés furent laissés à Ganacker ; beaucoup d’entre eux moururent avant la libération le 29 avril de sous-alimentation ou bien ils furent abattus car ils étaient incapables de marcher. Au début, les morts furent simplement apportés au camp, ce n’est que peu avant l’évacuation qu’ils furent sommairement enterrés.
Les évacués marchèrent d’abord vers Landau, puis vers Hammersdorf, où ils se joignirent à une colonne d’évacuation du camp extérieur de Plattling. Là de nouveaux prisonniers moururent d’épuisement, ou bien ils furent abattus parce qu’ils ne pouvaient pas marcher ou avaient essayé de fuir. Des soldats américains libérèrent les déportés près d’Eggenfelden.
En juillet 1945, des habitants allemands, surtout d’anciens sympathisants nazis, durent exhumer les déportés enterrés à Ganacker, et sur ordre des autorités militaires américaines les inhumer dans un cimetière à côté de la chapelle St Sebastiani à Wallersdorf. En 1957, les morts furent transférés à Flossenbürg au cimetière de la Mémoire, les victimes belges furent rapatriées. Deux pierres commémoratives rappellent l’ancien cimetière du camp de concentration et le camp extérieur de Ganacker. Les parquets de Landshut et de Munich I ouvrirent des enquêtes pour homicides, mais les abandonnèrent en novembre 1977 pour cause de prescription.
Un des plus grands kommandos extérieurs sur le territoire de l’actuelle République Tchèque se trouve à environ 25 km au sud-ouest de Pilsen (Plzen), sur le site de Bohême occidentale d’Holleischen (Holysov), près de la frontière germano-tchèque. Dans l’usine 2 de la firme Metallwerke Holleischen GmbH, environ 600 femmes de ce kommando extérieur dépendant de Flossenbürg, ont du travailler de force, d’avril 1944 jusqu’à la fin de la guerre. Parallèlement, environ 200 détenus du camp des hommes furent affectés à la construction d’un stand de tir. A ce moment, dans les derniers mois de la guerre, quand Holleischen servit de camp de repli pour d’autres kommandos extérieurs déjà évacués, le nombre de femmes détenues atteint un chiffre supérieur à 1000.
A Holleischen, ces deux kommandos extérieurs de Flossenbürg faisaient partie d’un grand complexe de fabrication d’armement. L’entreprise berlinoise « Waffen und Munitionsfabriken SA » reprit, peu après l’annexion des Sudètes au Reich en octobre 1938, les emplacements d’une verrerie abandonnée à Holleischen, et y construisit une usine de munitions (Usine n°1) pour l’aviation. A ce qui était connu en 1941 comme l’usine d’armement « Metallwerke Holleischen Gmbh », s’ajouta un nouveau bâtiment (Usine n°2), construit dans un morceau de forêt à l’écart de la bourgade, et un casernement pour les ouvriers et employés allemands, qui au plus fort de sa capacité a du accueillir environ 1000 locataires. Pour la construction du casernement dès 1941, un camp de travail fut construit surtout pour environ pour 700 Tchèques qui étaient au travail forcé dans la fabrique de munitions. Le 31 juin 1941, les 360 premiers prisonniers de guerre Français furent transférés du stalag XIII B de Weiden à Holleischen. Suivirent des prisonniers de guerre Russes, mis dans un camp spécial pour le travail forcé dans l’industrie de l’armement. Le nombre total de travailleurs dans les deux usines sera estimé jusqu’à la fin de la guerre à environ 80001.
Dans les documents probants sauvegardés émanant de la Kommandantur du camp de Flossenbürg concernant la « Metallwerke Holleischen GmbH », le kommando d’Holleischen apparaît pour la 1ère fois le 15 avril 1944 avec un nombre de 195 femmes détenues. Le camp des hommes sera mentionné pour la 1ère fois le 11 août 1944, avec un effectif de 200 détenus dans une relation de voyage du plus haut chef de la SS et de la police pour la Bohême et la Moravie, le Général de corps d’armée SS, Karl Hermann Frank, dans le cadre d’une visite des kommandos extérieurs implantés dans le territoire des Sudètes.
Le kommando de femmes d’Holleischen appartenait initialement au camp de concentration de Ravensbrück, d’où les premières femmes ont été transférées en avril 1944. Bien que le kommando ait à l’origine été rattaché à Flossenbürg, il sera encore administré par le camp de Ravensbrück jusqu’au 31 août 1944.
Les femmes détenues ont été casernées dans les bâtiments opérationnels d’une ferme située entre les usines 1 et 2, à la lisière de la commune. Ce casernement disposait de son propre hôpital. Les granges, greniers à foin, écuries de la ferme furent aménagés pour le logement des détenues, et toutes les fenêtres , le portail d’entrée et les toits ont été clôturés de barbelé électrifié2.
Jusqu’en août 1944, le nombre de femmes à Holleischen a atteint le chiffre de 600, et est resté relativement constant jusqu’au début de 1945. La majorité du groupe des détenues est composée de 50% de Françaises, suivie à chaque fois d’1/4 de Polonaises et de Russes3. Les autres nationalités et les détenues Juives étaient à Holleischen à peine emprisonnées. Cela a changé le 6 mars 1945 avec l’arrivée par fer de 143 Juives Hongroises en provenance du kommando extérieur des usines « Siemens-Schukert » situé à Nüremberg. Le nombre total des détenues s’élève alors à 836. Le 9 mars 1945 arrivent à Holleischen 259 détenues en provenance des kommandos dissous de Nüremberg.
Le chef du kommando d’Holleischen est le capitaine SS Emil Fügner. En août 1944, le camp d’Holleischen est surveillé par 64 membres de la Luftwaffe (Armée de l’Air), et 27 femmes gardiennes4. Les gardiennes sont originaires en majorité des territoires allemands de Bohême, et ont été préalablement, sauf une, formées à Ravensbrück. Le 25 octobre 1944 sont encore arrivées à Holleischen 5 gardiennes venant de Ravensbrück ; début 1945, 48 femmes sont au service des SS à Holleischen. Depuis au plus tard octobre 1944, Holleischen a servi de centre de formation pour le personnel féminin de surveillance des kommandos dépendant de Flossenbürg ; par ailleurs les représentants d’entreprises des kommandos opérationnels pouvaient se former à la surveillance, la rétribution et l’approvisionnement5. Les entreprises devaient assez souvent se décharger de leur propre personnel féminin de surveillance auprès des SS. Ce personnel féminin était formé lors de stages de plusieurs semaines à Holleischen, puis pris en charge comme adhérents des SS, entretenus et habillés. Une partie des surveillantes a pu lors des procès devant les tribunaux populaires d’exception qui se sont tenus dans la Tchécoslovaquie d’après-guerre, prouvé qu’elles avaient été contraintes au service. Ces procès se sont terminés par des peines d’emprisonnement de 1 à 10 ans. La surveillante SS Anni Graf a été condamnée pour crime contre l’humanité le 3 août 1948 devant le tribunal militaire français à Rastatt, à 15 ans d’emprisonnement6.
A Holleischen, les détenues devaient travailler tous les matins à l’usine n°2, en équipes de 12 heures. Vers la fin de la guerre, les détenues ont du aussi travailler à la construction d’aménagements de fortifications, comme par exemple des fossés anti-chars. La nourriture consistait le matin en ½ litre de café noir et 200 grammes de pain, à midi de la soupe, et le soir à nouveau du café noir et un morceau de pain.
A cause de soi-disant sabotages, 3 Françaises, Noémie Suchet, Hélène Lignier et Simone Michel-Lévy ont été condamnées à recevoir 25 coups de bâton, et par la suite renvoyées au camp principal de Flossenbürg où, peu de temps avant l’évacuation, elles ont été exécutées le 13 avril 19457. Dans le cimetière du bourg d’Holleischen sont enterrées 11 détenues mortes au kommando. Le 13 septembre 1944, 3 détenues polonaises, Stanislawa Swiergola, Anna Fabicki et Irène Cholewa se sont enfuies d’Holleischen. On ne sait rien de leur destinée8.
Le camp des hommes d’Holleischen sur lequel on sait très peu de choses, est considéré par le centre de recherches d’Arolsen comme ayant existé jusqu’au 31 janvier 1945. La dernière preuve sur le camp des femmes est une liste d’effectifs de travailleuses pour Holleischen qui recense 1091 détenues9. Dans les dernières semaines avant la fin de la guerre, les détenues purent à peine être forcées au travail, car l’usine ne pouvait plus être fournie en matières premières, en raison de la destruction des voies ferrées.
Le camp d’Holleischen a été libéré le 3 mai 1945 par des partisans, et 2 jours plus tard, pris en charge par les troupes américaines. Jusqu’à leur rapatriement dans leur pays d’origine, les détenues sont restées encore environ 5 semaines à Holleischen.
Les usines ont été après la guerre utilisées pour la fabrication de véhicules, l’hébergement de détenues, et à nouveau comme exploitation agricole. Une stèle sur le mur d’enceinte marque le souvenir du kommando. Les avocats fédéraux de Francfort sur le Main ont, en 1968, intenté un procès à l’ancien patron de la « Metallwerke Holleischen », Walter Schlempp. Les enquêtes préliminaires de l’Office central de l’administration judiciaire du Land à Ludwigsburg ont été diligentées par le parquet de Baden-Baden. La procèdure s’est arrêtée en 1976.
Le kommando du camp de concentration de Flossenbürg à Hradischko (Hradistko) apparaît sous différentes appellations. Dans les documents de l’administration on le trouve aussi sous le nom de « camp de travail de Beneschau ». Effectivement ce kommando était établi à Hradischko, une petite commune située à environ 40 km au sud-ouest de Prague. L’histoire de ce kommando est directement liée à la création d’un immense champ de manœuvres pour les troupes SS dans la Bohème occupée. En novembre 1941avait été ouvert à proximité de Beneschau (Benesov) « le champ de manœuvres de Beneschau pour les troupes SS», qui connut l’année suivante une gigantesque extension. 17600 habitants originaires de 62 communes des environs de la ville de Neweklau (Neveklov) durent quitter tout le secteur jusqu’en septembre 1943. Depuis la création de ce champ de manœuvres militaires, on fit venir sur le terrain des déportés pour des fonctions des plus variées. En 1942, dans la localité de Hradischko, fut construit un camp de travail, dont les prisonniers devaient travailler sur le champ de manœuvres. Après la fermeture du camp de travail, les baraquements furent occupés en novembre 1943 par des déportés du camp de concentration de Flossenbürg et transformés, avec constructions d’autres baraquements, de miradors et d’une petite place d’appel pour être adaptés à des conditions beaucoup plus sévères pour des déportés de camp de concentration. On ne sait pas très bien quel poste des unités de SS en action sur le champ de manœuvres avait demandé des prisonniers venant du camp de concentration de Flossenbürg. C’était vraisemblablement la kommandantur centrale de Beneschau, comme le laisse penser une remarque sur la liste du premier convoi de déportés vers le champ de manœuvres. 70 prisonniers allemands furent transférés le 17 novembre 1943, pour « être mis à la disposition du bureau principal de l’économie et de l’administration du 11.11.43 en direction du champ de manœuvres de Beneschau près de Prague » et installés dans le camp de baraquements dans la localité de Hradischko.1 Les structures d’organisation, de commandement et de surveillance de ce camp étaient extrêmement complexes. En principe, le responsable du recrutement des déportés était le commandant du champ de manœuvres SS en Bohême, le chef de brigade SS Karrasch. Seul le chef de kommando de ce camp extérieur, Alfred Kus, avait été détaché de la garde du camp de concentration de Flossenbürg à Hradischko. Différentes unités de SS, qui étaient basées sur le champ de manœuvres, assumèrent la garde des prisonniers, puis ce fut le régiment SS d’instructeurs, ensuite les bataillons de pionniers SS « Germania » et « das Reich » ainsi que momentanément le 2ème bataillon de garde SS de Prague. Le premier convoi de déportés atteignit Hradischko le 17 novembre 1943 avec 70 prisonniers. Ils furent avec 66 autres prisonniers allemands, qui furent déportés le 26 novembre du camp de concentration de Buchenwald à Hradischko, ainsi qu’un convoi de déportés du 24 décembre 1943 avec 55 autres déportés allemands les premiers à occuper ce kommando. Le 3 mars 1944 arrivèrent encore à Hradischko 325 déportés, parmi lesquels beaucoup de Français, mais aussi des Espagnols, des Italiens, des Russes et des Polonais, mais aucun Juif, si bien que l’effectif prévu de ce kommando était atteint avec juste 500 prisonniers. Les déportés du camp de concentration furent installés en kommandos de différentes tailles pour des travaux de construction sur la presque totalité du champ de manœuvres. Ils devaient entreprendre des fouilles pour le terrain de tir et furent employés aux constructions de conduites d’eau et de canalisations pour les installations SS, aux constructions de routes et à la préparation de bâtiments à des fins d’exercices militaires, puis à partir d’avril 1945 presque exclusivement à la construction de tranchées et de fossés anti-char. Jusqu’à ce moment-là au moins 20 prisonniers avaient été victimes des terribles conditions de travail. Au camp de concentration de Flossenbürg, 19 décès furent consignés pour la période du 20 mars 1944 au 26 mars 1945.2
Leurs corps furent transportés en camion à Prague, où ils furent incinérés au crématoire de Straschnitz (Strasnice). A partir d’avril 1945 commença l’exécution automatique de déportés. A cette date, en raison de l’approche de l’Armée Rouge, le champ de manœuvres était déjà prêt pour la défense ; SS-Sturmbannführer Erwin Lange, commandant du SS-Pionierbataillon « Germania » et commandant de Hradischko, ordonna au chef du kommando du camp extérieur, Alfred Kus, le transport des déportés du camp de concentration. Mais comme il n’y avait pas de moyens de transport à disposition, la liquidation des déportés fut décidée. Des armes furent intentionnellement cachées et trouvées au cours d’une razzia dans le camp des déportés, ce qui justifia l’assassinat des prisonniers, sous prétexte qu’ils auraient préparé une révolte. Le 9 avril, il fut ordonné aux déportés, contrairement aux autres fois, de se mettre en groupes de chacun 100 déportés ; ceux qui n’étaient pas des prisonniers allemands devaient se ranger en fin de colonnes. Alors qu’ils marchaient vers les lieux de travail, des membres du SS-Pionierbataillon tirèrent sur les derniers rangs des colonnes. C’est ainsi que le 9 avril au moins neuf déportés furent assassinés, douze le 10 avril et 27 le 11 avril.3 On ne sait pas pourquoi les exécutions s’arrêtèrent soudain après cette date. Toutefois les employés civils tchèques du champ de manœuvres eurent connaissance de ces assassinats, si bien que le commandant du champ de manœuvres était très préoccupé par la discipline sur le terrain et dans son entourage. Le 12 avril 1945, la garde du camp extérieur fut encore une fois changée et de nouveau assumée par le SS-Lehrregiment à Hradischko.
Le 26 avril 1945, le kommando fut définitivement dissous ; les déportés qui restaient furent chargés dans des wagons à bestiaux avec des déportés de kommandos de Flossenbürg, Janowitz (Vrchotovy Janovice) et Mieschenitz (Mèchenice) et conduits vers Prague. Dans la banlieue de Prague, à Vrschowitz (Vrsovice) , d’autres wagons avec des prisonniers de différents camps dissous furent ajoutés au train d’évacuation et ce convoi fut finalement redirigé vers le champ de manœuvres. Au sud de Janowitz, à proximité d’un petit bois, les déportés furent tirés des wagons et des membres de la SS ouvrirent le feu sur eux. Les descriptions des circonstances de la libération des prisonniers sont extrêmement contradictoires. En s’appuyant sur la découverte des cadavres après 1945, les ministères publics tchèques et allemands qui enquêtaient, estimèrent qu’entre 100 et 150 déportés de Hradischko furent assassinés d’avril à mai 1945.4
Après 1945, la zone du champ de manœuvres fut à nouveau habitée. Les baraquements du champ de manœuvres servirent d’habitations, si bien que des restes de constructions du kommando ont été conservés jusqu’à aujourd’hui. A une bifurcation, à la sortie de la localité, tout près du lieu du massacre, fut érigée dans les années 60 une stèle à la mémoire des victimes du kommando.
Précision apportée par l’association :
Les fiches biographiques relatives aux déportés de Flossenbürg passés par le Kommando de Hradistko mentionnent le rôle prépondérant joué par les partisans tchèques dans la libération du Kommando.C’est à la lumière de nombreux témoignages d’anciens déportés de ce Kommando que Michel Clisson, alors président de l’association, a pu cerner au plus près les conditions et les dates de libération du Kommando.
Il en a résulté la mention suivante sur chaque fiche biographique concernée :
« Date et conditions de sa libération : Hradistko (Hradischko) est évacué le 26 avril 1945 à pied jusqu’à la gare de Miechnitz. Départ pour Prague le 28, après regroupement avec les évacués de Janovice dans ce convoi, arrêt dans la banlieue de Prague. Les Tchèques apportent de la nourriture. Départ vers Prague-Werchonitz le 29 avril. A l’arrivée, une impression de libération, certains s’évadent, aidés par les Tchèques, qui soignent les plus épuisés. Les S.S. reviennent en fin de journée et se font menaçants. Différents convois se regroupent sur ce train : de Ravensbrück dont les femmes sillonnent l’Allemagne depuis le début mars, de Buchenwald etc… Le dimanche 6 mai, le convoi est toujours à l’arrêt. Le départ a lieu le lundi après-midi en direction du sud. Plusieurs arrêts en rase campagne. Nouvel arrêt en gare d’Olbranovice, où l’on dépose les morts. Après 36 heures de stationnement, départ le 8 mai vers l’Autriche mais le convoi est intercepté et libéré par les partisans tchèques, entre Velesin et Kaplice. »
12 janvier 2023
Nous vous invitons à lire, dans notre rubrique Témoignages, l’article : « Hradischko, à la recherche de traces ».
29 août 2024
Archive : voyage de mémoire en juillet 2010 : https://cz.ambafrance.org/Voyage-de-memoire-d-anciens-deportes-desvatava
Le village de Janowitz (Vrchotovy Janovice) situé en Bohême centrale, non loin de la ville de Wotitz (Votice), se trouvait dans les années 1944/45 sur le territoire du champ de manœuvres SS de Beneschau (Benesov), plus tard champ de manœuvres SS de Bohême. Les premières ébauches pour la création de ce champ de manœuvres au sud de Prague, entre la Moldau et la Sasau dataient de 1939. La population de la région fut progressivement évacuée à partir du mars 1942.1 Les habitants de Janowitz furent évacués lors de la cinquième et dernière étape et ce jusqu’au 1 avril 1944. Les travaux sur le champ de manœuvres commandé Alfred Karrasch, SS-Oberführer puis SS-Brigadeführer et Generalmajor des Waffen SS, qui résidait au château Konopiste, nécessitaient une main d’œuvre bon marché. A cet effet, un camp d’éducation par le travail fut installé fin 1942 dans la commune de Hradischko (Hradistko) dans la partie nord-ouest du champ de manœuvres. Ce camp fut placé sous l’autorité du camp de concentration de Flossenbürg en tant que kommando extérieur à partir de novembre 1943. Puis un nouveau camp d’éducation par le travail fut installé dans la commune proche de Breschan (Brezany). Un kommando extérieur de ce camp avec 40 déportés de trouvait depuis le printemps 1944 à Janowitz dans les domaines de Frantisek Petricek et d’Antonin Kratochvil. De plus, depuis juin 1944, vivaient ici 80 hommes juifs dans un kommando extérieur du camp spécial de Bistritz (Bystrice) issus « de mariages mixtes ».2 Leur activité principale consistait à construire des baraquements en bois pour un nouveau camp à côté du nouvel étang à la sortie du bourg sur la route de Merwitz (Mrvice). Les premiers déportés venus du camp de concentration de Flossenbürg arrivèrent à Janowitz vraisemblablement le 24 juillet 1944.3 Sur le terrain vague, il y avait six baraques en bois, dont trois hébergeaient les déportés. Deux mieux équipées servaient aux équipes de gardes SS et la sixième faisait office de cuisine. Le camp était entouré d’une double clôture de barbelés et de quatre miradors.4 Le premier groupe de déportés de camp de concentration se composait de 100 personnes. Ils érigèrent des bâtiments pour l’école d’artillerie SS sous le commandement du SS-Sturmbannführer Sinn.5 Début novembre 1944 le nombre de déportés passa à 200 ; jusqu’ à une épidémie de typhus à la fin de l’hiver le nombre resta à peu près constant. Sur les 182 déportés de Janowitz en février 1945 il y avait 72 Russes, 41 Français, 41 Polonais, 15 Allemands, 6 Tchèques, 2 Espagnols, 1 Belge, 1 Bulgare, 1 Hollandais, 1 Italien et 1 Hongrois.6
Le chef du kommando fut d’abord le SS-Hauptscharführer Friedrich Christel, qui fut remplacé par le SS-Hauptscharführer Willibald Richter originaire des Sudètes.7 La garde SS comptait 2 sous-officiers et 39 hommes.8
Les kommandos de travail étaient regroupés tous les matins. Un lieu d’intervention était la gare de Cichovka, où les déportés devaient décharger le matériel et poser une deuxième voie. Un autre kommando travaillait non loin, dans la carrière de Schebaniowitz (Sebanovice), que les entreprises allemandes de travaux publics (DESt) de Mauthausen avaient repris le 1. Septembre 1943 avec 16 autres carrières à l’administration locale SS, sur le terrain du champ de manœuvres.9 Avec ces pierres furent construits des ateliers de réparations pour chars en face du camp de Janowitz. Le premier propriétaire de la carrière, Karel Chomout, resta y travailler après son expropriation comme administrateur et chef d’équipe de 15 tailleurs de pierres civils.
D’autres déportés s’occupaient de terminer le camp et démolissaient le moulin Zrcadlo et d’autres maisons des environs. Quelques déportés furent embauchés dans la ferme SS de la commune voisine de Merwitz.10 Les kapos qui dirigeaient les kommandos de travail étaient pour la plupart des criminels allemands. Les déportés appelaient l’Oberkapo Helmut Lindner « le kapo noir » à cause de sa brutalité. Il était responsable de la mort de quelques déportés. Il jeta des déportés malades, qui ne pouvaient se présenter sur la place d’appel, à bas de leur châlits puis traîna les blessés jusqu’aux barbelés, où ils furent abattus par les gardes.11 La distribution de nourriture par les kapos à la carrière était injuste, quelques tailleurs de pierres passaient du pain et de l’eau aux déportés. Les tortures, le travail difficile, la nourriture et les vêtements très insuffisants entraînèrent des décès. Les cadavres furent vraisemblablement conduits à Prague pour être incinérés. D’après d’autres dépositions ils furent enterrés dans la forêt proche et près du mur du parc du château et dans le cimetière communal. En décembre 1944, deux déportés français s’évadèrent ; l’un deux fut repris et exécuté.12
Début 1945 éclata à Janowitz une épidémie de typhus, contre laquelle la direction du camp ne prit aucune disposition. D’après des témoignages presque la moitié des déportés mourut. Fin mars 1945, les survivants furent conduits à Chlum près de Kschepenitz (Krepenice) dans une propriété paysanne, qui fut transformée pour le camp. Là ils réparaient les routes et travaillaient à la ferme SS locale. Après la guerre, 14 corps de déportés furent exhumés à Kschepenitz.13
Fin avril 1945, les déportés de Kschepenitz furent transportés en camions à Miechenitz (Mechenice) et de là par train à Prague avec des déportés de Hradischko. Le 30 avril, les wagons furent ajoutés à un grand convoi de déportés. Pendant le trajet en direction de Budweis (Ceské Budejovice) il y eut de nombreuses exécutions.14 Les survivants ne furent libérés que le 8 mai par des partisans tchèques à Kaplitz (Kaplice).
Le 8 mai 1945, les Américains firent prisonniers les membres des unités SS du terrain de manœuvres. Par la suite, les anciens habitants revinrent. Les baraquements du camp et les ateliers qui leur faisaient face prirent feu, le matériel de construction encore sur place fut vendu aux habitants de Janowitz. En 1982, on érigea un monument au bord du nouvel étang à l’emplacement du chenil des gardiens.
Par manque de preuves, les poursuites pénales contre les responsables furent interrompues le 30 juin 1976 par le parquet de Zweibrücken.15 A cette époque, les chefs de kommandos du camp extérieur étaient déjà morts.
Le 1er décembre 1943 un camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg fut construit dans la petite ville de l’Erzgebirge Johanngeorgenstadt, située à environ 50 km au sud de Zwickau et tout près de la frontière de l’actuelle République Tchèque. Mis à part un camp extérieur qui a existé peu de temps à Stulln, c’était le premier camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg aménagé pour l’industrie de l’armement. Depuis 1939 la SARL de construction mécanique Erla, dont le siège avait été transféré à Leipzig peu après l’implantation de Erla dans le Erzgebirge en 1934, exploitait à Johanngeorgenstadt une entreprise dans l’usine de meubles de bureau Heinz, installée dans un lieu tranquille. Des travailleurs civils allemands et étrangers y fabriquaient des gouvernes, des ailes et des lamelles pour l’avion de chasse Me 109 construit par les usines Erla de Lizenz.
Ce sont d’abord 100 détenus de camp de concentration qui travaillèrent à partir du 3 décembre 1943, puis, à partir du 20 décembre déjà 420, dont 205 comme ouvriers spécialisés et 215 comme manoeuvres. Suite à de nouveaux convois, le kommando de travail passa fin janvier 1944 à 550 détenus ; fin février on transféra environ 100 détenus à Johanngeorgenstadt, fin mars 130 et fin mai encore 50. Le nombre de détenus qui était ainsi arrivé à 833 chuta en juin 1944 à 809 ; dans le courant de l’année le nombre de détenus baissa entre 780 et 840. Pour les jeunes détenus appelés « apprentis » les usines Erla comptaient un taux journalier moindre de 2 RM. A partir d’août 1944 on dénombra 41 « apprentis », fin septembre jusqu’à 142, et jusqu’à la fin de l’année environ 132 durent travailler quotidiennement. L’effectif maximum du camp fut atteint en janvier 1945 avec 988 détenus ; fin février il y avait encore 857 détenus à Johanngeorgenstadt et fin mars 847 1. Le dernier rapport des forces du 13 avril 1945 mentionne 842 détenus. Les plus grands groupes étaient constitués de 400 hommes venus de l’Union Soviétique, 200 pour les Polonais et les Français et même 60 Allemands. Les autres prisonniers appartenaient à neuf autres nationalités. Dans le livre des matricules de Flossenbürg aucune catégorie de détention n’est indiquée pour plus de la moitié des détenus 2. La plupart étaient d’anciens travailleurs civils du travail forcé ou des déportés politiques ; des tsiganes et des « asociaux » étaient aussi emprisonnés. En plus des ouvriers spécialisés (de la métallurgie) il y avait, dans le camp extérieur, des gens appartenant à tous les métiers, la plupart furent embauchés comme manoeuvres 3. Différents groupes furent transférés à Johanngeorgenstadt par de plus grands convois : fin février 1944 un peu plus de 120 Français, qui avaient été déportés à Flossenbürg peu de temps auparavant, en mars environ 70 Russes en provenance de Lublin-Majdanek, en août environ 40 « tsiganes » allemands ou tchèques venant de Buchenwald. En outre, de plus petits groupes de détenus, le plus souvent des ouvriers spécialisés, arrivaient régulièrement à Johanngeorgenstadt, des malades étaient renvoyés au camp principal de Flossenbürg.
Les détenus étaient logés dans le sous-sol de la fabrique de meubles, leurs lieux de travail se trouvaient au-dessus dans les étages. La fabrique était entourée d’une clôture en fil de fer barbelé électrifiée. Le travail se faisait en deux équipes de douze heures chacune et par groupes de 25 à 80 personnes. Quiconque ne s’acquittait pas normalement de sa tâche devait le payer par une bastonnade 4. En plus de leur travail à la fabrique, les détenus devaient de temps en temps déblayer la neige ou nettoyer la ville. D’après les témoignages du premier chef de kommando SS-Hauptscharführer Cornelius Schwanner au procès de Dachau- Flossenbürg, le camp extérieur disposait d’une infirmerie bien équipée et de soins remarquables – une opinion qui ne fut partagé par aucun des anciens détenus.
Il semblerait que deux détenus polonais aient travaillé comme infirmiers avec un médecin russe. De plus, le médecin de l’usine, Dr. Englhardt, était responsable de l’assistance médicale apportée aux prisonniers. Les détenus recevaient la nourriture de la firme, qui la décomptait des frais de travail auprès de la kommandantur de Flossenbürg. Quelques travailleurs civils aidaient les détenus en introduisant clandestinement des colis de vivres dans le camp ou en leur procurant l’accès à un récepteur de radio.
L’équipe de surveillance à Johanngeorgenstadt se composait au début d’environ 40 SS, qui, durant les premières semaines, étaient logés dans la «Bergschänke»5. A partir de la fin de l’été 1944, on mit aussi à contribution, non pas seulement pour le service de garde, mais aussi comme artisans, des soldats de l’armée de l’air qui venaient peut-être du bataillon de construction de l’armée de l’air 1/4 VII dissous. En service, ils continuaient à porter les uniformes de l’armée de l’air avec les écussons des SS 6.
Economiquement ils étaient, comme leurs collègues du camp extérieur de Flöha, sous l’autorité de la division 4 de formation de conduite de l’armée de l’air dépendant de Chemnitz-Hilbersdorf 7.De janvier à mars 1945, le nombre de gardiens resta constant à 59 8. La SS se montrait extrêmement brutale lors de «fautes» des détenus. De trois jeunes détenus qui avaient tenté de fuir, l’un fut abattu et un autre fut repris ; il fut enfermé trois jours dans un réfrigérateur dans la cuisine, puis pendu dans la cour de l’usine. Tout d’abord la corde cassa, ce n’est qu’à la 2éme tentative que le jeune russe fut tué 9.
Début 1945 il y eut un vaste changement dans le personnel de garde du camp extérieur : le chef de kommando Cornelius Schwanner fut remplacé par le SS-Hauptscharführer Gottfried Kolacevic, qui fut détaché avec 30 gardiens à Johanngeorgenstadt le 24 janvier ; le 5 février, 27 autres suivirent, parmi lesquels le SS-Scharführer Wenzel Fink, resté dans les souvenirs des détenus comme un homme brutal 10. La très grande majorité des gardiens avait 40 ans ou plus. Peu de temps après, Cornelius Schwanner devint chef de kommando du camp extérieur de Obertraubling ; en raison principalement de la cruauté dont il fit preuve, il fut condamné à mort lors des procès de Flossenbürg à Dachau et exécuté en 1948 à Landsberg.
50 détenus au moins sont morts dans le camp extérieur de Johanngeorgenstadt. Si au début ils étaient victimes d’exécutions ou d’assassinats de la part des gardiens, à partir du début 1945 de plus en plus de détenus mouraient de maladies comme la tuberculose et le typhus. 13 décès sont mentionnés rien que pour le mois de février 1945. Les corps furent conduits à Flossenbürg ou Zwickau pour être incinérés.
Le camp extérieur de Johanngeorgenstadt fut évacué le 16 avril 1945. Le chef de kommando Kolacevic reçut soi-disant une consigne précise du SD de Aue 11. Aux détenus de Johanngeorgenstadt se joignirent d’autres qui venaient d’autres camps dissous, et qui tous furent entraînés vers Schönheide. Le rapport d’une enquête tchèque parle de 1123 détenus, dont 188 de Lengenfeld, 106 de Zwickau, mais aussi de 7 femmes venant de Plauen, qui avec les 822 détenus qui se trouvaient sur place devaient être conduits, tout d’abord par le train à Karlsbad en passant par Neurohlau, puis de là à pied vers l’est par Bochov, Lubenec et d’autres étapes jusqu’à Theresienstadt.
D’après le témoignage de Kolacevic, il remit le convoi, qui s’amenuisait de jour en jour en raison des nombreux décès dus à l’épuisement et à la maladie, à une délégation suisse à Theresienstadt le 8 mai 1945. Il aurait eu à ses côtés pour accompagner le convoi environ dix gardiens SS, qui pour certains d’entre eux furent emprisonnés ; SS-Scharführer Fink mourut durant sa détention préventive tchèque.
A Johanngeorgenstadt après la libération fut installé un « camp d’accueil pour travailleurs étrangers et détenus de camps de concentration », où de nouveaux décès sont prouvés jusqu’à fin mai 1945 ; mais il s’agit vraisemblablement de décès de travailleurs civils du travail forcé.
La procédure d’enquête contre le deuxième chef de kommando Gottfried Kolacevic fut engagée en 1976. Comme sa responsabilité pour les décès pendant l’évacuation du camp extérieur ne put être prouvée, le parquet de Frankfurt/Main considéra en raison de la prescription, qu’une condamnation pour homicide volontaire était impossible 12.
Le bâtiment de l’usine Erla transférée fut à nouveau utilisé comme fabrique de meubles après la guerre ; entre-temps il est libre. Plusieurs plaques commémoratives rappellent le camp extérieur. Au cimetière de Johanngeorgenstadt un emplacement fut aménagé avec des pierres commémoratives pour les victimes françaises, russes et italiennes du camp extérieur.
(Nom de code : « Richard »)
Leitmeritz (Litomerice en tchèque)
C’est à Leitmeritz, ville tchèque, qui, à partir de l’automne 1938 et à la suite de l’annexion des Sudètes, appartenait au « Deutsches Reich », que se trouvait le plus grand camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg. Il avait été aménagé dans le cadre du chantier « Richard ». Dans les documents officiels, il apparaissait sous les dénominations : « SS Kommando B5 (détachement) », « Aussenkommando Leitmeritz (détachement extérieur de) ou « Arbeitslager Leitmeritz (camp de travail de) ». C’est, alors que des civils préparaient le chantier « Richard », que le 1er transport de 500 détenus, en provenance du KZ Dachau, arriva à Leitmeritz, le 24 mars 1944. Comme il n’y avait aucune possibilité de les loger, ils dormirent provisoirement dans les cellules de la prison pour femmes de la Gestapo, dans la petite ville fortifiée de Terezine, située à 7 km. Les détenus étaient enregistrés à Flossenbürg, qui leur attribuait également un matricule. Dès le 27 mars 1944, ils se rendirent à Leitmeritz pour travailler. Sur le chantier, les travaux de préparation étaient dirigés par le détachement « SS-Führungsstab B5 (état-major de direction) ». En l’espace de quelques jours, en tout 100 détenus furent renvoyés à Dachau. Sur quoi, le détachement « SS-Führungsstab B5 » quitta Leitmeritz, car le commandement SS n’était pas prêt à endosser la responsabilité de ce projet risqué. C’est seulement en mai 1944 que le ministère de l’Équipement réussit, auprès d’Hitler, à obtenir que le commandement SS s’engage à nouveau Leitmeritz.
Il était prévu d’héberger les détenus dans une ancienne caserne de l’armée tchèque. Dans les abris primitivement prévus pour les soldats, étaient logés la direction du camp et la garde SS et aussi quelques travailleurs allemands et étrangers. Les écuries, les magasins et le manège étaient réservés pour le camp de concentration. Ces installations étaient entourées d’une double clôture avec 7 miradors. L’aménagement du camp dura tout l’été 1944. Les premiers détenus équipèrent les locaux au fur et à mesure des besoins avec des châlits de six à huit niveaux, séparés en deux étages par un plancher de bois. Dès le début, on parla de 6000 lits pour les détenus. L’infirmerie fut érigée à la fin de l’été 1944. Au début, la nourriture pour les détenus venait de l’extérieur, car la construction de la cuisine du camp ne commença qu’au début juin 1944. L’arrivée continuelle de nouveaux détenus nécessitait une extension constante du camp. En automne 1944 et au printemps 1945, on construisit des baraques en bois. Selon un plan de situation daté du 1er avril 1945, sept baraques en bois étaient occupées et trois nouvelles prévues. Au final, le camp de Leitmeritz devait se composer de 2 parties : le camp des détenus d’une capacité de 4 300 hommes et dans les baraques attenantes, était prévu celui des femmes pour 1 000 personnes. Le 10 août 1944, on dénombrait : 2 800 détenus, le 16 novembre 1944 : 4 975, le 23 décembre 1944 : 5 034, le 15 février 1945 : 6 584 et le 14 avril 1945 : 6 826 hommes.
Le détachement Elsabe, qui fut opérationnel dès le 26 novembre 1944, était installé au début, dans le manège, avec les autres détenus. Pour les différencier des autres, ses 700 travailleurs portaient un « E » dans le dos. Ceux qui travaillaient à la machine portaient en plus, sur la poitrine, son numéro. Bien qu’au détachement Elsabe, la quote-part des malades et des morts atteignait déjà, en décembre 1944, le quart de l’effectif total des détenus, ce n’est qu’au début février 1945 que des efforts furent entrepris pour améliorer les conditions de ce détachement. Les deux équipes Elsabe I et Elsabe II déménagèrent dans un bloc indépendant avec lavoir et de plus petits dortoirs. Dès ce moment, le détachement eut son propre appel et ne participa plus qu’à l’appel principal avant la reprise du travail. Le détachement reçut aussi un supplément de nourriture. La construction des baraques en bois n’apporta aucune amélioration des mauvaises conditions de logement. Dès la mi-février, la surpopulation augmenta encore et atteignit son maximum à la fin avril avec presque 9 000 détenus. Vers la fin de la guerre, Leitmeritz était devenue la destination de nombreux transports d’évacués et de marches de la mort. L’hébergement était insuffisant et quelques détenus dormirent finalement à l’air libre entre les baraques, dans des abris hors des clôtures et pendant les derniers jours dans les galeries.
Le but du projet « Richard » était la construction d’une usine souterraine pour Elsabe S.A.. Sous ce nom d’emprunt se cachait une unité de production du groupe Auto Union, dépendant de l’usine de Siegmar. La production devait se concentrer sur des moteurs Maybach HL 230. Le transfert de ce programme vers Leitmeritz avait été décidé par Hitler le 5 mars 1944. La construction souterraine devait être un élément constituant d’une chaîne de production de moteurs pour chars d’assaut. L’ordre initial du transfert à la carrière de pierre à chaux « Leitmeritz Kalk- und Ziegelwerke AG », au-dessus de Leitmeritz fut donné par le Ministère de Speer, le 18 mars 1944. Les coûts de construction étaient estimés entre 10 et 20 Millions de Reichmarks. L’état-major spécial Kammler surveillait les travaux avec l’aide de la SS-Führungsstab B5. Cette dernière fut tout d’abord commandée par le SS-Obersturmführer Werner Meyer et puis, à partir de novembre 1944, par le SS-Sturmbannführer Alfons Kraft. Les installations destinées à Auto Union furent rapidement désignées sous « Richard I », car le 15 mai 1944, le Ministère de l’armement décida de transférer la production du groupe Osram dans une partie des galeries, sous le nom de « Richard II ». L’usine Kalkspat K.G. en construction, devait couvrir les besoins croissants de l’industrie aéronautique en produits contenant du tungstène et du molybdène. La planification, la construction et le lancement de la production de l’usine Kalkspat K.G. étaient également du ressort de la SS-Führungsstab B5. La responsabilité de la planification totale de tous les fournisseurs pour la construction à Leitmeritz fut confiée à la firme berlinoise Mineralöl Baugesellschaft m.b.H., qui avec l’accord de la SS-Führungsstab B5 attribuait les travaux à de nombreuses entreprises allemandes, des Sudètes et du Protectorat, par exemple : Fuchs & Co. Cottbus, Siemens-Schuckertwerke A. G. Teplitz-Schönau, Siemens-Halske A. G. Dresden, Wolfferts & Wittmet Berlin, Fritz Pollems K. G. Berlin, Dyckerhoff & Widmann Dresden, Polensky & Zöllner Driesen..Nm., Alwin Böhme & Sohn Leipzig, Oberschlesische Baugesellschaft m.b.H. Kattowitz, Josef Kargel Reichenberg, Ferngas A. G. Teplitz-Schonau, Wiener Baugesellschaft m.b.H. Dniepropetrowsk, Paul Schreck K. G. Halle und Robert Kieserling Hamburg.
Les détenus travaillaient jour et nuit, sans l’outillage nécessaire, sans les mesures minimales de sécurité et sans moyens auxiliaires. Après le bombardement de l’usine d’Auto Union de Siegmar, le 11 septembre 1944, les machines des deux importantes chaînes de production pour la fabrication des culasses et des blocs moteurs, en tout 180 machines, furent réparées entre le 25 septembre et le 30 octobre 1944 et installées à Leitmeritz. Au final, le projet était de fabriquer entièrement les moteurs HL 230 à Leitmeritz. La production débuta le 3 novembre 1944 et les premiers produits quittèrent Elsabe, le 14 novembre 1944. Malgré toutes les mesures prises, la productivité à Elsabe était faible et n’atteignait pas les quotas exigés. Les machines étaient défectueuses, les détenus épuisés, malades et pour cela le rebut était très élevé. La firme hambourgeoise Robert Kieserling, Tief- und Strassenbau A. G., (génie civil et routes) était chargée de la construction de « Richard II ». L’équipement devait commencer au 4eme trimestre de 1944 et les différentes sections devaient lancer la production jusqu’à la fin de l’année. Ces objectifs ne furent, jusqu’à la fin de la guerre, jamais atteints, car les représentants d’Osram avaient rapidement reconnu que le projet était voué à l’échec.
Près de 18 000 détenus passèrent par Leitmeritz, y compris 770 femmes. L’existence du camp commença le 31 mai 1944 avec l’arrivée du premier transport de 1 202 détenus venant de Gross-Rosen. Entre Juillet 1944 à la mi-Février 1945, 17 gros et petits transports amenèrent des détenus. La plupart provenaient de Flossenbürg (3649), les autres de Gross-Rosen (2 051), Auschwitz II-Birkenau (1 995) et Dachau(1441). Il y eut 8 transports en provenance du KZ Flossenbürg. Le 9 août 1944, les premiers Juifs arrivèrent au camp. Le taux de malades et de décès, qui était bas, augmenta rapidement. À cause de cela, le 13 octobre 1944, 760 Juifs polonais furent déportés à Dachau et à Mauthausen. Le 4 septembre 1944 arrivèrent de Flossenbürg 1296 Polonais, qui avaient été arrêtés lors de l’insurrection de Varsovie. Plus de 700 hommes (plus de 50 %) de ce transport moururent à Leitmeritz. Le 25 novembre et le 8 décembre 1944, l’effectif de l’usine Elsabe fut complété avec 700 détenus choisis, 345 d’entre eux moururent. Le détachement Elsabe devait constamment être complété par des détenus d’autres transports. Le dernier transport en provenance de Flossenbürg arriva le 4 février 1945. Il comprenait 40 Juifs hongrois destinés à « Richard II ». Le 14 février 1945, arriva le 2eme transport avec 2 051 détenus de Gross Rosen, qui venait d’être évacué. Les réfugiés étaient en très mauvais état, 68 d’entre eux étaient décédés pendant le trajet. Quatre convois arrivèrent d’Auschwitz II-Birkenau, le plus important, le 17 septembre 1944, comptait 1495 personnes, principalement des Polonais. Les SS et les Kapos s’occupèrent particulièrement des survivants de l’insurrection de Varsovie. Un tiers d’entre eux ne vit pas la libération. De Dachau arrivèrent encore trois convois. Dans le 2e, qui arriva le 25 juillet 1944 avec 400 détenus, se trouvaient des partisans slovènes et des membres du mouvement de la résistance antifasciste. Le 6 janvier 1945 arriva de Kaufering un convoi avec 835 Juifs, la moitié mourut à Leitmeritz. Encore le 27 janvier 1945, arriva un convoi de Dachau avec 206 détenus supplémentaires.
En 1945, Leitmeritz était la destination de nombreux convois d’évacuation. Fin mars et en avril, environ 2000 détenus des camps externes du KZ Flossenbürg furent évacués vers Leitmeritz, soit de Zwickau, _Zschachwitz, Dresden, Schlackenwerth, Gröditz, Mülsen-St Micheln, Nossen und Flöha. 800 détenus arrivèrent également des succursales de Buchenwald, Berga, Colditz, Weimar, Jena, Aschersleben et Dora. Le dernier gros transport arriva de Buchenwald, le 9 avril 1945 avec 1 473 détenus.
En tout, environ 4 000 Juifs furent déportés à Leitmeritz. La plupart provenaient de Pologne. À mi-février 1945 arrivèrent les 50 à 100 premières femmes d’Auschwitz. Elles furent installées dans un hangar à l’extérieur du camp. Puis 300 autres arrivèrent de Ravensbrück le 6 avril et enfin 3 à 400 le 16 avril 1945 de Chemnitz. Les femmes devaient travailler pour Osram. Pendant les derniers jours d’existence du camp, les femmes furent évacuées sur Terezin. Les détenus de Leitmeritz provenaient pratiquement de tous les pays que l’Allemagne occupait. Les plus nombreux étaient les Polonais (près de 9 000), les Russes (3 500), les Allemands (950), les Hongrois (850), les Français (800), les Yougoslaves (plus de 600) et les Tchèques (plus de 500).
Pendant toute l’existence du camp, 3 869 détenus furent transférés, soit au camp de Flossenbürg (1657) soit dans ses camps annexes. Les transports ne concernaient que des détenus malades ou incapables de travailler. Avec les deux gros transports des 7 et 12 mars 1945, 500 et de 700 détenus furent transférés à Bergen-Belsen, des malades atteints de dysenterie et de typhus. Sur leur sort rien n’est connu.
Le premier commandant du camp fut le SS-Hauptscharfführer Schreiber (capitaine). Il arriva avec le 1er transport de Dachau et une dizaine de gardes SS. Trouvé trop indulgent envers les détenus, il fut révoqué sur demande du SS-Führungsstabs Meyer. Son successeur le SS-Hauptscharfführer Eric von Berg, ne servit que pendant les mois de l’été 1944 à cause de différends avec l’état-major SS. C’est pendant son temps qu’eurent lieu les premières tentatives d’évasion et les premières pendaisons. Après lui, c’est le SS-Obersturmführer Völkner qui commanda, jusqu’en novembre, le camp. C’est sous son commandement que furent améliorés les conditions de logement, de nourriture et l’équipement des détenus. Son successeur, le SS-Hauptsturmführer Heiling, fut le représentant le plus brutal de la direction du camp. Heiling quitta Leitmeritz atteint du typhus exanthématique. Le dernier commandant du camp à partir de février 1945 fut le SS-Untersturmführer Benno Brückner. C’est le Schutzhaftlagerführer représentant du commandant du camp, qui avait une influence directe sur l’ordinaire des détenus. Pendant une courte période, c’est le SS-Hauptscharführer Willi Czibulka, défini comme un sadique par les détenus, qui occupa la fonction. Le deuxième Schutzhaftlagerführer Kurt Panicke, aussi, était connu pour sa férocité et son arbitraire. En mars 1945, il fut déplacé à Flossenbürg, mais revint pourtant après 2 semaines. Pendant son absence, le SS-Oberscharführer Karl Opitz, ancien chef de la SS-Kantine à Gross-Rosen prit sa place et ne la quitta pas malgré le retour de Panicke. Il fut, en 1946, condamné à la prison à vie par un tribunal extraordinaire du peuple à Leitmeritz. Il avait reconnu devant le tribunal avoir assisté à une trentaine de pendaisons. La surveillance des détenus dans le camp était du ressort des chefs de blocs. L’engagement des détenus était organisé par la section « engagement » dépendant du commandement du camp, à la tête de laquelle on trouva le SS-Unterscharführer Tilling et après lui le SS-Unterscharführer Piasek. La section « politique » était dirigée par les SS_Rottenführer Willi Bacher et SS-Rottenführer Hans Rührmeyer. La section « approvisionnement » fut tout d’abord dirigée par le SS-Unterscharführer Hans Kohn, qui fut à partir de 1945, chef de la cuisine des détenus, puis par le SS-Oberscharführer Günter Schmidt et le SS-Scharführer Eduard Schwarz.
Au début, à l’époque où les détenus étaient logés à Terezin, la garde comptait 30 soldats de la Luftwaffe. Son commandant, Emmanuel Fritz, avait été procureur à Vienne. Dès que les locaux de Leitmeritz furent prêts, la garde fut assurée par la 6ème compagnie de la garde aérienne « Leitmeritz », qui dépendait de la Sonderinspektion II (Jägerstab) de Nordhausen. Au final, cette unité compta 250 à 300 soldats de la Luftwaffe, en provenance de Vienne, Leipzig et Buchenwald. A l’été 1944, c’est le capitaine Jelinek qui la commandait. Au début septembre, il fut remplacé par le SS-Oberscharführer Edmund Johann, déplacé du camp de Natzweiler à Leitmeritz. Il était courant que lorsqu’une sentinelle avait tiré sur un détenu, qu’elle soit louée et reçoive un congé exceptionnel. Le 28 février 1945, la garde comptait 277 membres. À Leitmeritz, il n’y avait pas de « blocs nationaux », comme dans les autres camps. Au début, la totalité des détenus d’un transport était attribuée à un bloc. Par la suite, lorsque des groupes de travail stables se furent formés, les blocs ne se différenciaient que par le genre de travail auquel les détenus étaient attribués. Les détenus qui avaient connu plusieurs autres camps ont décrit le camp de Leitmeritz comme Bretislav Lukes : « Partout régnait un certain ordre. On savait à quelle heure on mangeait et quand on devait se coucher. Cependant ici, il n’y avait que le travail, le travail toujours seulement que le travail, on travaillait jusqu’à 14 heures par jour. C’était un vrai camp d’esclaves ». La faim en relation avec un travail harassant était l’un des principaux instruments pour exterminer les détenus. L’organisation des SS avait un très grand intérêt à utiliser efficacement les détenus, mais restait insensible à leur condition d’existence. Pas une seule fois, le SS-Führungsstab B5 n’a été capable de répondre aux exigences des entreprises en répartissant les détenus dans les kommandos en fonction de leur profession. Malgré des réclamations continuelles, les entreprises devaient former presque journellement de nouveaux détenus. Pendant les épidémies, la direction du camp était dans l’incapacité de mettre à disposition les 4 000 détenus requis.
En février 1945, un tiers de détenus luttait contre des maladies infectieuses. Beaucoup d’entre eux étaient dirigés vers l’infirmerie (Revier) après qu’ils se soient effondrés à leur place de travail.Le séjour à l’infirmerie était lié à de grandes angoisses, car ils craignaient d’être sélectionnés pour un transport évacuant les malades et invalides. La fonction de médecin du camp fut successivement occupée par les détenus Dr. Stanislaw Garstka, Dr. Jan Hanycz et le Dr. Jan Nowak. Dans les combles de l’infirmerie, les détenus pouvaient secrètement écouter la radio. Ils avaient reçu le récepteur de collègues qui travaillaient au camp externe de Lobositz (Lovosice). Ils obtenaient également des informations de travailleurs civils qui les aidaient avec de la nourriture, leur commandaient des lettres et leur transmettaient de petits paquets et de la correspondance. Une fois par mois, les détenus avaient le droit d’écrire une lettre de 30 mots. Leur courrier était adressé à : « Waffen SS, SS Kommando B5, IIa Lobositz 2, Postfach 213 » Les premiers Kapos arrivèrent avec le premier transport en provenance de Dachau. Le 27 mai 1944, 7 détenus, la plupart prisonniers apolitiques, portant un petit numéro de matricule furent transférés de Flossenbürg à Leitmeritz. Quelques-uns d’entre eux devinrent de « hauts » fonctionnaires de l’administration interne du camp. À la tête, on trouvait le doyen du camp (Lagerälteste) Josef Stegmaier et son remplaçant Hans Wagner, le secrétaire du camp Fritz Nass, le Kapo Jakob Nollen et le médecin Dr. Stanislav Garstka. L’engagement des détenus pour la construction était du ressort du Kapo Paul Bachor et du secrétaire Adolf Tiplic. La cantine des détenus était dirigée par Karl Horek. La fonction : Kapo principal des blocs, était de la responsabilité de Ludwig Bandurski, Wasilij Mantulin et Emil Wittmann. Le traducteur principal se nommait Georg Pawlicki. Les Kapos pouvaient porter des cheveux longs, des habits civils avec des pantalons à larges rayures et des brassards indiquant leur fonction. Ils s’occupaient principalement de travaux administratifs pour le commandement, listes des détenus, listes des disponibilités et registre des décès. Ils décidaient de la répartition des détenus dans les différents blocs et établissaient la liste des patients de l’infirmerie, entre autres. Certains d’entre eux participèrent à des agressions brutales sur des détenus avec la police du camp et même à des pendaisons. La police du camp/la protection du camp comprenait 10 à 15 détenus qui étaient équipés de matraques ou de tuyaux en caoutchouc. Les plus craints étaient le Kapo principal du Kommando : Kieserling et l’Ukrainien Ivan Dolgij. Il décéda du typhus à Leitmeritz. Mais aussi les Kapos du Kommando Elsabe qui utilisaient la correction à coups de bâton. Dans la galerie, il y avait un banc réservé à cette fin. Mais la punition des détenus était souvent infligée au retour au camp. Une correction fréquente consistait à suspendre le détenu par les mains liées dans le dos.
Le premier essai de fuite enregistré eut lieu le 5 juin 1944. Le détenu Russe Daniel Bjelausow, venu de Gross-Rosen, fut repris après quelques jours, il fut également le premier détenu pendu à Leitmeritz. Le nombre de fuites augmenta vers la fin de la guerre. En mai et en avril 1945 eurent lieu 24 des 45 fuites enregistrées nommément. Quelques-unes furent un succès grâce à l’aide de travailleurs astreints aux travaux forcés et d’habitants de la région de Leitmeritz.
Approximativement 4 500 détenus moururent à Leitmeritz, nommément justifiables, on compte 3 200 victimes, dont trois femmes. En décembre 1944, la mortalité augmenta nettement à la suite d’une épidémie dysenterie ; en janvier 1945, au moins 935 détenus décédèrent. En mars 1945, on constate une nette diminution de la mortalité à la suite de 2 transports de 1 200 malades à Belsen-Bergen. Depuis juillet 1944, les cadavres étaient brûlés au crématoire de Terezine. C’est seulement au début 1945 que commencèrent les travaux de construction du crématoire à deux fours de Leitmeritz. Il fut fonctionnel dès avril 1945 et pendant ce mois 405 victimes furent brûlées. Sa capacité était insuffisante, les détenus furent inhumés dans le camp. En 1946, 66 victimes furent exhumées de 7 fosses communes. À une des extrémités de la place d’exercices du manège, une fosse de fortification contre les tanks de 40 m de long fut libérée et 723 corps y furent jetés. Toutes ces 789 victimes reposent maintenant au cimetière national de Terezine ainsi que les cendres des victimes retrouvées aux environs du crématoire du camp.
Pendant les derniers jours d’avril 1945, la direction du camp débuta la liquidation du camp. Les documents du camp furent détruits. Dès le 21 avril, les détenus juifs furent transférés au ghetto de Terezine. En particulier les nouveaux détenus arrivant avec les transports d’évacuation, furent dirigés par groupe sur la gare de Lobositz et chargés dans des wagons. La totalité de l’action se déroula d’une manière assez chaotique. Quelques détenus attendirent pendant une semaine le départ du train, d’autres furent ramenés au camp. Finalement, le train, vraisemblablement le 28 avril 1945, quitta Lobositz en direction de Prague. Après la guerre, on exhuma, à Lobositz, de neuf fosses communes 79 cadavres de détenus massacrés ou fusillés. Pendant le trajet, il y eut de nombreuses fuites. Dans les gares où le train s’arrêtait, la population tchèque exprimait sa solidarité aux détenus. À Roztoky près de Prague, une foule importante aida à plus de 300 détenus à s’enfuir. À la station de Prag-Bubny, 700 autres personnes furent libérées. De Prague le train se dirigea vers la Bohème du Sud et fût libéré seulement le 8 mai 1945 aux environs de Budweis (Ceské Budêjovice). Un autre transport d’évacuation devait, début mai 1945, quitter Leitmeritz. Bien que les détenus soient déjà dans les wagons, il fut décidé de les ramener tous au camp. Au début mai 1945, le camp de Leitmeritz était à nouveau archicomble. Le Kommando Elsabe travailla jusqu’au dernier instant. Le 5 mai 1945, l’équipe du matin se présenta au travail, bien que la plupart des travailleurs et des contremaîtres aient quitté Leitmeritz aux environs du 2 mai. L’après-midi du 5 mai, au cours d’un appel spécial le chef du camp Panicke avertit les détenus que la guerre était finie et qu’ils étaient libérés. Brückner et une grande partie de la garde étaient déjà partis. Du 6 au 8 mai, les secrétaires établirent des attestations et les détenus furent libérés par groupes. Malgré tout, il resta environ 1200 détenus malades, qui ne furent libérés que les 9 et 10 mai 1945, par des unités russes de la 5e armée du Général A.S. Schadow. Le camp et les galeries furent gardés par l’armée tchèque jusqu’au 16 mai. L’Armée Rouge assura ensuite la garde. Une partie des médecins et du personnel sanitaire des groupes d’aide tchèques ainsi qu’une colonne sanitaire russe furent déplacés de Terezine à Leitmeritz. Les derniers détenus furent rapatriés fin juillet 1945. Dans les mois qui suivirent, les chaînes de production furent démontées. L’ensemble du matériel, considéré comme butin de guerre, fut transporté en Russie.
789 cadavres furent exhumés après la guerre et les victimes reposent maintenant au cimetière national de Terezine. L’armée tchèque réintégra la caserne, qui fut désaffectée en 2003. Actuellement, seul le crématoire est visible pour le public. Un mémorial y est élevé. Le tribunal d’exception de Leitmeritz condamna l’ancien chef du camp Karl Opitz à la prison à vie.
L’usine de construction de pompes du groupe Junkers, usines d’aviation et de moteurs, qui avait été transférée dans une filature de coton abandonnée ainsi que dans d’autres locaux industriels, sous le faux nom de « Leng-Werke » de Magdeburg à Lengenfeld, une petite ville industrielle de l’ouest de la Saxe entre Plauen et Zwickau, produisait depuis l’automne 1943. Pour travailler arrivèrent d’abord des travailleurs du service obligatoire et des prisonniers de guerre des Pays – Bas, de France, d’Union Soviétique, de Pologne, d’Italie, de Grande Bretagne et des USA. De plus, des détenus de Zwickau aménagèrent des usines souterraines sur le versant gauche de la Göltzsch au-dessous du chemin de Walkmühlenweg. Un camp fut créé sur un terrain le long de Walkmühlenweg pour la main d’oeuvre. En 1944 la partie arrière du camp fut aménagée en camp de concentration avec 10 à 12 baraques. Le camp était ceint d’une clôture et entouré de miradors.
Le 9 octobre 1944, 800 détenus quittèrent le camp de Flossenbürg1 et arrivèrent à Lengenfeld le lendemain. Les détenus étaient majoritairement originaires de Pologne et d’Union Soviétique, mais parmi eux se trouvaient aussi des allemands, des français, des italiens, des tchèques, ainsi que quelques détenus de dix autres pays. La plupart d’entre eux étaient internés comme travailleurs civils du service obligatoire ou détenus politiques. Dans la liste du transport on remarque 100 ouvriers spécialisés, ainsi que des bouchers, jardiniers, un médecin et un vétérinaire, qui étaient importants pour l’infrastructure du camp2. Les détenus furent scindés en deux groupes et travaillaient en équipes de jour et de nuit douze heures par jour, très isolés des autres travailleurs dans la salle la plus basse de l’ancienne filature de coton. Là ils fabriquaient les pièces détachées de pompes à injection qui étaient ensuite posées dans des moteurs d’avions. Dans l’espace de travail des détenus, les fenêtres étaient murées jusqu’à mi-hauteur et grillagées, une grande grille en fer fermait l’entrée de la salle. Un nombre variable de détenus (entre 7 et 462) devait aussi travailler le dimanche. Jusqu’à la fin octobre, le nombre de détenus capables de travailler chuta de 797 à 774. En décembre 1944, jusqu’à 879 détenus furent amenés en renfort dans les « Leng-Werken », après que 123 autres détenus furent transférés de Flossenbürg à Lengenfeld3. Ils étaient pour la plupart ouvriers métallurgistes spécialisés, mais il y avait aussi 84 juifs polonais, qui étaient arrivés à Flossenbürg avec un grand convoi, environ un mois plus tôt. Le dernier grand convoi à arriver à Lengenfeld fut celui du 27 mars 1945 avec 42 détenus en provenance du kommando extérieur Dr.Th.Horn situé à Plauen, qui venait d’être dissout.
Chaque jour, les détenus, en rangs par cinq, flanqués de SS et de chiens de garde, étaient conduits à l’usine. Lors des alertes, ils devaient continuer à travailler derrière les grilles fermées, tandis que les autres travailleurs étaient mis à l’abri dans les galeries souterraines. On ne sait pas avec certitude si on faisait appel aux détenus pour travailler dans les galeries. Bien que les installations n’y soient pas encore terminées, la production avait commencé. La firme Junkers produisit les machines jusqu’à la fin de la guerre4.
Dans le camp, les détenus étaient maltraités de multiples façons, beaucoup furent assassinés. D’après les déclarations concordantes des détenus, le chef du kommando du camp extérieur, SS Sturmscharführer Albert Roller, était le principal responsable de ces actes. Roller fut condamné à mort lors du procès de Flossenbürg en 1947 par un tribunal militaire américain et exécuté à Landsberg. Après la guerre, Johann Vican, Kapo à Lengenfeld, dut répondre du crime de coups et blessures ayant entrainé la mort et fut condamné à douze ans de prison. Fin janvier 1945 les gardes étaient au nombre de 49, fin mars, ils étaient 535.
17 tentatives d’évasion sont répertoriées. Deux prisonniers russes furent fusillés le 21 octobre, alors qu’ils fuyaient. Le 1er avril sept détenus polonais réussirent à s’évader.
Pendant toute l’existence du camp à Lengenfeld environ 1000 personnes furent utilisées au titre du travail obligatoire. Jusqu’à la fermeture du camp 246 détenus sont morts des conditions de détention6. 217 décès sont mentionnés dans les registres, un tiers d’entre eux pour le seul mois de février 1945 ; le dernier rapport date du 13 avril 1945. 189 morts furent enterrés à Reichenbach/Vogtland. Jusqu’au 21 mars 1945, date à laquelle il y eut un bombardement sur Reichenbach qui détruisit l’alimentation en gaz de la ville, 160 détenus étrangers et deux détenus allemands furent brûlés dans le four crématoire de Reichenbach, où ils furent enterrés7. 27 autres morts conduits à Reichenbach y furent également enterrés. Plus tard, le 23 juin 1945, eut lieu une cérémonie funèbre à la mémoire des 189 victimes. Sur la tombe maçonnée où se trouvaient les urnes il y avait une grande plaque en bois de 1mètre sur 0,75, écrite à la main. Plus tard on modifia la tombe et on plaça un bloc de pierre à son emplacement. En juillet 1985, lors de travaux, on retrouva la plaque en bois dans un garage de la communauté catholique de Sainte Marie ; elle fut remise au musée régional de Lengenfeld, où elle se trouve encore aujourd’hui.
Après le bombardement de Reichenbach en mars 1945, il y eut aussi des inhumations au cimetière de Lengenfeld, où 57 morts furent enterrés comme victimes inconnues. Il n’y eut pas de déclaration faite à la paroisse. Suite à l’épidémie de typhus dans le camp, aucun habitant de Lengenfeld ne voulut plus transporter les cadavres ; ils furent alors enfouis directement à côté du camp ou bien jetés dans le déversoir des étangs qui servaient à éteindre les incendies. A l’été 1945, on obligea d’anciens membres de la NSDAP à les exhumer et à les enterrer dans une fosse commune avec les détenus déjà inhumés au cimetière. Une colonne de pierre grise fut érigée sur la tombe en 1946.
L’évacuation du camp commença le 13 avril 1945. Les marches de la mort des 744 détenus les conduisirent par Rodewisch, Schönheide, et Eibenstock à Johanngeorgenstadt, où les détenus d’autres camps extérieurs évacués (Zwickau ou Johanngeorgenstadt) parmi lesquelles des femmes venant de Plauen les rejoignirent. En passant par Neurohlau, les prisonniers marchèrent vers Karlsbad, où environ 180 détenus malades furent laissés. Le reste des détenus de Lengenfeld marcha sur Marienbad et Pistov. Presque tout au long du parcours il y avait des morts. Ceux qui ne pouvaient plus marcher étaient tués par les SS ; d’autres mouraient d’épuisement, de froid ou périssaient lors d’attaques à basse altitude. D’après le récit d’un détenu qui servait de traducteur, 14 détenus malades, surtout des Polonais, furent abattus à Karlsbad, pour n’avoir pas pu obéir à l’ordre de continuer à marcher8. Cependant beaucoup de détenus réussirent à fuir. Il est difficile de dire combien de victimes parmi les détenus de Lengenfeld ces marches ont causé ; ce qui est certain c’est que plus de 200 prisonniers ne survécurent pas. A Tachau les gardiens orientèrent l’horrible marche vers l’est, car le camp de Flossenbürg était déjà libéré. Elle prit fin le 26 avril, non loin de Bor, à environ 50 km du camp principal de Flossenbürg. Là les gardiens disparurent, la marche se disloqua.
Le 7 mai 1965, à l’emplacement de l’ancienne blanchisserie, un lieu commémoratif fut inauguré à la mémoire des victimes du camp mais aussi des prisonniers de guerre et des travailleurs du service de travail obligatoire qui périrent ici. On peut encore voir tout autour les emplacements des baraques.
Le bâtiment de production des « Leng-Werke » est aujourd’hui le siège d’un organisme de formation pour adultes. Il y eut des enquêtes judiciaires menées par le parquet de Hambourg concernant le maître d’école le plus âgé du camp ; après sa mort en décembre 1975 elles furent confiées au parquet de Francfort sur le Main. Les enquêtes qui y furent menées contre le chef du kommando de Johanngeorgenstadt et le responsable des marches de la mort, Kolacevic, furent également suspendues.