Henry d’Hérouville a organisé en juillet dernier, le pèlerinage au Camp de Flossenbürg et a su, comme à son habitude, transmettre et partager toute sa connaissance des lieux et de cette inhumanité, avec les participant.e.s.
Voici leurs témoignages :
Henry d’Hérouville fils du Chef d’escadrons d’HEROUVILLE mort pour la FRANCE
Ce pèlerinage 2023 a été tout particulièrement émouvant cette année puisque douze d’entre nous sur les quatorze participants venaient pour la première fois au Camp honorer le souvenir de leur parent. Ils ont découvert sur place, ce qu’ils avaient entendu, vu, lu et pu imaginer de ce que fut la vie inhumaine des déportés : de simples numéros soumis jour et nuit à la brutalité de leurs bourreaux (SS et leurs Kapos), à l’absence de sommeil, à une dénutrition imposée, au travail forcé.
Ils sont rentrés convaincus de l’atrocité volontairement perverse des Camps de déportation et de concentration que ce régime nazi a fait subir à ces hommes et ces femmes les conduisant obligatoirement à une mort programmée. Ils peuvent témoigner aujourdh’ui de ce que fut la vie quotidienne des déportés arrêtés arbitrairement parce que au Service de la FRANCE.
Ce devoir de Mémoire, objet de toutes nos réflexions, nous est imposé alors que les déportés revenus des Camps sont morts ou ne sont plus en mesure de témoigner. Il s’agit pour nous, enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants, neveux, de perpétuer cette Mémoire dans le souvenir de nos parents martyrisés.
Maurice COUTURIER, frère aîné de la famille COUTURIER, en souvenir de leur oncle : Maurice PERSIGNY, mort le 5/2/45 à Flossenbürg à l’âge de 23 ans à peine.
En ce mois de Juillet 2023, 9 membres de notre famille sont venus ici pour notre oncle, frère très aimé de notre mère, de 2 ans son aîné. Toute sa vie elle n’a cessé de nous en parler tant sa disparition le 5 février 45 au camp de Flossenbûrg fût traumatisante pour elle et pour toute une famille. Elle ne cessât de rechercher sa trace. Maman aurait voulu être là. Nous avons enfin pu faire ce pèlerinage et avons le sentiment de l’avoir fait avec elle.
Notre oncle a eu la malchance d’avoir 20 ans en 1942, il est une des victimes du STO, contrairement à notre père qui n’en avait que 18 et qui l’évita d’un rien. Notre oncle résista à sa manière dans l’usine de Chemnitz où il avait été affecté. Mais au bout d’un an en décembre 44 il est déporté au terrible camp de Flossenbürg et décède 2 mois plus tard, moins de 3 mois avant la libération du camp. Il fait partie des 30 000 décédés Juifs, Slaves, Résistants de toutes sortes, victimes de la barbarie nazie de ce camp.
Venir ici, c’est toucher au plus près cette implacable machine de mort décrite dans de si nombreux ouvrages, c’est manquer de mots pour qualifier les bassesses de l’âme, c’est voir l’extrême souffrance, le sadisme, la brutalité, l’horreur absolue, l’impression d’impuissance, la domination prétentieuse programmée d’une race d’humains. Une race qui a prétendu éradiquer les autres races . . . dans une folie meurtrière . . .
On est 78 ans plus tard, cela représente plus de 2 générations. Le mot SOUVENIR prend tout son sens pour que cette page soit autre chose qu’une péripétie dans la panoplie du musée des horreurs.
Nous arrivons dans le camp et voyons ce que les déportés ont vu : la place d’appel, des heures interminables à attendre matin et soir dans le froid sibérien de l’hiver 44/45, puis les lieux d’exécutions : gibets et lieux de fusillades près du crématoire, les douches, les vestiges du Revier antichambre de la mort assurée, l’infirmerie où de prétendus médecins se sont livrés aux pires exactions, le bâtiments des SS en surplomb jouissant d’une vue imprenable sur leurs propres crimes. En décembre 45 le camp et les baraquements sont surpeuplés, on tente de dormir à plusieurs par paillasse. Nous voyons aussi le wagonet qui amène les corps au crématoire, le tumulus témoin de l’énorme masse de cendres produites, la carrière : 12H de travail quotidien, 2000 travailleurs, presque rien à manger, chaque jour des morts d’épuisement qu’il faut ramener au camp. SURVIVRE 1 jour était déjà une victoire.
Tous les instants sont forts, on pleure. On est en communion avec notre héros. On dépose une gerbe de fleurs sur le mausolée, on chante une Marseillaise lourde de sens. On assiste à la messe. C’est pour ces instants que nous sommes là, notre oncle est enfin autre chose qu’un numéro, reconnaissance pour lui, moments indispensables pour nous. Nous sommes submergés par l’émotion.
Parmi les cicatrices des atrocités, nous voyons aussi d’autres choses, c’est « propret » cette petite ville, il y a cette route qui traverse ce camp ouvert à tous les vents, il y a cette zone de jolis pavillons sur les baraquements, le terrain de jeux d’enfants, cet espace détente sur la terrasse du bâtiment des SS, cette petite impression qu’il s’est finalement passé peu de choses ? Minimalisation, ensevelissement lent, banalisation ? NE JAMAIS OUBLIER . . . Les Allemands d’aujourd’hui sont un peuple ami mais leur rapport avec ce passé douloureux n’est clairement pas le nôtre. L’Association des Déportés de Flossenbürg a œuvré pour le SOUVENIR, elle s’est battue et se bat pour que ce lieu ne soit pas oublié. Grand Merci à elle. Grâce au travail inlassable de ses cadres et ce depuis 70 ans, on a la possibilité de faire un pèlerinage organisé, guidé, documenté, c’est inestimable. Le lieu est préservé, il y a le musée, l’énorme registre où figurent TOUS les morts. Merci à Henry d’Hérouville qui est une encyclopédie pour toutes les générations, qui se dépense sans compter chaque année pour nous permettre ces moments uniques. J’encourage tous ceux qui pensent visiter ce camp à le faire, c’est dur, çà prend au tréfond du bonhomme, c’est aussi une formidable leçon d’espoir. Nous remercions aussi notre guide Sonja qui a permis l’accès aux archives où nous avons obtenu de précieux éléments inconnus jusqu’alors sur notre oncle, merci aux père Georg et au prêtre congolais qui ont célébré la messe à la chapelle à l’intérieur du camp.
Venir ici c’est redéfinir des mots comme résistance, martyr, sacrifice, liberté, dignité.
Venir ici c’est entamer le devoir de MEMOIRE et transmettre, à sa modeste place, c’est à nous d’en parler maintenant. Flossenbürg n’est pas une fin, c’est le début d’une prise de conscience, il faut témoigner sur ce qui s’est passé, sur ce qu’on a vu, aux générations actuelles moins en prise directe avec ces évènements. PLUS JAMAIS CA. Si nous ne le faisons pas ils sont en droit de nous en faire le reproche.
Venir ici c’est se dire qu’au moins une fois dans notre vie on n’est pas passé à côté de quelque chose d’essentiel.
Venir ici avec sa fratrie, vivre ensemble ces instants est un moment de communion difficile à décrire. Merci à Line notre sœur qui a remué ciel et terre pour retracer la vie de notre oncle et organiser ce pèlerinage. Cela fera date dans l’histoire familiale.
Venir ici c’est aussi voir l’actualité des guerres actuelles sous un autre angle, car hélas rien n’a vraiment changé dans la vanité qui mène au désir de domination.
N’OUBLIONS JAMAIS!
Blandine de Paillerets, petite-fille de Bertrand d’ HEROUVILLE(mort pour la FRANCE).
Au cours de ce pèlerinage au Camp de Flossenbürg, j’ai mesuré combien la vie inhumaine et si tragique de la déportation, qui nous paraissait parfois lointaine, ne l’était pas et que c’était à nous et nos enfants de la transmettre à notre tour pour que plus jamais nous ne puissions basculer dans l’horreur.
Tous ces lieux, ces paysages, ces odeurs, resteront gravés en moi et peut-être qu’un jour j’y retournerai avec Flore et Juliette; Inch’Allah comme on dit chez les Paillerets!
Encore un grand merci de tout ce que vous nous avez transmis au cours de ce pèlerinage au Camp et nous avoir permis de suivre vos pas sur ce chemin de la Mémoire et du Souvenir.Maxime de Paillerets, arrière-petit fils de Bertrand d’HEROUVILLE (mort pour la FRANCE).
Ces quelques jours de pèlerinage au Camp m’ont donné la possibilité de découvrir, de plus près, les racines de notre famille.
À vos côtés, j’ai pris réellement conscience des exactions commises à cette époque mais aussi des actions héroïques même minimes. C’est pourquoi, je m’astreins, dès aujourd’hui, à ne jamais oublier ce drame et ce pèlerinage.
Ainsi, la tête remplie d’exemples, je suis entièrement déterminé à me consacrer à ma vocation militaire, fier de m’inscrire dans cette lignée familiale qui contient tant de héros.