Dès 1934 les usines Audi et Horch de Zwickau en Saxe, qui faisaient partie de l’Auto Union AG, étaient des lieux de fabrication pour la production d’armement, de véhicules pour la Wehrmacht, d’avions et de torpilles. Après le début de la guerre plus de 3000 personnes furent embauchés pour cette production au titre de travail obligatoire. En août 1944 on commença à ériger un camp extérieur près des usines Horch. La direction du groupe Auto Union avait demandé au SS-WVHA 1000 déportés capables de travailler.

Le kommando de travail de l’usine Horch commença à travailler le 30 août 1944 avec 30 détenus. Jusqu’à la mi-septembre des ouvriers spécialisés et des manoeuvres travaillèrent par groupes de 15, à partir du 18 septembre, 165 déportés furent attribués à la firme, trois jours plus tard 236, dont 90% étaient payés au tarif de manoeuvre, soit 4 RM par jour.1 Le 13 septembre 210 autres détenus arrivèrent à Zwickau. Les deux tiers étaient Polonais, 20 étaient Russes, 6 Tchèques et les deux kapos allemands du camp complétaient le convoi. Tous étaient des ouvriers spécialisés (de la métallurgie) surtout des serruriers et des tourneurs.2 Le 17 octobre 1944 on livra à Zwickau 300 déportés, encore une fois surtout des Polonais et des Russes, mais aussi des Tchèques, des Français et des Italiens ; en plus des ouvriers spécialisés et des nombreux manoeuvres il y avait plusieurs médecins et un aide cuisinier. Le nombre des déportés prélevés, qui jusqu’à la moitié du mois était descendu à 200, remonta à partir du 23 octobre à 488. Le 30 octobre, 400 autres déportés arrivèrent à Zwickau. La plupart des prisonniers étaient des civils pour le service du travail obligatoire ou des détenus politiques, qui avaient été livrés juste avant leur transfert à Flossenbürg. Le 20 octobre 1944, le camp comptait 511 détenus, un mois plus tard déjà 886.3 Le 10 décembre un convoi livra 101 déportés parmi lesquels environ 60 juifs hongrois.

Le camp lui-même pouvait accueillir jusqu’à 1000 détenus. Il se composait de 5 baraquements d’une surface d’environ 250 x 250 mètres. L’hébergement des travailleurs étrangers français avec cuisine, magasin d’entrepôt et bureau confinait à la partie orientale de camp.

Le chef de camp était le SS-Unterscharführer Wilhelm Müsch, l’équipe de gardiens se composait de 51 hommes de la SS, pour la plupart d’origine allemande populaire.4 De cette é quipe de gardiens faisaient aussi partie les SS-Unterscharführer Josef Schragner et Karl Welantschitz. Ils étaient les principaux auxiliaires du chef de camp et, d’après le témoignage d’un ancien déporté, ordonnaient sans cesse des bastonnades.5 Les quelques détenus allemands avaient des fonctions de doyens du camp, de kapos, de doyens des blocks et de greffier dans le bureau des détenus Les déportés travaillaient dans ce que l’on appelait le grand bâtiment des usines Horch, jour et nuit, par tranches de dix heures chacune et étaient guidé dans leur travail par des contremaîtres allemands. L’ancien déporté polonais Jan Heyduk décrit la manière dont étaient traités les travailleurs et les supérieurs dans l’usine comme bonne, mais celle à l’intérieur du camp comme mauvaise.6

Dès leur arrivée au camp de Zwickau, beaucoup de déportés ne purent être mis au travail et il fallut les remplacer par d’autres déportés du camp principal de Flossenbürg.

Le 18 février 1945, le camp comptait à nouveau 966 déportés, alors que 200 malades et inaptes au travail venaient d’être renvoyés à Flossenbürg. Le dernier convoi assez important de Flossenbürg à Zwickau du 21 février 1945 remplaça ces malades. Sur 150 déportés il y avait plus de 50 Italiens, 35 Russes, 30 Polonais (dont 9 Juifs) et des prisonniers de 8 autres nations. Le retour à Flossenbürg, où les soins et la nourriture étaient encore plus catastrophiques, était une menace faite aux déportés malades comme mesure disciplinaire. De plus leur santé souffrait des mauvaises conditions sanitaires dans le camp extérieur de Zwickau. Ainsi dans une lettre du 19 décembre 1944 à la Kommandantur de Flossenbürg, la direction des usines Horch justifiait l’état lamentable des déportés par le manque de lessive, de linge et de vêtements de rechange. Dans la lettre, il est dit que le manque de linge de rechange contribuait sans aucun doute à ce que les insignifiantes blessures de la peau se transforment dans presque tous les cas en ulcères malins, que des flegmons finissent par s’étendre souvent à tout le corps et que l’odeur et l’écoulement gênent les pro-allemands ou surtout conduisent à des absences au travail.7 L’entreprise s’efforçait, avec peu de succès, de trouver des solutions, au moins en premier lieu par souci de la santé du personnel allemand et du calme à préserver dans l’entreprise. Après minuit, il fallait remédier à la baisse de rendement du travail des déportés qui travaillaient dans l’équipe de nuit, par une distribution de pain et de soupe, nullement par un apport supplémentaire de nourriture.8

En plus des conditions sanitaires, la surveillance et le cloisonnement des détenus étaient une source de conflit permanent. Suite à la tentative d’évasion de quelques déportés le 12 décembre 1944, la direction de l’entreprise signala aux employés que le kommando de garde avait l’ordre formel d’utiliser immédiatement les armes à feu en cas de tentatives d’évasion ou d’évènements similaires, sans tenir compte des curieux qui se trouveraient éventuellement dans la ligne de tir.9 Les relations avec les déportés étaient strictement interdites aux employés ; ceux qui, dans leur travail, avaient à faire à des déportés devaient signer un engagement qui réglait en détail le comportement à avoir vis-à-vis des déportés et qui était rappelé aux travailleurs par des instructions trimestrielles. La propagande anti allemande, le courrier clandestin, la fabrication d’armes, les relations interdites avec des étrangers ou des Allemands devaient être déclarés sous peine d’être punis pour omission.10 Bien des travailleurs firent des rapports, mais autrement. Ainsi plusieurs employés se plaignirent auprès de l’inspection du travail de sévices des déportés travaillant dans l’usine. Mois après mois la situation dans le camp extérieur de Zwickau fit de plus en plus de victimes. 50 déportés moururent jusqu’à la fin 44, en janvier 1945 : 44, en février : 51, et en mars 86.11 Leur situation de plus en plus désespérée poussaient les déportés à tenter de fuir. La tentative d’évasion avortée de 23 déportés en février/mars 1945 montre la façon brutale dont les gardiens essayaient de dissuader. En février 1945, le doyen du camp informa le chef de kommando que des déportés russes préparaient une évasion et avaient commencé un tunnel sous un baraquement. En raison du taux très élevé de mortalité des déportés et du retour à Flossenbürg de 200 déportés atteints de tuberculose, ce baraquement n’était pas occupé. Le projet fut trahi par un déporté polonais, qui, pour sauver les apparences, continuait à participer aux préparatifs d’évasion. Le jour prévu pour l’évasion, des membres de la sécurité de l’usine, de la police et de la Wehrmacht encerclèrent le camp. Seul le détenu qui avait trahi, obéit à l’ordre du chef de kommando de quitter le tunnel. Après quoi, les Unterscharführer Schragner et Welantschitz tirèrent avec leurs mitraillettes dans le trou sous le baraquement jusqu’à ce que tous les déportés qui avaient préparé l’évasion soient tués. Schragner et Welantschitz allèrent chercher à l’usine et exécutèrent d’autres déportés impliqués dans les préparatifs, mais qui, à ce moment-là, travaillaient dans l’équipe de nuit.

On ne connait pas exactement le nombre des victimes dans le camp extérieur de Zwickau, mais dans les registres de Flossenbürg sont mentionnés au moins 280 décès pour Zwickau, beaucoup de déportés gravement malades renvoyés à Flossenbürg ont dû mourir peu de temps après. Le dernier retour assez important eut lieu le 27 mars 1945.12

Le 14 avril 1945 le camp de Zwickau fut évacué. Les 688 déportés furent rassemblés à coups de crosse et coups de pieds et expédiés à pied en direction de Karlsbad. Les quelques dix détenus allemands furent enrôlés comme police du camp et durent seconder 30 SS lors de la marche d’évacuation en direction de Flossenbürg.13 Les malades et ceux qui étaient incapables de marcher furent fusillés en cours de route et leurs cadavres enfouis sur le bord du chemin. En 1945/1946, rien que de Tepl à Plan en passant par Petschau, Marienbad et Kettenplan, les autorités tchèques trouvèrent et tout 296 victimes. Quand à Plan, il fut certain que Flossenbürg était occupé par les troupes américaines, les déportés durent marcher vers Leitmeritz et Theresienstadt, où beaucoup moururent encore.

En octobre 1945, lors d’exhumations dans le cimetière de Zwickau- Eckersbach, on trouva dans quatre fosses communes 65 cadavres, qui étaient mutilés, nus et non identifiables. Ils avaient visiblement été enterrés alors que le crématoire était hors d’usage pendant des semaines, suite à des bombardements qui avaient touché la conduite de gaz en octobre 1944 et mars 1945.

La cour d’assises de Trèves condamna le chef de kommando Müsch à une peine de prison de plusieurs années pour coups ayant entraîné la mort. Le parquet de Mönchengladbach instruisit contre le chef de kommando Müsch déjà condamné, mais suspendit la procédure en 1960 pour incapacité à instruire. En 1967, le ministère public de Trèves entama une procédure contre les SS Unterscharführer Schragner et Welantschitz ; celle-ci fut remise par l’intermédiaire du ministère de l’intérieur autrichien au parquet de Krems. Le parquet de Nürnberg- Fürth cessa toutes les enquêtes en 1981.

A partir de 1955, on construisit des bâtiments industriels sur le site du camp, et en 1956 pour la mise en service, on apposa une plaque commémorative à la mémoire du camp de concentration et de ses déportés.
Depuis le 11 septembre 1948 un «  monument à la mémoire des victimes du fascisme » se dresse près du Schwanenteich dans le parc municipal de Zwickau. Dès le 12 août 1945, les urnes de 320 déportés du camp extérieur de l’usine Horch et Mülsen St Micheln avaient été inhumés solennellement à cet endroit. Dans les années 60 surgit sur l’ancien lieu de mémoire, qui avait été rasé, une nouvelle installation, néanmoins sans mention du camp extérieur de Zwickau.

1 Forderungsnachweise der Kommandantur Flossenbürg an die Auto Union AG, werk Horch, Zwickau, für August bis Oktober und Dezember 1944, in: BArch Berlin, NS4/FL 393, Bd.2.

2 Überstellungen zum Horch-Werk in Zwickau, in : CEGESOMA, Mikrofilm 14368.

3 Stand der Belegschaft an Lohnempfängern, Stichtag 20.10.1944 bzw 20.11.1944, in : StA Chemnitz, Bestand Auto Union, 3770.

4 Stärkemeldung der Wachmannschaften und Häftlinge der Arbeitslager im Dienstbereich des HSSPf des SS-Oberabschnitts ELBE nach dem Stand vom 28.2.1945 und 31.3.1945, in: ITS Arolsen, Historisches Archiv, Flossenbürg-Sammelakt 10. Bl. 71 und 85.

5 Aussage Fritz S., 8.5.1945, in: BArch Ludwigsburg, ZStl. IV 410 AR 1382/67.

6 Aktennotiz Werk Horch, 25.10.1945, in: StA Chemnitz, Bestand Auto Union, 7879.

7 Schreiben von Werk Horch an die Kommandantur Flossenbürg, 19.2.1944, in: ebenda.

8 Mitteilung Kaufmännische Werksleitung, 20.3.1945, in: ebenda.

9 Bekanntmachung Werk Horch, 12.12.1944, in: ebenda.

10 Mitteilung Kaufmännische Werksleitung, 6.2.1945, in: ebenda.

11 NARA,RG 338, 290/13/22/3, 000-5i0-46, Box 537 (Mikrofilm- Kopie in: AGFI).

12 Vergleichsmitteilung Arbeitslager Zwickau an Kommandantur Flossenbürg, 17.3.1945, in: BArch Berlin, NS4/FL 390.

13 Aussage Fritz S. 8.5.1947, in BArch Ludwigsburg, ZStl. IV 410 AR 1382/67.

Littérature

Justiz und – NS-Verbrechen. Bd XIII, Laufende Nummer 431: Akdo. Zwickau des KL Flossenbürg.

Ulrich Fritz/Steven Simmon

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.279, 280, 281, 282,283.

Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 25 février 2014.

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