De 1933 à 1936 on construisit sur un terrain vague, à trois kilomètres d’Obertraubling, au sud-est de Regensburg, un aéroport, sur lequel on instruisit d’abord des pilotes. A partir de 1940 on y construisit des avions Messerschmitt, en premier lieu le planeur de transport lourd Me 321 (« Gigant »). Après la destruction presque totale des usines Messerschmitt de Regensburg le 17 août 1943, l’aéroport d’Obertraubling fut complètement transformé en usine Messerschmitt. C’est là que furent assemblées les pièces détachées du Me 109 surtout, fabriquées dans les nombreuses «  usines de forêt » et « productions transférées », ainsi les appelait-on, mais aussi dans le camp central de Flossenbürg ; plus tard on construisit aussi le Me 2621. L’importante production industrielle (plus de 10000 pièces furent construites à Regensburg-Prüfening et Obertraubling rien que pour le Me 109) ne fut possible que par l’embauche de milliers de travailleurs civils du service obligatoire et de prisonniers de guerre, et vers la fin de la guerre par le travail obligatoire des détenus des camps de concentration.

Comme les autres camps extérieurs de la région Oberpfalz- Niederbayern, le camp extérieur d’Obertraubling n’exista que 2 mois à peine, du 20 février au 15 avril 1945. Les convois vers Obertraubling se composaient surtout de détenus, qui n’étaient arrivés à Flossenbürg que début 1945 par des convois qui évacuaient les camps de concentration dissous2. C’est ainsi que presque la moitié des détenus, en majorité juifs, en provenance d’Auschwitz par Sachsenhausen, n’arriva à Flossenbürg que le 6 février. Ils étaient dans un très mauvais état physique. Peu de temps après une épidémie de dysenterie éclata dans le camp; en mars et en avril, plus de 170 détenus furent victimes de cette maladie et d’autres infections3. Certains jours entre 20 et 35 détenus mouraient. 

D’après une liste des effectifs, il y avait encore, le 28 février 1945, l’ensemble des 600 détenus transférés à Obertraubling, dont un peu plus de la moitié étaient juifs. Les Polonais, avec 191 détenus juifs et 27 non juifs, constituaient le plus grand groupe ; il y avait aussi 102 Tchèques non juifs et 8 Tchèques juifs, 47 Croates, 21 Français juifs et 14 non juifs, mais également, juifs ou non, des Allemands, des Belges, des Italiens, des Hongrois, des Grecs, des Hollandais et des Roumains juifs, quelques Espagnols, Slovaques et apatrides. Le 31 mars 1945, le nombre des détenus était tombé à 484 en raison des nombreux décès. La dernière liste d’organisation du travail du 13 avril 1945 fait encore état de 426 détenus. D’après la déposition d’un détenu au procès de Dachau – Flossenbürg il n’y avait à Obertraubling qu’un médecin pour les détenus sans équipement médical. On ne sait pas vraiment si des détenus périrent lors des attaques aériennes, qui, le 11 avril, paralysèrent définitivement la production. Plusieurs kommandos furent chargés d’enterrer les morts sur le terrain de l’aéroport, non loin de leur hébergement.

Le 16 février 1945, l’US Air Force avait bombardé la base aérienne, détruisant de nombreux chasseurs à réaction opérationnels du type Me 262. Les détenus durent travailler avant tout au déblaiement, puis au nivellement en vue d’une piste de décollage. Ils furent aussi mis à contribution pour faire des tombes et des trappes à blindés. Mais les dépositions affirment toutes qu’on n’y travailla guère, à cause surtout du grand nombre de malades et de détenus affaiblis.

Le chef de kommando du camp extérieur était le SS-Hauptscharführer Cornelius Schwanner, qui avait été dans le service de garde depuis septembre 1939 à Flossenbürg, et de novembre 1943 à février 1945 chef de kommando à Johanngeorgenstadt. En plus de Schwanner, 50 gardiens SS arrivèrent à Obertraubling le 20 février. Le 3 mars 1945, 11 autres gardiens SS, sous les ordres du SS-Oberscharführer Johann Patron furent nommés4. De nombreux gardiens avaient accompagné les détenus lors de l’évacuation des camps, comme de Dyhernfurr, camp extérieur de Gross-Rosen. Le dénommé Patron, qui à partir de la mi-mars exerça les fonctions d’Arbeitseinsatzführer, déclara plus tard que Schwanner s’était occupé d’obtenir des rations de nourriture supplémentaires, et qu’il avait bonne réputation auprès des détenus5. Dans des enquêtes postérieures, d’anciens détenus parlèrent d’homicides arbitraires de la part de Schwanner et d’autres gardiens, mais ces dépositions n’ont pas pu être confirmées.

Mais le fait que des prisonniers isolés tentèrent de fuir pour échapper à l’hécatombe montre bien la situation réelle à Obertraubling. Trois tentatives de fuite à des moments différents sont mentionnées dans les livres de matricules. D’après les déclarations de Patron, l’une d’elles a réussi, deux des fugitifs furent abattus. L’échange de lettres à ce sujet entre la kommandantur et le chef de kommando à cause d’informations erronées montre clairement l’importance du chaos qui régnait déjà à cette époque dans l’administration6.

Les détenus étaient logés vraisemblablement dans le casino, qui était, à cette époque, un bâtiment non terminé de deux étages, sans toit solide, sans plancher, sans fenêtres et sans portes. Le casino avait été prévu pour la base aérienne, mais, devenu usine Messerschmitt, il ne fut jamais terminé7. La nourriture était aussi déplorable que l’hébergement. Les rations, déjà trop maigres, étaient réduites par les agissements du kapo cuisinier Alfons R., qui promettait aux détenus des rations supplémentaires contre des dents en or. Pour cette raison, R. fut condamné en 1947 par le tribunal de grande instance de Regensburg à une peine de prison8.

Le 16 avril 1945 le camp fut dissout. D’après les informations du chef de kommando Schwanner, il se procura des camions auprès d’une escadrille d’avions, avec lesquels il envoya 180 détenus malades à Dachau. Il emmena les autres deux jours plus tard en direction du sud ; après un à deux jours un groupe de 30 à 40 détenus aurait réussi à fuir. Le reste aurait atteint Dachau le 24 avril.

Le chef de kommando Schwanner fut condamné à mort après la guerre au procès de Dachau- Flossenbürg et exécuté le 15 octobre 1948 à Landsberg. Schwanner protesta de son innocence concernant la situation à Obertraubling et affirma avoir essayé maintes fois en vain auprès de Flossenbürg, d’abord par un intermédiaire et pour finir par lui-même, d’obtenir qu’on fasse venir de médicaments et de médecins pour les détenus.

Après la guerre, on utilisa toute la base aérienne pour construire une cité pour des Allemands déplacés, surtout venant du territoire des Sudètes, c’est l’origine de la ville de Neutraubling. 

A l’emplacement de la fosse commune on construisit le cimetière du camp de concentration qui fut à nouveau délaissé en 1957. La croix haute d’environ 5 mètres fut transférée dans le cimetière local. Depuis novembre 2006, une stèle rappelle le cimetière du camp de concentration et le camp extérieur. Dans le nouveau bâti de la mairie les étages supérieurs du casino ont été abattus. Dans l’ancien sous-sol se trouve aujourd’hui le restaurant de l’hôtel de ville.

1 Josef Fendl, 900 Jahre Birkenfeld- Neutraubling. Zxei Kapitel bayerischer Siedlungsgeschichte, in: Verhandlungen des Historischen Vereins für Oberpfalz und Regensburg, Bd, 109(1969), S, 169-182.

2 NARA, RG 338, 290/13/22/3, 000-50-46, Box 537 (Mikrofilm- Kopie in: AGFI).

3 Ermittlungen gegen unbekannte SS-Angehörige und Funktionshäftlinge des Nebenlagers Obertraubling, in: BArch Ludwigsburg, ZStL IV 410(F) AR-Z 93/75.

4 Transport nach Obertraubling b, Regensburg, 20.2.1945; Kommandierung z. Arbeitslager Obertraubling, 3.3.1945, in: BArch Berlin NS 4/FL 428.

5 United States vs. Friedrich Becker et al., in: NARA, case N°. 000-50-46, S.2092 (Aussage Abraham S.); S. 7081-7112 (Aussage Schwanner); S. 7021-7028 (Aussage Patron), (Mikrofilm-Kopie FC 6289 in: AGFI).

6 CEGESOMA, Mikrofilm 14368 ++.

7 United States vs. Friedrich Becker et al., in: NARA, case N°. 000-50-46; Defense Exhibit 52/53.

8 BArch Ludwigsburg, ZStL IV 410(F) AR-Z 93/75.

Littérature

Helmut Halter, Stadt unterm Hakenkreuz, Kommunalpolitik in Regensburg während der NS-Zeit, Regensburg 1994, darin vor allem Kapitel II C., Die Ansiedlung von Vierjahresplan- Betrieben – Das Flugzeugwerk (S.310-339)

Peter Schmoll, Messerschmitt-Giganten und der Fliegerhorst Regensburg-Obertraubling 1936-1945, Regensburg 2002

Ulrich Fritz

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.213 à 216

Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 25/12/2012.

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