Historique du Kommando de REGENSBURG (Ratisbonne)  –  K 31

Avec un convoi de 400 détenus tous masculins, le dernier camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg (exception faite de quelques ajouts postérieurs de détenus envoyés dans d’autres lieux) fut ouvert le 19 mars 1945 à Regensburg. L’auberge Colosseum dans le quartier Stadtamhof juste derrière le pont de pierres, servait à loger les détenus. De là, ils étaient conduits chaque jour sous bonne garde à des voies ferrées, pour réparer les dégâts des attaques aériennes. Un tiers des détenus étaient des juifs (128) dont 67 Polonais et 42 Hongrois. 84 Polonais non-juifs, 63 Russes, 62 Belges, 25 Français et 22 Allemands faisaient partie, à côté des ressortissants de dix autres nations, des détenus contraints au travail obligatoire à Regensburg. La plupart avait déjà fait tout un périple à travers plusieurs camps ; à peu près la moitié d’entre eux était arrivée à Flossenbürg le 13 février 1945, par les marches d’évacuation des camps extérieurs du camp de concentration de Gross – Rosen.

Beaucoup avaient été envoyés dans le camp de concentration de Flossenbürg comme « travailleurs civils » juste avant le transfert des services de la gestapo de Chemnitz, Nürnberg-Fürth et Regensburg. Le détenu polonais Wladyslaw B. par exemple, avait dû, après l’attaque allemande sur la Pologne, travailler d’abord chez des paysans à Weiden/Oberpfalz, puis dans une scierie à Pressath ; à l’automne 1944, il fut envoyé par la gestapo au camp de concentration de Flossenbürg et, après sa tentative de fuite, transféré au camp extérieur de Regensburg1. Quelques détenus avaient auparavant été envoyés par le train à Dresden. Cette usine avait été détruite lors des attaques aériennes des 13 et 14 février sur Dresden, les détenus furent transférés à Flossenbürg et de là à Regensburg peu de temps après.

Les détenus étaient logés au premier étage de l’auberge dans la salle de bal, les gardiens au rez de chaussée dans la salle de restaurant, les propriétaires de l’établissement habitaient là aussi2. L’hébergement était plus que succinct, les détenus dormaient sur de la fibre de bois, les conditions d’hygiène étaient désastreuses, les détenus ne disposaient que d’une toilette et d’un robinet3. Ceci, ajouté à l’étroitesse des lieux et le fait que la plupart des détenus étaient déjà arrivés très affaiblis à Regensburg, favorisa la propagation de maladies comme le typhus. L’alimentation insuffisante se composait le matin et le soir de pain, le midi il y avait une soupe. Il n’y avait pas d’infirmerie, les malades et ceux qui n’étaient pas capables de travailler restaient couchés dans la salle de bal.

Les détenus étaient occupés douze heures par jour à déblayer les dégâts des bombardements. Ce faisant ils étaient exposés à d’autres attaques aériennes, auxquelles succombèrent plusieurs prisonniers ; d’après les dires d’un survivant, des détenus moururent en essayant vainement de désamorcer des obus non éclatés4. D’autre part il était possible de chercher de la nourriture dans les wagons abandonnés. Pendant qu’ils travaillaient, les détenus étaient soi-disant surveillés par des employés des chemins de fer. Il est évident que plus de trois détenus, comme il est mentionné dans le registre des matricules de Flossenbürg, tentèrent de fuir; la plupart des fugitifs furent vite repris et durent subir de lourdes bastonnades6.

Le chef de kommando SS- Obersturmführer Plagge était d’après Tadeusz Sobolewicz un alcoolique brutal, qui frappait souvent les détenus et les contraignait à aller chercher de l’alcool – même pendant les attaques aériennes. Son adjoint, SS-Obersturmführer Liedtke, arriva à Regensburg comme membre de la Wehrmacht invalide de guerre et fut en charge de

La répartition des gardes, de la déclaration des décès auprès du bureau de l’état civil et du personnel de cuisine. Il était toute la journée dans les locaux d’hébergement et frappait souvent les détenus sans raison valable.

Fin mars 1945, 50 gardiens SS surveillaient 399 détenus à Regensburg7. Les surveillants étaient regroupés de façon très disparate. A côté de gardiens allemands et « allemands par le peuple » comme des yougoslaves, qui avaient plusieurs années d’expérience, il y avait sans aucun doute à Regensburg de nombreux hommes des troupes de construction ou des unités OT, condamnés au service de garde pour divers délits. Le grand nombre de gardiens pourrait s’expliquer par le fait que les détenus travaillaient sur différentes installations ferroviaires et zones attenantes.

A la mi-avril, 17 détenus furent renvoyés à Flossenbürg et remplacés par d’autres. Le dernier rapport de forces du 13 avril 1945 fait état de 374 prisonniers dans le camp extérieur de Regensburg. Dans la nuit du 23 avril, le camp extérieur fut évacué dans la panique. 28 hommes gravement malades et un mort restèrent à Regensburg ; après l’intervention de quelques ecclésiastiques, les malades furent conduits au séminaire ; six d’entre eux seraient morts8.

Le nombre total de détenus décédés à Regensburg est imprécis. Dans les livres de matricules de Flossenbürg seuls 18 décès sont mentionnés, le premier le 5 mars, neuf autres jusqu’au 13 avril, puis plus rien d’inscrit. Cependant le bureau de l’état civil de Regensburg I attestait entre le 23 mars et le 10 avril à lui seul de 35 décès. Sur une liste municipale de personnes décédées sont certes inscrits au total les noms de 44 morts, et même un inconnu est mentionné, qui furent inhumés dans une fosse commune au cimetière central de Regensburg9. D’après cette liste le premier détenu mourut quatre jours seulement après l’ouverture du camp extérieur. On ne put vérifier les quelques témoignages, d’après lesquels, lors de l’évacuation du camp extérieur, les SS auraient jeté des grenades dans l’auberge, tuant de cette façon ou d’une autre entre 100 et 150 détenus. Néanmoins, en un peu plus d’un mois, environ dix pour cent des prisonniers moururent à Regensburg.

Les détenus capables de marcher durent se regrouper devant le Colosseum et en deux colonnes avancer vers l’ouest. Un lieu du nom de Berg semble avoir été le but pour l’une des colonnes, et pour l’autre Laufen/Leobendorf. Des détenus racontent qu’ils traversèrent Landshut et Freilassing avant d’arriver à Laufen le 3 mai10. Quelques-uns réussirent à fuir dans la région de Burghausen. Les SS abattaient les détenus épuisés11.

Après la guerre l’auberge Colosseum servit de dancing, de salle de concerts de rock, de bar de strip-tease et jusqu’à récemment de lieu de représentation de théâtre rural. A l’été 2005 l’auberge fut fermée et transformée en habitation. C’est à une initiative privée que l’on doit la pose d’une stèle commémorative devant le Colosseum.

Les recherches du bureau central de l’administration judiciaire de la région furent poursuivies par le ministère public de München I, mais elles furent interrompues à la fin des années 70.

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1 Aussage Wladyslaw B.,18.9.1975, in : BArch Ludwigsburg, ZStL IV 410 AR-Z 54/76.

2 Aussagen Agnes D. und Sophie Sch., 25.9.1945, in: ebenda.

3 Ausage Wilhelm J., 17.3.1969, in: ebenda.

4 Tadeusz Sobolewicz,  Aus dem Jenseits zurück,Oswiecim 1993, S.263. Sobolewiczs Angabe von 20 Toten ist mit der Liste der in Regensburg bestatteten Häftlinge (s.u.) nicht in Einklang zu bringen.

5 NARA, RG 338, 290/13/22/3, 000-50-46, Box 537 ( Mikrofilm-Kopie in: AGFI).

6 Aussage Abraham R., 24.9.1969, in: BArch Ludwigsburg, ZStL IV 410 AR-Z 54/76.

7 Stärkemeldung der Wachmannschaften und Häftlinge der Arbeitslager im Dienstbereich des HSSPF des Oberabscnitts MAIN nach dem Stand vom 28.2.1945 und 31.3.1945, Bl.72 und 85, in: ITS Arolsen, Historisches Archiv, Flossenbürg-Sammelakt 10.

8 Aussage Tadeusz W., 25.9.1945 in: BArch Ludwigsburg, ZStL IV 410 AR-Z 54/76.

9 Die Liste ist abgedruckt in einer Dokumentation über “ Die Aussenkommandos des KZ Flossenbürg in und um Regensburg und ihre Bedeutung für Dtadt und Bewohner” der Klasse II a der Städtischen Berufsfachschule Regensburg, 1983, in: AGFI.

10 Aussage Heinrich O., 16.12.1976, in: BArch Ludwigsburg, ZStL IV 410 AR-Z 54/76.

11 Aussage Peter L., 21.12.1976, in: ebenda.

Literatur

Tadeusz Sobolewicz, Aus dem Jenseits zurück, Oswiecim 1993

Ulrich Fritz

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p. 237 à 240.

Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 14/02/2013.

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