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(Nom de code : « Richard »)

Leitmeritz (Litomerice en tchèque)

C’est à Leitmeritz, ville tchèque, qui, à partir de l’automne 1938 et à la suite de l’annexion des Sudètes, appartenait au « Deutsches Reich », que se trouvait le plus grand camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg. Il avait été aménagé dans le cadre du chantier « Richard ». Dans les documents officiels, il apparaissait sous les dénominations  : « SS Kommando B5 (détachement) », « Aussenkommando Leitmeritz (détachement extérieur de) ou « Arbeitslager Leitmeritz (camp de travail de) ». C’est, alors que des civils préparaient le chantier « Richard », que le 1er transport de 500 détenus, en provenance du KZ Dachau, arriva à Leitmeritz, le 24 mars 1944. Comme il n’y avait aucune possibilité de les loger, ils dormirent provisoirement dans les cellules de la prison pour femmes de la Gestapo, dans la petite ville fortifiée de Terezine, située à 7 km. Les détenus étaient enregistrés à Flossenbürg, qui leur attribuait également un matricule. Dès le 27 mars 1944, ils se rendirent à Leitmeritz pour travailler. Sur le chantier, les travaux de préparation étaient dirigés par le détachement « SS-Führungsstab B5 (état-major de direction) ». En l’espace de quelques jours, en tout 100 détenus furent renvoyés à Dachau. Sur quoi, le détachement « SS-Führungsstab B5 » quitta Leitmeritz, car le commandement SS n’était pas prêt à endosser la responsabilité de ce projet risqué. C’est seulement en mai 1944 que le ministère de l’Équipement réussit, auprès d’Hitler, à obtenir que le commandement SS s’engage à nouveau Leitmeritz. 

Il était prévu d’héberger les détenus dans une ancienne caserne de l’armée tchèque. Dans les abris primitivement prévus pour les soldats, étaient logés la direction du camp et la garde SS et aussi quelques travailleurs allemands et étrangers. Les écuries, les magasins et le manège étaient réservés pour le camp de concentration. Ces installations étaient entourées d’une double clôture avec 7 miradors. L’aménagement du camp dura tout l’été 1944. Les premiers détenus équipèrent les locaux au fur et à mesure des besoins avec des châlits de six à huit niveaux, séparés en deux étages par un plancher de bois. Dès le début, on parla de 6000 lits pour les détenus. L’infirmerie fut érigée à la fin de l’été 1944. Au début, la nourriture pour les détenus venait de l’extérieur, car la construction de la cuisine du camp ne commença qu’au début juin 1944. L’arrivée continuelle de nouveaux détenus nécessitait une extension constante du camp. En automne 1944 et au printemps 1945, on construisit des baraques en bois. Selon un plan de situation daté du 1er avril 1945, sept baraques en bois étaient occupées et trois nouvelles prévues. Au final, le camp de Leitmeritz devait se composer de 2 parties : le camp des détenus d’une capacité de 4 300 hommes et dans les baraques attenantes, était prévu celui des femmes pour 1 000 personnes. Le 10 août 1944, on dénombrait : 2 800 détenus, le 16 novembre 1944 : 4 975, le 23 décembre 1944 : 5 034, le 15 février 1945 : 6 584 et le 14 avril 1945 : 6 826 hommes. 

Le détachement Elsabe, qui fut opérationnel dès le 26 novembre 1944, était installé au début, dans le manège, avec les autres détenus. Pour les différencier des autres, ses 700 travailleurs portaient un « E » dans le dos. Ceux qui travaillaient à la machine portaient en plus, sur la poitrine, son numéro. Bien qu’au détachement Elsabe, la quote-part des malades et des morts atteignait déjà, en décembre 1944, le quart de l’effectif total des détenus, ce n’est qu’au début février 1945 que des efforts furent entrepris pour améliorer les conditions de ce détachement. Les deux équipes Elsabe I et Elsabe II déménagèrent dans un bloc indépendant avec lavoir et de plus petits dortoirs. Dès ce moment, le détachement eut son propre appel et ne participa plus qu’à l’appel principal avant la reprise du travail. Le détachement reçut aussi un supplément de nourriture. La construction des baraques en bois n’apporta aucune amélioration des mauvaises conditions de logement. Dès la mi-février, la surpopulation augmenta encore et atteignit son maximum à la fin avril avec presque 9 000 détenus. Vers la fin de la guerre, Leitmeritz était devenue la destination de nombreux transports d’évacués et de marches de la mort. L’hébergement était insuffisant et quelques détenus dormirent finalement à l’air libre entre les baraques, dans des abris hors des clôtures et pendant les derniers jours dans les galeries. 

Le but du projet « Richard » était la construction d’une usine souterraine pour Elsabe S.A.. Sous ce nom d’emprunt se cachait une unité de production du groupe Auto Union, dépendant de l’usine de Siegmar. La production devait se concentrer sur des moteurs Maybach HL 230. Le transfert de ce programme vers Leitmeritz avait été décidé par Hitler le 5 mars 1944. La construction souterraine devait être un élément constituant d’une chaîne de production de moteurs pour chars d’assaut. L’ordre initial du transfert à la carrière de pierre à chaux « Leitmeritz Kalk- und Ziegelwerke AG », au-dessus de Leitmeritz fut donné par le Ministère de Speer, le 18 mars 1944. Les coûts de construction étaient estimés entre 10 et 20 Millions de Reichmarks. L’état-major spécial Kammler surveillait les travaux avec l’aide de la SS-Führungsstab B5. Cette dernière fut tout d’abord commandée par le SS-Obersturmführer Werner Meyer et puis, à partir de novembre 1944, par le SS-Sturmbannführer Alfons Kraft. Les installations destinées à Auto Union furent rapidement désignées sous « Richard I », car le 15 mai 1944, le Ministère de l’armement décida de transférer la production du groupe Osram dans une partie des galeries, sous le nom de « Richard II ». L’usine Kalkspat K.G. en construction, devait couvrir les besoins croissants de l’industrie aéronautique en produits contenant du tungstène et du molybdène. La planification, la construction et le lancement de la production de l’usine Kalkspat K.G. étaient également du ressort de la SS-Führungsstab B5. La responsabilité de la planification totale de tous les fournisseurs pour la construction à Leitmeritz fut confiée à la firme berlinoise Mineralöl Baugesellschaft m.b.H., qui avec l’accord de la SS-Führungsstab B5 attribuait les travaux à de nombreuses entreprises allemandes, des Sudètes et du Protectorat, par exemple : Fuchs & Co. Cottbus, Siemens-Schuckertwerke A. G. Teplitz-Schönau, Siemens-Halske A. G. Dresden, Wolfferts & Wittmet Berlin, Fritz Pollems K. G. Berlin, Dyckerhoff & Widmann Dresden, Polensky & Zöllner Driesen..Nm., Alwin Böhme & Sohn Leipzig, Oberschlesische Baugesellschaft m.b.H. Kattowitz, Josef Kargel Reichenberg, Ferngas A. G. Teplitz-Schonau, Wiener Baugesellschaft m.b.H. Dniepropetrowsk, Paul Schreck K. G. Halle und Robert Kieserling Hamburg. 

Les détenus travaillaient jour et nuit, sans l’outillage nécessaire, sans les mesures minimales de sécurité et sans moyens auxiliaires. Après le bombardement de l’usine d’Auto Union de Siegmar, le 11 septembre 1944, les machines des deux importantes chaînes de production pour la fabrication des culasses et des blocs moteurs, en tout 180 machines, furent réparées entre le 25 septembre et le 30 octobre 1944 et installées à Leitmeritz. Au final, le projet était de fabriquer entièrement les moteurs HL 230 à Leitmeritz. La production débuta le 3 novembre 1944 et les premiers produits quittèrent Elsabe, le 14 novembre 1944. Malgré toutes les mesures prises, la productivité à Elsabe était faible et n’atteignait pas les quotas exigés. Les machines étaient défectueuses, les détenus épuisés, malades et pour cela le rebut était très élevé. La firme hambourgeoise Robert Kieserling, Tief- und Strassenbau A. G., (génie civil et routes) était chargée de la construction de « Richard II ». L’équipement devait commencer au 4eme trimestre de 1944 et les différentes sections devaient lancer la production jusqu’à la fin de l’année. Ces objectifs ne furent, jusqu’à la fin de la guerre, jamais atteints, car les représentants d’Osram avaient rapidement reconnu que le projet était voué à l’échec.

Près de 18 000 détenus passèrent par Leitmeritz, y compris 770 femmes. L’existence du camp commença le 31 mai 1944 avec l’arrivée du premier transport de 1 202 détenus venant de Gross-Rosen. Entre Juillet 1944 à la mi-Février 1945, 17 gros et petits transports amenèrent des détenus. La plupart provenaient de Flossenbürg (3649), les autres de Gross-Rosen (2 051), Auschwitz II-Birkenau (1 995) et Dachau(1441). Il y eut 8 transports en provenance du KZ Flossenbürg. Le 9 août 1944, les premiers Juifs arrivèrent au camp. Le taux de malades et de décès, qui était bas, augmenta rapidement. À cause de cela, le 13 octobre 1944, 760 Juifs polonais furent déportés à Dachau et à Mauthausen. Le 4 septembre 1944 arrivèrent de Flossenbürg 1296 Polonais, qui avaient été arrêtés lors de l’insurrection de Varsovie. Plus de 700 hommes (plus de 50 %) de ce transport moururent à Leitmeritz. Le 25 novembre et le 8 décembre 1944, l’effectif de l’usine Elsabe fut complété avec 700 détenus choisis, 345 d’entre eux moururent. Le détachement Elsabe devait constamment être complété par des détenus d’autres transports. Le dernier transport en provenance de Flossenbürg arriva le 4 février 1945. Il comprenait 40 Juifs hongrois destinés à « Richard II ». Le 14 février 1945, arriva le 2eme transport avec 2 051 détenus de Gross Rosen, qui venait d’être évacué. Les réfugiés étaient en très mauvais état, 68 d’entre eux étaient décédés pendant le trajet. Quatre convois arrivèrent d’Auschwitz II-Birkenau, le plus important, le 17 septembre 1944, comptait 1495 personnes, principalement des Polonais. Les SS et les Kapos s’occupèrent particulièrement des survivants de l’insurrection de Varsovie. Un tiers d’entre eux ne vit pas la libération. De Dachau arrivèrent encore trois convois. Dans le 2e, qui arriva le 25 juillet 1944 avec 400 détenus, se trouvaient des partisans slovènes et des membres du mouvement de la résistance antifasciste. Le 6 janvier 1945 arriva de Kaufering un convoi avec 835 Juifs, la moitié mourut à Leitmeritz. Encore le 27 janvier 1945, arriva un convoi de Dachau avec 206 détenus supplémentaires.

En 1945, Leitmeritz était la destination de nombreux convois d’évacuation. Fin mars et en avril, environ 2000 détenus des camps externes du KZ Flossenbürg furent évacués vers Leitmeritz, soit de Zwickau, _Zschachwitz, Dresden, Schlackenwerth, Gröditz, Mülsen-St Micheln, Nossen und Flöha. 800 détenus arrivèrent également des succursales de Buchenwald, Berga, Colditz, Weimar, Jena, Aschersleben et Dora. Le dernier gros transport arriva de Buchenwald, le 9 avril 1945 avec 1 473 détenus.

En tout, environ 4 000 Juifs furent déportés à Leitmeritz. La plupart provenaient de Pologne. À mi-février 1945 arrivèrent les 50 à 100 premières femmes d’Auschwitz. Elles furent installées dans un hangar à l’extérieur du camp. Puis 300 autres arrivèrent de Ravensbrück le 6 avril et enfin 3 à 400 le 16 avril 1945 de Chemnitz. Les femmes devaient travailler pour Osram. Pendant les derniers jours d’existence du camp, les femmes furent évacuées sur Terezin. Les détenus de Leitmeritz provenaient pratiquement de tous les pays que l’Allemagne occupait. Les plus nombreux étaient les Polonais (près de 9 000), les Russes (3 500), les Allemands (950), les Hongrois (850), les Français (800), les Yougoslaves (plus de 600) et les Tchèques (plus de 500).

Pendant toute l’existence du camp, 3 869 détenus furent transférés, soit au camp de Flossenbürg (1657) soit dans ses camps annexes. Les transports ne concernaient que des détenus malades ou incapables de travailler. Avec les deux gros transports des 7 et 12 mars 1945, 500 et de 700 détenus furent transférés à Bergen-Belsen, des malades atteints de dysenterie et de typhus. Sur leur sort rien n’est connu.

Le premier commandant du camp fut le SS-Hauptscharfführer Schreiber (capitaine). Il arriva avec le 1er transport de Dachau et une dizaine de gardes SS. Trouvé trop indulgent envers les détenus, il fut révoqué sur demande du SS-Führungsstabs Meyer. Son successeur le SS-Hauptscharfführer Eric von Berg, ne servit que pendant les mois de l’été 1944 à cause de différends avec l’état-major SS. C’est pendant son temps qu’eurent lieu les premières tentatives d’évasion et les premières pendaisons. Après lui, c’est le SS-Obersturmführer Völkner qui commanda, jusqu’en novembre, le camp. C’est sous son commandement que furent améliorés les conditions de logement, de nourriture et l’équipement des détenus. Son successeur, le SS-Hauptsturmführer Heiling, fut le représentant le plus brutal de la direction du camp. Heiling quitta Leitmeritz atteint du typhus exanthématique. Le dernier commandant du camp à partir de février 1945 fut le SS-Untersturmführer Benno Brückner. C’est le Schutzhaftlagerführer représentant du commandant du camp, qui avait une influence directe sur l’ordinaire des détenus. Pendant une courte période, c’est le SS-Hauptscharführer Willi Czibulka, défini comme un sadique par les détenus, qui occupa la fonction. Le deuxième Schutzhaftlagerführer Kurt Panicke, aussi, était connu pour sa férocité et son arbitraire. En mars 1945, il fut déplacé à Flossenbürg, mais revint pourtant après 2 semaines. Pendant son absence, le SS-Oberscharführer Karl Opitz, ancien chef de la SS-Kantine à Gross-Rosen prit sa place et ne la quitta pas malgré le retour de Panicke. Il fut, en 1946, condamné à la prison à vie par un tribunal extraordinaire du peuple à Leitmeritz. Il avait reconnu devant le tribunal avoir assisté à une trentaine de pendaisons. La surveillance des détenus dans le camp était du ressort des chefs de blocs. L’engagement des détenus était organisé par la section « engagement » dépendant du commandement du camp, à la tête de laquelle on trouva le SS-Unterscharführer Tilling et après lui le SS-Unterscharführer Piasek. La section « politique » était dirigée par les SS_Rottenführer Willi Bacher et SS-Rottenführer Hans Rührmeyer. La section « approvisionnement » fut tout d’abord dirigée par le SS-Unterscharführer Hans Kohn, qui fut à partir de 1945, chef de la cuisine des détenus, puis par le SS-Oberscharführer Günter Schmidt et le SS-Scharführer Eduard Schwarz.

Au début, à l’époque où les détenus étaient logés à Terezin, la garde comptait 30 soldats de la Luftwaffe. Son commandant, Emmanuel Fritz, avait été procureur à Vienne. Dès que les locaux de Leitmeritz furent prêts, la garde fut assurée par la 6ème compagnie de la garde aérienne « Leitmeritz », qui dépendait de la Sonderinspektion II (Jägerstab) de Nordhausen. Au final, cette unité compta 250 à 300 soldats de la Luftwaffe, en provenance de Vienne, Leipzig et Buchenwald. A l’été 1944, c’est le capitaine Jelinek qui la commandait. Au début septembre, il fut remplacé par le SS-Oberscharführer Edmund Johann, déplacé du camp de Natzweiler à Leitmeritz. Il était courant que lorsqu’une sentinelle avait tiré sur un détenu, qu’elle soit louée et reçoive un congé exceptionnel. Le 28 février 1945, la garde comptait 277 membres. À Leitmeritz, il n’y avait pas de « blocs nationaux », comme dans les autres camps. Au début, la totalité des détenus d’un transport était attribuée à un bloc. Par la suite, lorsque des groupes de travail stables se furent formés, les blocs ne se différenciaient que par le genre de travail auquel les détenus étaient attribués. Les détenus qui avaient connu plusieurs autres camps ont décrit le camp de Leitmeritz comme Bretislav Lukes : « Partout régnait un certain ordre. On savait à quelle heure on mangeait et quand on devait se coucher. Cependant ici, il n’y avait que le travail, le travail toujours seulement que le travail, on travaillait jusqu’à 14 heures par jour. C’était un vrai camp d’esclaves ». La faim en relation avec un travail harassant était l’un des principaux instruments pour exterminer les détenus. L’organisation des SS avait un très grand intérêt à utiliser efficacement les détenus, mais restait insensible à leur condition d’existence. Pas une seule fois, le SS-Führungsstab B5 n’a été capable de répondre aux exigences des entreprises en répartissant les détenus dans les kommandos en fonction de leur profession. Malgré des réclamations continuelles, les entreprises devaient former presque journellement de nouveaux détenus. Pendant les épidémies, la direction du camp était dans l’incapacité de mettre à disposition les 4 000 détenus requis.

En février 1945, un tiers de détenus luttait contre des maladies infectieuses. Beaucoup d’entre eux étaient dirigés vers l’infirmerie (Revier) après qu’ils se soient effondrés à leur place de travail.Le séjour à l’infirmerie était lié à de grandes angoisses, car ils craignaient d’être sélectionnés pour un transport évacuant les malades et invalides. La fonction de médecin du camp fut successivement occupée par les détenus Dr. Stanislaw Garstka, Dr. Jan Hanycz et le Dr. Jan Nowak. Dans les combles de l’infirmerie, les détenus pouvaient secrètement écouter la radio. Ils avaient reçu le récepteur de collègues qui travaillaient au camp externe de Lobositz (Lovosice). Ils obtenaient également des informations de travailleurs civils qui les aidaient avec de la nourriture, leur commandaient des lettres et leur transmettaient de petits paquets et de la correspondance. Une fois par mois, les détenus avaient le droit d’écrire une lettre de 30 mots. Leur courrier était adressé à : « Waffen SS, SS Kommando B5, IIa Lobositz 2, Postfach 213 » Les premiers Kapos arrivèrent avec le premier transport en provenance de Dachau. Le 27 mai 1944, 7 détenus, la plupart prisonniers apolitiques, portant un petit numéro de matricule furent transférés de Flossenbürg à Leitmeritz. Quelques-uns d’entre eux devinrent de « hauts » fonctionnaires de l’administration interne du camp. À la tête, on trouvait le doyen du camp (Lagerälteste) Josef Stegmaier et son remplaçant Hans Wagner, le secrétaire du camp Fritz Nass, le Kapo Jakob Nollen et le médecin Dr. Stanislav Garstka. L’engagement des détenus pour la construction était du ressort du Kapo Paul Bachor et du secrétaire Adolf Tiplic. La cantine des détenus était dirigée par Karl Horek. La fonction : Kapo principal des blocs, était de la responsabilité de Ludwig Bandurski, Wasilij Mantulin et Emil Wittmann. Le traducteur principal se nommait Georg Pawlicki. Les Kapos pouvaient porter des cheveux longs, des habits civils avec des pantalons à larges rayures et des brassards indiquant leur fonction. Ils s’occupaient principalement de travaux administratifs pour le commandement, listes des détenus, listes des disponibilités et registre des décès. Ils décidaient de la répartition des détenus dans les différents blocs et établissaient la liste des patients de l’infirmerie, entre autres. Certains d’entre eux participèrent à des agressions brutales sur des détenus avec la police du camp et même à des pendaisons. La police du camp/la protection du camp comprenait 10 à 15 détenus qui étaient équipés de matraques ou de tuyaux en caoutchouc. Les plus craints étaient le Kapo principal du Kommando : Kieserling et l’Ukrainien Ivan Dolgij. Il décéda du typhus à Leitmeritz. Mais aussi les Kapos du Kommando Elsabe qui utilisaient la correction à coups de bâton. Dans la galerie, il y avait un banc réservé à cette fin. Mais la punition des détenus était souvent infligée au retour au camp. Une correction fréquente consistait à suspendre le détenu par les mains liées dans le dos.

Le premier essai de fuite enregistré eut lieu le 5 juin 1944. Le détenu Russe Daniel Bjelausow, venu de Gross-Rosen, fut repris après quelques jours, il fut également le premier détenu pendu à Leitmeritz. Le nombre de fuites augmenta vers la fin de la guerre. En mai et en avril 1945 eurent lieu 24 des 45 fuites enregistrées nommément. Quelques-unes furent un succès grâce à l’aide de travailleurs astreints aux travaux forcés et d’habitants de la région de Leitmeritz.

Approximativement 4 500 détenus moururent à Leitmeritz, nommément justifiables, on compte 3 200 victimes, dont trois femmes. En décembre 1944, la mortalité augmenta nettement à la suite d’une épidémie dysenterie ; en janvier 1945, au moins 935 détenus décédèrent. En mars 1945, on constate une nette diminution de la mortalité à la suite de 2 transports de 1 200 malades à Belsen-Bergen. Depuis juillet 1944, les cadavres étaient brûlés au crématoire de Terezine. C’est seulement au début 1945 que commencèrent les travaux de construction du crématoire à deux fours de Leitmeritz. Il fut fonctionnel dès avril 1945 et pendant ce mois 405 victimes furent brûlées. Sa capacité était insuffisante, les détenus furent inhumés dans le camp. En 1946, 66 victimes furent exhumées de 7 fosses communes. À une des extrémités de la place d’exercices du manège, une fosse de fortification contre les tanks de 40 m de long fut libérée et 723 corps y furent jetés. Toutes ces 789 victimes reposent maintenant au cimetière national de Terezine ainsi que les cendres des victimes retrouvées aux environs du crématoire du camp.

Pendant les derniers jours d’avril 1945, la direction du camp débuta la liquidation du camp. Les documents du camp furent détruits. Dès le 21 avril, les détenus juifs furent transférés au ghetto de Terezine. En particulier les nouveaux détenus arrivant avec les transports d’évacuation, furent dirigés par groupe sur la gare de Lobositz et chargés dans des wagons. La totalité de l’action se déroula d’une manière assez chaotique. Quelques détenus attendirent pendant une semaine le départ du train, d’autres furent ramenés au camp. Finalement, le train, vraisemblablement le 28 avril 1945, quitta Lobositz en direction de Prague. Après la guerre, on exhuma, à Lobositz, de neuf fosses communes 79 cadavres de détenus massacrés ou fusillés. Pendant le trajet, il y eut de nombreuses fuites. Dans les gares où le train s’arrêtait, la population tchèque exprimait sa solidarité aux détenus. À Roztoky près de Prague, une foule importante aida à plus de 300 détenus à s’enfuir. À la station de Prag-Bubny, 700 autres personnes furent libérées. De Prague le train se dirigea vers la Bohème du Sud et fût libéré seulement le 8 mai 1945 aux environs de Budweis (Ceské Budêjovice). Un autre transport d’évacuation devait, début mai 1945, quitter Leitmeritz. Bien que les détenus soient déjà dans les wagons, il fut décidé de les ramener tous au camp. Au début mai 1945, le camp de Leitmeritz était à nouveau archicomble. Le Kommando Elsabe travailla jusqu’au dernier instant. Le 5 mai 1945, l’équipe du matin se présenta au travail, bien que la plupart des travailleurs et des contremaîtres aient quitté Leitmeritz aux environs du 2 mai. L’après-midi du 5 mai, au cours d’un appel spécial le chef du camp Panicke avertit les détenus que la guerre était finie et qu’ils étaient libérés. Brückner et une grande partie de la garde étaient déjà partis. Du 6 au 8 mai, les secrétaires établirent des attestations et les détenus furent libérés par groupes. Malgré tout, il resta environ 1200 détenus malades, qui ne furent libérés que les 9 et 10 mai 1945, par des unités russes de la 5e armée du Général A.S. Schadow. Le camp et les galeries furent gardés par l’armée tchèque jusqu’au 16 mai. L’Armée Rouge assura ensuite la garde. Une partie des médecins et du personnel sanitaire des groupes d’aide tchèques ainsi qu’une colonne sanitaire russe furent déplacés de Terezine à Leitmeritz. Les derniers détenus furent rapatriés fin juillet 1945. Dans les mois qui suivirent, les chaînes de production furent démontées. L’ensemble du matériel, considéré comme butin de guerre, fut transporté en Russie.

789 cadavres furent exhumés après la guerre et les victimes reposent maintenant au cimetière national de Terezine. L’armée tchèque réintégra la caserne, qui fut désaffectée en 2003. Actuellement, seul le crématoire est visible pour le public. Un mémorial y est élevé. Le tribunal d’exception de Leitmeritz condamna l’ancien chef du camp Karl Opitz à la prison à vie.

L’usine de construction de pompes du groupe Junkers, usines d’aviation et de moteurs, qui avait été transférée dans une filature de coton abandonnée ainsi que dans d’autres locaux industriels, sous le faux nom de « Leng-Werke » de Magdeburg à Lengenfeld, une petite ville industrielle de l’ouest de la Saxe entre Plauen et Zwickau, produisait depuis l’automne 1943. Pour travailler arrivèrent d’abord des travailleurs du service obligatoire et des prisonniers de guerre des Pays – Bas, de France, d’Union Soviétique, de Pologne, d’Italie, de Grande Bretagne et des USA. De plus, des détenus de Zwickau aménagèrent des usines souterraines sur le versant gauche de la Göltzsch au-dessous du chemin de Walkmühlenweg. Un camp fut créé sur un terrain le long de Walkmühlenweg pour la main d’oeuvre. En 1944 la partie arrière du camp fut aménagée en camp de concentration avec 10 à 12 baraques. Le camp était ceint d’une clôture et entouré de miradors.

Le 9 octobre 1944, 800 détenus quittèrent le camp de Flossenbürg1 et arrivèrent à Lengenfeld le lendemain. Les détenus étaient majoritairement originaires de Pologne et d’Union Soviétique, mais parmi eux se trouvaient aussi des allemands, des français, des italiens, des tchèques, ainsi que quelques détenus de dix autres pays. La plupart d’entre eux étaient internés comme travailleurs civils du service obligatoire ou détenus politiques. Dans la liste du transport on remarque 100 ouvriers spécialisés, ainsi que des bouchers, jardiniers, un médecin et un vétérinaire, qui étaient importants pour l’infrastructure du camp2. Les détenus furent scindés en deux groupes et travaillaient en équipes de jour et de nuit douze heures par jour, très isolés des autres travailleurs dans la salle la plus basse de l’ancienne filature de coton. Là ils fabriquaient les pièces détachées de pompes à injection qui étaient ensuite posées dans des moteurs d’avions. Dans l’espace de travail des détenus, les fenêtres étaient murées jusqu’à mi-hauteur et grillagées, une grande grille en fer fermait l’entrée de la salle. Un nombre variable de détenus (entre 7 et 462) devait aussi travailler le dimanche. Jusqu’à la fin octobre, le nombre de détenus capables de travailler chuta de 797 à 774. En décembre 1944, jusqu’à 879 détenus furent amenés en renfort dans les «  Leng-Werken », après que 123 autres détenus furent transférés de Flossenbürg à Lengenfeld3. Ils étaient pour la plupart ouvriers métallurgistes spécialisés, mais il y avait aussi 84 juifs polonais, qui étaient arrivés à Flossenbürg avec un grand convoi, environ un mois plus tôt. Le dernier grand convoi à arriver à Lengenfeld fut celui du 27 mars 1945 avec 42 détenus en provenance du kommando extérieur Dr.Th.Horn situé à Plauen, qui venait d’être dissout.

Chaque jour, les détenus, en rangs par cinq, flanqués de SS et de chiens de garde, étaient conduits à l’usine. Lors des alertes, ils devaient continuer à travailler derrière les grilles fermées, tandis que les autres travailleurs étaient mis à l’abri dans les galeries souterraines. On ne sait pas avec certitude si on faisait appel aux détenus pour travailler dans les galeries. Bien que les installations n’y soient pas encore terminées, la production avait commencé. La firme Junkers produisit les machines jusqu’à la fin de la guerre4.

Dans le camp, les détenus étaient maltraités de multiples façons, beaucoup furent assassinés. D’après les déclarations concordantes des détenus, le chef du kommando du camp extérieur, SS Sturmscharführer Albert Roller, était le principal responsable de ces actes. Roller fut condamné à mort lors du procès de Flossenbürg en 1947 par un tribunal militaire américain et exécuté à Landsberg. Après la guerre, Johann Vican, Kapo à Lengenfeld, dut répondre du crime de coups et blessures ayant entrainé la mort et fut condamné à douze ans de prison. Fin janvier 1945 les gardes étaient au nombre de 49, fin mars, ils étaient 535.

17 tentatives d’évasion sont répertoriées. Deux prisonniers russes furent fusillés le 21 octobre, alors qu’ils fuyaient. Le 1er avril sept détenus polonais réussirent à s’évader.

Pendant toute l’existence du camp à Lengenfeld environ 1000 personnes furent utilisées au titre du travail obligatoire. Jusqu’à la fermeture du camp 246 détenus sont morts des conditions de détention6. 217 décès sont mentionnés dans les registres, un tiers d’entre eux pour le seul mois de février 1945 ; le dernier rapport date du 13 avril 1945. 189 morts furent enterrés à Reichenbach/Vogtland. Jusqu’au 21 mars 1945, date à laquelle il y eut un bombardement sur Reichenbach qui détruisit l’alimentation en gaz de la ville, 160 détenus étrangers et deux détenus allemands furent brûlés dans le four crématoire de Reichenbach, où ils furent enterrés7. 27 autres morts conduits à Reichenbach y furent également enterrés. Plus tard, le 23 juin 1945, eut lieu une cérémonie funèbre à la mémoire des 189 victimes. Sur la tombe maçonnée où se trouvaient les urnes il y avait une grande plaque en bois de 1mètre sur 0,75, écrite à la main. Plus tard on modifia la tombe et on plaça un bloc de pierre à son emplacement. En juillet 1985, lors de travaux, on retrouva la plaque en bois dans un garage de la communauté catholique de Sainte Marie ; elle fut remise au musée régional de Lengenfeld, où elle se trouve encore aujourd’hui.

Après le bombardement de Reichenbach en mars 1945, il y eut aussi des inhumations au cimetière de Lengenfeld, où 57 morts furent enterrés comme victimes inconnues. Il n’y eut pas de déclaration faite à la paroisse. Suite à l’épidémie de typhus dans le camp, aucun habitant de Lengenfeld ne voulut plus transporter les cadavres ; ils furent alors enfouis directement à côté du camp ou bien jetés dans le déversoir des étangs qui servaient à éteindre les incendies. A l’été 1945, on obligea d’anciens membres de la NSDAP à les exhumer et à les enterrer dans une fosse commune avec les détenus déjà inhumés au cimetière. Une colonne de pierre grise fut érigée sur la tombe en 1946.

L’évacuation du camp commença le 13 avril 1945. Les marches de la mort des 744 détenus les conduisirent par Rodewisch, Schönheide, et Eibenstock à Johanngeorgenstadt, où les détenus d’autres camps extérieurs évacués (Zwickau ou Johanngeorgenstadt) parmi lesquelles des femmes venant de Plauen les rejoignirent. En passant par Neurohlau, les prisonniers marchèrent vers Karlsbad, où environ 180 détenus malades furent laissés. Le reste des détenus de Lengenfeld marcha sur Marienbad et Pistov. Presque tout au long du parcours il y avait des morts. Ceux qui ne pouvaient plus marcher étaient tués par les SS ; d’autres mouraient d’épuisement, de froid ou périssaient lors d’attaques à basse altitude. D’après le récit d’un détenu qui servait de traducteur, 14 détenus malades, surtout des Polonais, furent abattus à Karlsbad, pour n’avoir pas pu obéir à l’ordre de continuer à marcher8. Cependant beaucoup de détenus réussirent à fuir. Il est difficile de dire combien de victimes parmi les détenus de Lengenfeld ces marches ont causé ; ce qui est certain c’est que plus de 200 prisonniers ne survécurent pas. A Tachau les gardiens orientèrent l’horrible marche vers l’est, car le camp de Flossenbürg était déjà libéré. Elle prit fin le 26 avril, non loin de Bor, à environ 50 km du camp principal de Flossenbürg. Là les gardiens disparurent, la marche se disloqua.

Le 7 mai 1965, à l’emplacement de l’ancienne blanchisserie, un lieu commémoratif fut inauguré à la mémoire des victimes du camp mais aussi des prisonniers de guerre et des travailleurs du service de travail obligatoire qui périrent ici. On peut encore voir tout autour les emplacements des baraques.

Le bâtiment de production des «  Leng-Werke » est aujourd’hui le siège d’un organisme de formation pour adultes. Il y eut des enquêtes judiciaires menées par le parquet de Hambourg concernant le maître d’école le plus âgé du camp ; après sa mort en décembre 1975 elles furent confiées au parquet de Francfort sur le Main. Les enquêtes qui y furent menées contre le chef du kommando de Johanngeorgenstadt et le responsable des marches de la mort, Kolacevic, furent également suspendues.

A Altenhammer, une localité à deux kilomètres de Flossenbürg, dont elle fait aujourd’hui partie, se trouvaient tout comme à Flossenbürg plusieurs entreprises de granit. L’une d’elles, l’usine Ernst Stich, s’adressa, en janvier 1942, personnellement et par courrier à la Kommandantur du camp de concentration de Flossenbürg pour demander «  de mettre à sa disposition à Altenhammer au printemps 1942 un kommando de travail de déportés pour la construction d’un camp de prisonniers de guerre soviétiques ».1 Cette requête fut rejetée par la Kommandantur sous le prétexte de « manque de postes ».2 Ce n’est que deux ans et demi plus tard que s’ouvrit à Altenhammer un camp extérieur de Flossenbürg. Au cours de l’année 1944 furent constitués deux kommandos extérieurs, dans lesquels des déportés construisaient en continu des pièces pour le chasseur Me 109 des usines Messerschmitt. Les deux kommandos devaient d’abord, chaque jour, marcher depuis le camp central et y retourner le soir ; le déjeuner était pris à Altenhammer.

Fin 1944/début 1945 plusieurs centaines de déportés furent hébergés dans les salles de l’usine utilisées par Messerschmitt. Le kommando Stich, avec environ 60 déportés était logé dans une salle de l’usine de granit, propriété de Stich, qui avait dû la louer à Messerschmitt. Le kommando Ambos, avec environ 500 déportés, était logé dans une construction à toit bas en granit d’imposantes dimensions (60 mètres de long, 20 de large et 11 de hauteur). Les déportés devaient travailler dans les mêmes bâtiments, d’abord en équipes de jour, mais à partir de février aussi en équipes de nuit.

Les kommandos, comme plus tard le camp extérieur, furent surveillés par des soldats de la Luftwaffe adjoints à la SS. Dans la dernière répartition de travail du 13 avril 1945, il y a 8 postes mentionnés pour le kommando Stich et 28 pour le kommando Ambos.3 Le chef de kommando était Ewald Reinhold Heerde. Le chef de production était un commandant de la Luftwaffe, qui sera battu à mort par les déportés à la fin de la guerre.

Il y a différentes informations sur les conditions de vie des déportés à Altenhammer. Dans plusieurs procès, qui ont fait suite au procès de Flossenbürg à Dachau, Altenhammer est l’un des très peu nombreux camps extérieurs à être aussi détaillé. La plupart des témoins étrangers décrivirent l’hébergement, la nourriture et le traitement par les hommes de garde et les kapos, non seulement très précisément, mais aussi clairement plus négativement que les témoins exclusivement allemands et autrichiens (parmi lesquels quelques déportés en fonction), qui furent interrogés de 20 à 30 ans plus tard par le bureau central de l’administration judiciaire régionale. Ainsi n’y aurait-il eu à Altenhammer, d’après les dires du témoin Franz K. de 1967, aucun homicide volontaire de déportés en dehors des « habituels sévices ».4 Par contre, les dires de témoins étrangers, les sévices infligés par le chef de kommando Heerde ou le kapo Edmund Wissmann entraînaient la mort.5 Aussi bien Heerde que Wissmann, qui faisait office de secrétaire du kommando, auraient frappé les déportés à mains nues ou avec un tuyau de caoutchouc, au moindre délit, très souvent sur la base de dénonciations faites par des employés civils. On aurait transporté au camp central les blessés graves et les morts avec le camion qui apportait la nourriture de Flossenbürg.

D’après les témoignages de déportés, le typhus se propagea à Altenhammer au printemps 1945, en raison des conditions d’hygiène catastrophiques. Par exemple, le linge ne fut pas changé pendant plus de 6 semaines, si bien que les vêtements étaient pleins de poux. En janvier et février, on transporta les déportés, par groupes, le dimanche, prendre une douche, à Flossenbürg, où ils pouvaient, le cas échéant, retirer des bons pour la cantine. Le commandant en chef de la Luftwaffe aurait fait cesser ces mesures à cause du temps de tarvail perdu.6 En peu de semaines beaucoup de déportés moururent du typhus (d’après certaines informations jusqu’à 200) ; pour Altenhammer 45 décès sont mentionnés dans les registres, mais on sait qu’avec le chaos de la dissolution du camp tous les morts ne furent pas inscrits.7 La situation alimentaire était navrante, mais d’une certaine façon meilleure qu’au camp central, d’après le déporté français Henri Margraff, les déportés avaient, le matin, 150 grammes de pain, le déjeuner était pris sur les lieux de travail, et, le soi, les hommes avaient une tartine de pain et un peu de saucisse. C’était le camp central qui envoyait les repas. Quelques témoins racontent aussi que des employés civils leur donnaient du pain.

On dispose de peu d’informations sur l’ampleur du travail effectué à Altenhammer. On suppose que l’objectif quotidien de production était de six avions, les témoins parlent aussi d’un grand nombre de pièces exécutées, y compris de moteurs. Néanmoins, le manque de main d’œuvre qualifiée parmi les déportés limitait la production, même un échange avec les kommandos énormes de Messerschmitt du camp central, vers la fin de la guerre, n’obtint guère plus de résultat. En raison de la proximité et de l’épidémie croissante de typhus, de petits groupes de déportés étaient ballotés du camp central à Altenhammer et vice versa, les uns après les autres.

547 déportés durent travailler pour le kommando Ambos, le 1 mars 1945 ; le maximum fut atteint deux jours plus tard avec 552 déportés. En même temps, 66 déportés étaient incorporés au kommando Stich. Dans les rapports de main d’œuvre du 13 avril 1945 sont inscrits 419 déportés. La majorité était composée de 250 déportés polonais, dont 100 juifs. 150 déportés russes, 100 Tchèques, 50 Allemands, 40 Français et 40 Italiens étaient enfermés à Altenhammer avec des hommes venant de huit autres pays.

Vers la fin de la guerre, comme le camp central de Flossenbürg était archi plein à cause de l’arrivée incessante de convois qui évacuaient les autres camps, des groupes de 30 à 40 déportés furent envoyés plusieurs fois à Altenhammer – ce qui correspondait à une condamnation à mort, vu les conditions de vie. Le 16 avril, le camp extérieur d’Altenhammer fut dissous ; les déportés furent renvoyés dans le camp central, et allèrent immédiatement dans les blocks de quarantaine. Manifestement, les déportés allemands au moins, restèrent pour la plupart dans le camp abandonné, qui fut délivré le 23 avril 1945 par les troupes américaines.

Il y avait comme troisième kommando à Altenhammer la « section scientifique » ou « centre de recherche ».8 A l’initiative du plus haut chef de la SS et de la police dans le gouvernement général, SS Obergruppenführer Wilhelm Koppe, des kommandos de mathématiciens, chimistes, ingénieurs et inventeurs avaient été constitués avec des scientifiques juifs polonais au printemps 1944 dans le camp de concentration de Plaszow. Le kommando de chimistes – tout comme ceux d’ingénieurs et d’inventeurs – furent déplacés à Flossenbürg à la mi-octobre à cause de l’avancée de l’Armée Rouge. Une partie du kommando d’inventeurs retourna à la mi-novembre 1944 à Cracovie ; les chimistes restèrent à Flossenbürg ; en avril 1945, ils étaient 22 déportés.

Les chimistes – sous les ordres de l’Oberkommando de la Marine et du Kaiser-Wilhelm-Institut pour la chimie physique et l’électrochimie- travaillaient à Flossenbürg à un appareil.

E02, vraisemblablement un filtre de protection contre les gaz. La direction SS des travaux à Flossenbürg avait prévu spécialement pour les scientifiques un « établissement d’expériences scientifiques » sur la route de Flossenbürg à Silberhütte, qui devait avoir un transformateur, et, entre les murs de l’enceinte, un bâtiment pour l’hébergement, un laboratoire et un bunker.9 Mais ces projets ne se réalisèrent jamais. Au lieu de cela, la SS-WVHA demanda la construction de ce bâtiment à Altenhammer. Là, les déportés dressèrent des baraquements pour la direction SS des travaux et effectuèrent les travaux de maçonnerie nécessaires.10 Dans la dernière répartition du travail du 13 avril 1945, sont encore inscrits 23 déportés de la direction SS du travail, comme actifs à « l’institut Altenhammer ».
Henry Orenstein parle de ses deux frères, Fred et Felek Orenstein, enrôlés dans le kommando de chimistes, qui furent envoyés, à la mi-avril 1945, à Dachau avec un convoi d’évacuation. Lors d’une des nombreuses attaques aériennes, Felek Orenstein fut blessé et abattu par la SS, ainsi que 130 autres déportés «  incapables de marcher ». Les autres déportés furent libérés quelques jours plus tard par les troupes américaines. L’institut de recherches a dû donner à la mission américaine ALSOS, une délégation de scientifiques sous la direction du physicien Samuel Goudsmit, l’occasion de chercher à Flossenbürg des preuves de ces recherches.

Le ministère public de Weiden suspendit les enquêtes en juin 1968, car on ne pouvait démontrer clairement les actions ayant entraîné la mort dans le camp extérieur de Altenhammer. Les baraquements des déportés furent démolis aussitôt après la guerre et le terrain utilisé pendant un certain temps pour stocker du bois. Après la guerre, le bâtiment de l’institut de recherches scientifiques fut utilisé avec peu de succès par différentes entreprises chimiques et métallurgiques et démoli en 1981.