Le camp extérieur de Neurohlau (Nova Role) a été installé dans l’usine privée SS « Céramiques de Bohême SA » à proximité de Karlsbad (KarlovyVary) dans le nord-ouest de la Bohême pour participer à l’effort de guerre à travers les détenus des camps de concentration. L’entreprise qui se trouvait à l’origine propriété juive, a été fondée en 1921 et fabriquait des porcelaines de haute qualité. Les représentants de la SS avaient dès 1938 montré de l’intérêt pour la Bohême et finalement ils en ont fait l’acquisition en mai 1940. La Direction s’est trouvée entre les mains de la manufacture SS des objets de prestige en porcelaine (Munich-Allach)1. Avec le changement de propriétaire, la production a changé de nature : les productions de luxe sont devenues de la vaisselle pour les casinos SS, l’armée, et la Croix Rouge allemande.
L’affectation de 40 détenus hommes en provenance de Flossenbürg est intervenue à compter du 7 décembre 19422. Ils furent directement transférés dans l’enceinte de l’usine dans 4 baraques en bois, et placés sous l’autorité de Waffen-SS. Leur travail consistait en l’édification d’un camp pour femmes, dans la proximité immédiate de l’usine de porcelaine. Ils installèrent 10 baraques en bois, et derrière les baraques entourées de fil de fer barbelé, un bâtiment pour le cantonnement des équipes de surveillance. Le chemin du camp à l’usine consistait en un corridor de fil de fer barbelé3. Début janvier 1943, 50 femmes en provenance de Ravensbrück, arrivent à Neurohlau pour être affectées à l’usine de porcelaine et dans sa proximité4. Début mars 1943 suivent 50 autres, et à la fin du mois encore 80 femmes arrivent de Ravensbrück5. Avec environ 265 personnes, l’effectif reste constant jusqu’à l’été 1943, à l’automne 1943 il monte jusqu’à 400 détenues6. A partir de janvier 1944, les femmes travaillent, dans des locaux jusqu’alors non adaptés, à la fabrication d’armement, entre autres le montage de répartiteurs électriques pour les chasseurs Me109 et Me 262 de Messerschmitt SA7. Dans la 2ème moitié de l’année 1944 2/3 des femmes sont occupées à la porcelaine, le reste à Messerschmitt8. Le maximum a été atteint en avril 1945 avec 1047 femmes. Le nombre d’hommes qui travaillaient dans les chantiers de construction, a été stable jusqu’en novembre 1944 ils étaient 60, et 86 à la fin de l’année. A cela il faut opposer 330 civils embauchés. Plus de la moitié des femmes venait d’Union Soviétique et de Pologne, un cinquième environ étaient des Allemandes. Parmi les hommes il y avait des prisonniers polonais et allemands. Depuis le 1er septembre 1944, les femmes détenues à Neurohlau, qui jusqu’ici dépendaient de Ravensbrück ont été rattachées au camp principal de Flossenbürg.
Les surveillantes des femmes détenues sont placées sous l’autorité de la surveillante chef Margarethe de Hüber, qui est connue, d’après la description ultérieure de la surveillante chef Frizsche, comme particulièrement sadique et cruelle9. L’équipe de surveillance se compose, tout compris, de 23 SS hommes et (à la fin de la guerre) 18 surveillantes10. Le premier commandant du camp a été à partir de décembre 1942 le sergent SS Schreiber, remplacé le 12 février 1943 par Willibald Richter. Début juin de la même année, la direction du camp incombe à l’adjudant SS von Berg11 auquel succède en mars 1944 le major SS Düren. Le major SS Hugo Bock commande le camp de l’été 1944 à la fin de la guerre et est décrit comme particulièrement brutal12. Le sergent SS Eduard Wagner13 fait fonction de suppléant du chef de camp de décembre 1943 à la fin de la guerre. Le directeur de la « Bohemia SA » H.Hechtfischer, est incontestablement responsable des conditions désolantes dans le camp. Par contre, les employés de la « Bohémia SA » ont, en cachette, assisté les détenus pour leurs moyens d’existence, caché des femmes détenues ou ont évité la censure lors de la réception de courrier14.
Un long temps de travail, des punitions pour de petits méfaits, des privations de subsistances, un ravitaillement totalement rationné, des vêtements insuffisants, des heures sur la place d’appel par tous les temps, laver la porcelaine à l’eau froide, sont le lot de tous les jours au camp. Les malades et les détenues inaptes au travail sont renvoyées au camp principal. Il y a en outre à Neurohlau une infirmerie dirigée par la femme médecin yougoslave Radmila Jovanovic. Pour l’exécution des punitions, on a construit une prison pour l’isolement cellulaire. On ne sait s’il y a eu des exécutions au camp, mais une femme aurait été transférée à Flossenbürg pour être exécutée. Le même destin a rattrapé une détenue polonaise pour tentative d’évasion. Au moins deux femmes ont subi le préjudice durable du gourdin des gardiens du camp15. Sept femmes détenues se sont enfuies du camp de Neurohlau.
Les conditions dans le camp se dégradent en mars et avril 1945 à cause des transports d’évacuation de Ravensbrück. Entre le 16 et le 18 avril 1945 arrivent à Neurohlau, plusieurs centaines de détenues en provenance de Zwodau et Neubrandenburg16. A ce moment-là, l’usine de porcelaine a déjà cessé sa production. L’évacuation de Neurohlau commence dans la nuit du 19 au 20 avril 1945, un premier groupe d’hommes et de femmes quitte le camp en direction de Karlsbad. Un 2ème transport suit dans la nuit du 22 au 23 avril 1945 en compagnie du chef de camp Hugo Bock. Arrivés à Stribro (Mies), tous les prisonniers sont emmenés en direction du Nord. Le 7 ou 8 mai 1945 les gardiens laissent les détenus libres d’eux-mêmes à proximité de Laun et Saaz. Le dernier transport avec des détenus de l’infirmerie quitte Neurohlau le 29 avril 194517. Le nombre exact de morts au camp n’est pas connu, mais la plus grande part semble résulter de la marche de la Mort en avril et mai 1945.
Le commandant adjoint du camp Eduard Wagner et quelques surveillantes ont été condamnées à des peines privatives de liberté18. L’ancien commandant du camp Hugo Bock, malgré des enquêtes répétées du service de sécurité tchèque pendant les années 70, n’a pas été condamné. Le directeur de l’usine Hechtfischer a été condamné à mort, et exécuté le 14 février 1947. Après la guerre, le camp deviendra un camp d’internement pour des ressortissants allemands. La « Bohemia SA » est aujourd’hui propriété de la firme « Thun Karlsbader Porzellan AG ». Devant la gare se trouve un monument commémoratif.
Le 1er décembre 1943 un camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg fut construit dans la petite ville de l’Erzgebirge Johanngeorgenstadt, située à environ 50 km au sud de Zwickau et tout près de la frontière de l’actuelle République Tchèque. Mis à part un camp extérieur qui a existé peu de temps à Stulln, c’était le premier camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg aménagé pour l’industrie de l’armement. Depuis 1939 la SARL de construction mécanique Erla, dont le siège avait été transféré à Leipzig peu après l’implantation de Erla dans le Erzgebirge en 1934, exploitait à Johanngeorgenstadt une entreprise dans l’usine de meubles de bureau Heinz, installée dans un lieu tranquille. Des travailleurs civils allemands et étrangers y fabriquaient des gouvernes, des ailes et des lamelles pour l’avion de chasse Me 109 construit par les usines Erla de Lizenz.
Ce sont d’abord 100 détenus de camp de concentration qui travaillèrent à partir du 3 décembre 1943, puis, à partir du 20 décembre déjà 420, dont 205 comme ouvriers spécialisés et 215 comme manoeuvres. Suite à de nouveaux convois, le kommando de travail passa fin janvier 1944 à 550 détenus ; fin février on transféra environ 100 détenus à Johanngeorgenstadt, fin mars 130 et fin mai encore 50. Le nombre de détenus qui était ainsi arrivé à 833 chuta en juin 1944 à 809 ; dans le courant de l’année le nombre de détenus baissa entre 780 et 840. Pour les jeunes détenus appelés « apprentis » les usines Erla comptaient un taux journalier moindre de 2 RM. A partir d’août 1944 on dénombra 41 « apprentis », fin septembre jusqu’à 142, et jusqu’à la fin de l’année environ 132 durent travailler quotidiennement. L’effectif maximum du camp fut atteint en janvier 1945 avec 988 détenus ; fin février il y avait encore 857 détenus à Johanngeorgenstadt et fin mars 847 1. Le dernier rapport des forces du 13 avril 1945 mentionne 842 détenus. Les plus grands groupes étaient constitués de 400 hommes venus de l’Union Soviétique, 200 pour les Polonais et les Français et même 60 Allemands. Les autres prisonniers appartenaient à neuf autres nationalités. Dans le livre des matricules de Flossenbürg aucune catégorie de détention n’est indiquée pour plus de la moitié des détenus 2. La plupart étaient d’anciens travailleurs civils du travail forcé ou des déportés politiques ; des tsiganes et des « asociaux » étaient aussi emprisonnés. En plus des ouvriers spécialisés (de la métallurgie) il y avait, dans le camp extérieur, des gens appartenant à tous les métiers, la plupart furent embauchés comme manoeuvres 3. Différents groupes furent transférés à Johanngeorgenstadt par de plus grands convois : fin février 1944 un peu plus de 120 Français, qui avaient été déportés à Flossenbürg peu de temps auparavant, en mars environ 70 Russes en provenance de Lublin-Majdanek, en août environ 40 « tsiganes » allemands ou tchèques venant de Buchenwald. En outre, de plus petits groupes de détenus, le plus souvent des ouvriers spécialisés, arrivaient régulièrement à Johanngeorgenstadt, des malades étaient renvoyés au camp principal de Flossenbürg.
Les détenus étaient logés dans le sous-sol de la fabrique de meubles, leurs lieux de travail se trouvaient au-dessus dans les étages. La fabrique était entourée d’une clôture en fil de fer barbelé électrifiée. Le travail se faisait en deux équipes de douze heures chacune et par groupes de 25 à 80 personnes. Quiconque ne s’acquittait pas normalement de sa tâche devait le payer par une bastonnade 4. En plus de leur travail à la fabrique, les détenus devaient de temps en temps déblayer la neige ou nettoyer la ville. D’après les témoignages du premier chef de kommando SS-Hauptscharführer Cornelius Schwanner au procès de Dachau- Flossenbürg, le camp extérieur disposait d’une infirmerie bien équipée et de soins remarquables – une opinion qui ne fut partagé par aucun des anciens détenus.
Il semblerait que deux détenus polonais aient travaillé comme infirmiers avec un médecin russe. De plus, le médecin de l’usine, Dr. Englhardt, était responsable de l’assistance médicale apportée aux prisonniers. Les détenus recevaient la nourriture de la firme, qui la décomptait des frais de travail auprès de la kommandantur de Flossenbürg. Quelques travailleurs civils aidaient les détenus en introduisant clandestinement des colis de vivres dans le camp ou en leur procurant l’accès à un récepteur de radio.
L’équipe de surveillance à Johanngeorgenstadt se composait au début d’environ 40 SS, qui, durant les premières semaines, étaient logés dans la «Bergschänke»5. A partir de la fin de l’été 1944, on mit aussi à contribution, non pas seulement pour le service de garde, mais aussi comme artisans, des soldats de l’armée de l’air qui venaient peut-être du bataillon de construction de l’armée de l’air 1/4 VII dissous. En service, ils continuaient à porter les uniformes de l’armée de l’air avec les écussons des SS 6.
Economiquement ils étaient, comme leurs collègues du camp extérieur de Flöha, sous l’autorité de la division 4 de formation de conduite de l’armée de l’air dépendant de Chemnitz-Hilbersdorf 7.De janvier à mars 1945, le nombre de gardiens resta constant à 59 8. La SS se montrait extrêmement brutale lors de «fautes» des détenus. De trois jeunes détenus qui avaient tenté de fuir, l’un fut abattu et un autre fut repris ; il fut enfermé trois jours dans un réfrigérateur dans la cuisine, puis pendu dans la cour de l’usine. Tout d’abord la corde cassa, ce n’est qu’à la 2éme tentative que le jeune russe fut tué 9.
Début 1945 il y eut un vaste changement dans le personnel de garde du camp extérieur : le chef de kommando Cornelius Schwanner fut remplacé par le SS-Hauptscharführer Gottfried Kolacevic, qui fut détaché avec 30 gardiens à Johanngeorgenstadt le 24 janvier ; le 5 février, 27 autres suivirent, parmi lesquels le SS-Scharführer Wenzel Fink, resté dans les souvenirs des détenus comme un homme brutal 10. La très grande majorité des gardiens avait 40 ans ou plus. Peu de temps après, Cornelius Schwanner devint chef de kommando du camp extérieur de Obertraubling ; en raison principalement de la cruauté dont il fit preuve, il fut condamné à mort lors des procès de Flossenbürg à Dachau et exécuté en 1948 à Landsberg.
50 détenus au moins sont morts dans le camp extérieur de Johanngeorgenstadt. Si au début ils étaient victimes d’exécutions ou d’assassinats de la part des gardiens, à partir du début 1945 de plus en plus de détenus mouraient de maladies comme la tuberculose et le typhus. 13 décès sont mentionnés rien que pour le mois de février 1945. Les corps furent conduits à Flossenbürg ou Zwickau pour être incinérés.
Le camp extérieur de Johanngeorgenstadt fut évacué le 16 avril 1945. Le chef de kommando Kolacevic reçut soi-disant une consigne précise du SD de Aue 11. Aux détenus de Johanngeorgenstadt se joignirent d’autres qui venaient d’autres camps dissous, et qui tous furent entraînés vers Schönheide. Le rapport d’une enquête tchèque parle de 1123 détenus, dont 188 de Lengenfeld, 106 de Zwickau, mais aussi de 7 femmes venant de Plauen, qui avec les 822 détenus qui se trouvaient sur place devaient être conduits, tout d’abord par le train à Karlsbad en passant par Neurohlau, puis de là à pied vers l’est par Bochov, Lubenec et d’autres étapes jusqu’à Theresienstadt.
D’après le témoignage de Kolacevic, il remit le convoi, qui s’amenuisait de jour en jour en raison des nombreux décès dus à l’épuisement et à la maladie, à une délégation suisse à Theresienstadt le 8 mai 1945. Il aurait eu à ses côtés pour accompagner le convoi environ dix gardiens SS, qui pour certains d’entre eux furent emprisonnés ; SS-Scharführer Fink mourut durant sa détention préventive tchèque.
A Johanngeorgenstadt après la libération fut installé un « camp d’accueil pour travailleurs étrangers et détenus de camps de concentration », où de nouveaux décès sont prouvés jusqu’à fin mai 1945 ; mais il s’agit vraisemblablement de décès de travailleurs civils du travail forcé.
La procédure d’enquête contre le deuxième chef de kommando Gottfried Kolacevic fut engagée en 1976. Comme sa responsabilité pour les décès pendant l’évacuation du camp extérieur ne put être prouvée, le parquet de Frankfurt/Main considéra en raison de la prescription, qu’une condamnation pour homicide volontaire était impossible 12.
Le bâtiment de l’usine Erla transférée fut à nouveau utilisé comme fabrique de meubles après la guerre ; entre-temps il est libre. Plusieurs plaques commémoratives rappellent le camp extérieur. Au cimetière de Johanngeorgenstadt un emplacement fut aménagé avec des pierres commémoratives pour les victimes françaises, russes et italiennes du camp extérieur.
Le village de Janowitz (Vrchotovy Janovice) situé en Bohême centrale, non loin de la ville de Wotitz (Votice), se trouvait dans les années 1944/45 sur le territoire du champ de manœuvres SS de Beneschau (Benesov), plus tard champ de manœuvres SS de Bohême. Les premières ébauches pour la création de ce champ de manœuvres au sud de Prague, entre la Moldau et la Sasau dataient de 1939. La population de la région fut progressivement évacuée à partir du mars 1942.1 Les habitants de Janowitz furent évacués lors de la cinquième et dernière étape et ce jusqu’au 1 avril 1944. Les travaux sur le champ de manœuvres commandé Alfred Karrasch, SS-Oberführer puis SS-Brigadeführer et Generalmajor des Waffen SS, qui résidait au château Konopiste, nécessitaient une main d’œuvre bon marché. A cet effet, un camp d’éducation par le travail fut installé fin 1942 dans la commune de Hradischko (Hradistko) dans la partie nord-ouest du champ de manœuvres. Ce camp fut placé sous l’autorité du camp de concentration de Flossenbürg en tant que kommando extérieur à partir de novembre 1943. Puis un nouveau camp d’éducation par le travail fut installé dans la commune proche de Breschan (Brezany). Un kommando extérieur de ce camp avec 40 déportés de trouvait depuis le printemps 1944 à Janowitz dans les domaines de Frantisek Petricek et d’Antonin Kratochvil. De plus, depuis juin 1944, vivaient ici 80 hommes juifs dans un kommando extérieur du camp spécial de Bistritz (Bystrice) issus « de mariages mixtes ».2 Leur activité principale consistait à construire des baraquements en bois pour un nouveau camp à côté du nouvel étang à la sortie du bourg sur la route de Merwitz (Mrvice). Les premiers déportés venus du camp de concentration de Flossenbürg arrivèrent à Janowitz vraisemblablement le 24 juillet 1944.3 Sur le terrain vague, il y avait six baraques en bois, dont trois hébergeaient les déportés. Deux mieux équipées servaient aux équipes de gardes SS et la sixième faisait office de cuisine. Le camp était entouré d’une double clôture de barbelés et de quatre miradors.4 Le premier groupe de déportés de camp de concentration se composait de 100 personnes. Ils érigèrent des bâtiments pour l’école d’artillerie SS sous le commandement du SS-Sturmbannführer Sinn.5 Début novembre 1944 le nombre de déportés passa à 200 ; jusqu’ à une épidémie de typhus à la fin de l’hiver le nombre resta à peu près constant. Sur les 182 déportés de Janowitz en février 1945 il y avait 72 Russes, 41 Français, 41 Polonais, 15 Allemands, 6 Tchèques, 2 Espagnols, 1 Belge, 1 Bulgare, 1 Hollandais, 1 Italien et 1 Hongrois.6
Le chef du kommando fut d’abord le SS-Hauptscharführer Friedrich Christel, qui fut remplacé par le SS-Hauptscharführer Willibald Richter originaire des Sudètes.7 La garde SS comptait 2 sous-officiers et 39 hommes.8
Les kommandos de travail étaient regroupés tous les matins. Un lieu d’intervention était la gare de Cichovka, où les déportés devaient décharger le matériel et poser une deuxième voie. Un autre kommando travaillait non loin, dans la carrière de Schebaniowitz (Sebanovice), que les entreprises allemandes de travaux publics (DESt) de Mauthausen avaient repris le 1. Septembre 1943 avec 16 autres carrières à l’administration locale SS, sur le terrain du champ de manœuvres.9 Avec ces pierres furent construits des ateliers de réparations pour chars en face du camp de Janowitz. Le premier propriétaire de la carrière, Karel Chomout, resta y travailler après son expropriation comme administrateur et chef d’équipe de 15 tailleurs de pierres civils.
D’autres déportés s’occupaient de terminer le camp et démolissaient le moulin Zrcadlo et d’autres maisons des environs. Quelques déportés furent embauchés dans la ferme SS de la commune voisine de Merwitz.10 Les kapos qui dirigeaient les kommandos de travail étaient pour la plupart des criminels allemands. Les déportés appelaient l’Oberkapo Helmut Lindner « le kapo noir » à cause de sa brutalité. Il était responsable de la mort de quelques déportés. Il jeta des déportés malades, qui ne pouvaient se présenter sur la place d’appel, à bas de leur châlits puis traîna les blessés jusqu’aux barbelés, où ils furent abattus par les gardes.11 La distribution de nourriture par les kapos à la carrière était injuste, quelques tailleurs de pierres passaient du pain et de l’eau aux déportés. Les tortures, le travail difficile, la nourriture et les vêtements très insuffisants entraînèrent des décès. Les cadavres furent vraisemblablement conduits à Prague pour être incinérés. D’après d’autres dépositions ils furent enterrés dans la forêt proche et près du mur du parc du château et dans le cimetière communal. En décembre 1944, deux déportés français s’évadèrent ; l’un deux fut repris et exécuté.12
Début 1945 éclata à Janowitz une épidémie de typhus, contre laquelle la direction du camp ne prit aucune disposition. D’après des témoignages presque la moitié des déportés mourut. Fin mars 1945, les survivants furent conduits à Chlum près de Kschepenitz (Krepenice) dans une propriété paysanne, qui fut transformée pour le camp. Là ils réparaient les routes et travaillaient à la ferme SS locale. Après la guerre, 14 corps de déportés furent exhumés à Kschepenitz.13
Fin avril 1945, les déportés de Kschepenitz furent transportés en camions à Miechenitz (Mechenice) et de là par train à Prague avec des déportés de Hradischko. Le 30 avril, les wagons furent ajoutés à un grand convoi de déportés. Pendant le trajet en direction de Budweis (Ceské Budejovice) il y eut de nombreuses exécutions.14 Les survivants ne furent libérés que le 8 mai par des partisans tchèques à Kaplitz (Kaplice).
Le 8 mai 1945, les Américains firent prisonniers les membres des unités SS du terrain de manœuvres. Par la suite, les anciens habitants revinrent. Les baraquements du camp et les ateliers qui leur faisaient face prirent feu, le matériel de construction encore sur place fut vendu aux habitants de Janowitz. En 1982, on érigea un monument au bord du nouvel étang à l’emplacement du chenil des gardiens.
Par manque de preuves, les poursuites pénales contre les responsables furent interrompues le 30 juin 1976 par le parquet de Zweibrücken.15 A cette époque, les chefs de kommandos du camp extérieur étaient déjà morts.
Le kommando du camp de concentration de Flossenbürg à Hradischko (Hradistko) apparaît sous différentes appellations. Dans les documents de l’administration on le trouve aussi sous le nom de « camp de travail de Beneschau ». Effectivement ce kommando était établi à Hradischko, une petite commune située à environ 40 km au sud-ouest de Prague. L’histoire de ce kommando est directement liée à la création d’un immense champ de manœuvres pour les troupes SS dans la Bohème occupée. En novembre 1941avait été ouvert à proximité de Beneschau (Benesov) « le champ de manœuvres de Beneschau pour les troupes SS», qui connut l’année suivante une gigantesque extension. 17600 habitants originaires de 62 communes des environs de la ville de Neweklau (Neveklov) durent quitter tout le secteur jusqu’en septembre 1943. Depuis la création de ce champ de manœuvres militaires, on fit venir sur le terrain des déportés pour des fonctions des plus variées. En 1942, dans la localité de Hradischko, fut construit un camp de travail, dont les prisonniers devaient travailler sur le champ de manœuvres. Après la fermeture du camp de travail, les baraquements furent occupés en novembre 1943 par des déportés du camp de concentration de Flossenbürg et transformés, avec constructions d’autres baraquements, de miradors et d’une petite place d’appel pour être adaptés à des conditions beaucoup plus sévères pour des déportés de camp de concentration. On ne sait pas très bien quel poste des unités de SS en action sur le champ de manœuvres avait demandé des prisonniers venant du camp de concentration de Flossenbürg. C’était vraisemblablement la kommandantur centrale de Beneschau, comme le laisse penser une remarque sur la liste du premier convoi de déportés vers le champ de manœuvres. 70 prisonniers allemands furent transférés le 17 novembre 1943, pour « être mis à la disposition du bureau principal de l’économie et de l’administration du 11.11.43 en direction du champ de manœuvres de Beneschau près de Prague » et installés dans le camp de baraquements dans la localité de Hradischko.1 Les structures d’organisation, de commandement et de surveillance de ce camp étaient extrêmement complexes. En principe, le responsable du recrutement des déportés était le commandant du champ de manœuvres SS en Bohême, le chef de brigade SS Karrasch. Seul le chef de kommando de ce camp extérieur, Alfred Kus, avait été détaché de la garde du camp de concentration de Flossenbürg à Hradischko. Différentes unités de SS, qui étaient basées sur le champ de manœuvres, assumèrent la garde des prisonniers, puis ce fut le régiment SS d’instructeurs, ensuite les bataillons de pionniers SS « Germania » et « das Reich » ainsi que momentanément le 2ème bataillon de garde SS de Prague. Le premier convoi de déportés atteignit Hradischko le 17 novembre 1943 avec 70 prisonniers. Ils furent avec 66 autres prisonniers allemands, qui furent déportés le 26 novembre du camp de concentration de Buchenwald à Hradischko, ainsi qu’un convoi de déportés du 24 décembre 1943 avec 55 autres déportés allemands les premiers à occuper ce kommando. Le 3 mars 1944 arrivèrent encore à Hradischko 325 déportés, parmi lesquels beaucoup de Français, mais aussi des Espagnols, des Italiens, des Russes et des Polonais, mais aucun Juif, si bien que l’effectif prévu de ce kommando était atteint avec juste 500 prisonniers. Les déportés du camp de concentration furent installés en kommandos de différentes tailles pour des travaux de construction sur la presque totalité du champ de manœuvres. Ils devaient entreprendre des fouilles pour le terrain de tir et furent employés aux constructions de conduites d’eau et de canalisations pour les installations SS, aux constructions de routes et à la préparation de bâtiments à des fins d’exercices militaires, puis à partir d’avril 1945 presque exclusivement à la construction de tranchées et de fossés anti-char. Jusqu’à ce moment-là au moins 20 prisonniers avaient été victimes des terribles conditions de travail. Au camp de concentration de Flossenbürg, 19 décès furent consignés pour la période du 20 mars 1944 au 26 mars 1945.2
Leurs corps furent transportés en camion à Prague, où ils furent incinérés au crématoire de Straschnitz (Strasnice). A partir d’avril 1945 commença l’exécution automatique de déportés. A cette date, en raison de l’approche de l’Armée Rouge, le champ de manœuvres était déjà prêt pour la défense ; SS-Sturmbannführer Erwin Lange, commandant du SS-Pionierbataillon « Germania » et commandant de Hradischko, ordonna au chef du kommando du camp extérieur, Alfred Kus, le transport des déportés du camp de concentration. Mais comme il n’y avait pas de moyens de transport à disposition, la liquidation des déportés fut décidée. Des armes furent intentionnellement cachées et trouvées au cours d’une razzia dans le camp des déportés, ce qui justifia l’assassinat des prisonniers, sous prétexte qu’ils auraient préparé une révolte. Le 9 avril, il fut ordonné aux déportés, contrairement aux autres fois, de se mettre en groupes de chacun 100 déportés ; ceux qui n’étaient pas des prisonniers allemands devaient se ranger en fin de colonnes. Alors qu’ils marchaient vers les lieux de travail, des membres du SS-Pionierbataillon tirèrent sur les derniers rangs des colonnes. C’est ainsi que le 9 avril au moins neuf déportés furent assassinés, douze le 10 avril et 27 le 11 avril.3 On ne sait pas pourquoi les exécutions s’arrêtèrent soudain après cette date. Toutefois les employés civils tchèques du champ de manœuvres eurent connaissance de ces assassinats, si bien que le commandant du champ de manœuvres était très préoccupé par la discipline sur le terrain et dans son entourage. Le 12 avril 1945, la garde du camp extérieur fut encore une fois changée et de nouveau assumée par le SS-Lehrregiment à Hradischko.
Le 26 avril 1945, le kommando fut définitivement dissous ; les déportés qui restaient furent chargés dans des wagons à bestiaux avec des déportés de kommandos de Flossenbürg, Janowitz (Vrchotovy Janovice) et Mieschenitz (Mèchenice) et conduits vers Prague. Dans la banlieue de Prague, à Vrschowitz (Vrsovice) , d’autres wagons avec des prisonniers de différents camps dissous furent ajoutés au train d’évacuation et ce convoi fut finalement redirigé vers le champ de manœuvres. Au sud de Janowitz, à proximité d’un petit bois, les déportés furent tirés des wagons et des membres de la SS ouvrirent le feu sur eux. Les descriptions des circonstances de la libération des prisonniers sont extrêmement contradictoires. En s’appuyant sur la découverte des cadavres après 1945, les ministères publics tchèques et allemands qui enquêtaient, estimèrent qu’entre 100 et 150 déportés de Hradischko furent assassinés d’avril à mai 1945.4
Après 1945, la zone du champ de manœuvres fut à nouveau habitée. Les baraquements du champ de manœuvres servirent d’habitations, si bien que des restes de constructions du kommando ont été conservés jusqu’à aujourd’hui. A une bifurcation, à la sortie de la localité, tout près du lieu du massacre, fut érigée dans les années 60 une stèle à la mémoire des victimes du kommando.
Précision apportée par l’association :
Les fiches biographiques relatives aux déportés de Flossenbürg passés par le Kommando de Hradistko mentionnent le rôle prépondérant joué par les partisans tchèques dans la libération du Kommando.C’est à la lumière de nombreux témoignages d’anciens déportés de ce Kommando que Michel Clisson, alors président de l’association, a pu cerner au plus près les conditions et les dates de libération du Kommando.
Il en a résulté la mention suivante sur chaque fiche biographique concernée :
« Date et conditions de sa libération : Hradistko (Hradischko) est évacué le 26 avril 1945 à pied jusqu’à la gare de Miechnitz. Départ pour Prague le 28, après regroupement avec les évacués de Janovice dans ce convoi, arrêt dans la banlieue de Prague. Les Tchèques apportent de la nourriture. Départ vers Prague-Werchonitz le 29 avril. A l’arrivée, une impression de libération, certains s’évadent, aidés par les Tchèques, qui soignent les plus épuisés. Les S.S. reviennent en fin de journée et se font menaçants. Différents convois se regroupent sur ce train : de Ravensbrück dont les femmes sillonnent l’Allemagne depuis le début mars, de Buchenwald etc… Le dimanche 6 mai, le convoi est toujours à l’arrêt. Le départ a lieu le lundi après-midi en direction du sud. Plusieurs arrêts en rase campagne. Nouvel arrêt en gare d’Olbranovice, où l’on dépose les morts. Après 36 heures de stationnement, départ le 8 mai vers l’Autriche mais le convoi est intercepté et libéré par les partisans tchèques, entre Velesin et Kaplice. »
12 janvier 2023
Nous vous invitons à lire, dans notre rubrique Témoignages, l’article : « Hradischko, à la recherche de traces ».
29 août 2024
Archive : voyage de mémoire en juillet 2010 : https://cz.ambafrance.org/Voyage-de-memoire-d-anciens-deportes-desvatava