Historique du Kommando de Oederan

À Oederan, en Saxe, camp extérieur du camp de concentration de Flossenbürg, 500 femmes juives durent à partir d’octobre 1944, fabriquer du matériel pour les machines de refroidissement et machines électriques allemandes GmbH (DKK), une filiale de Auto-Union. La DKK produisait dans différents lieux du sud de la Saxe des projectiles antiaériens de 2 cm entre autres, c’est pour cette raison qu’elle fit venir des détenus à côté d’Oederan mais aussi à Wilischthal. Pour la fabrication à Oederan, on loua les locaux de la filature «Zwirnerei und Nähfadenfabrik Erwin Kabis» qui dut dégager la zone et suspendre sa production. Comme, après la guerre, l’entreprise Kabis adressa une plainte détaillée au département en charge de la justice en Saxe, les «magnats mégalomanes de l’armement» réagirent violemment. Des prisonniers de guerre italiens auraient démonté en un temps record l’ensemble des machines de façon inappropriée, tous les stocks auraient été vendus, mais plus tard seule une petite partie de l’entreprise aurait été utilisée par la DKK (1).

Dans une lettre du 24 juin 1944 au directeur du département de la main d’œuvre au WVHA, SS-Standartenführer Maurer, l’usine de Oederan demandait 500 «déportées de camp de concentration» et priait qu’une date soit fixée pour une inspection avec un représentant du WVHA (2).

Lors d’un rendez-vous à Flossenbürg, apparemment couronné de succès, avec le commandant Koegel («il y eut un très bon contact») la surveillance des détenues fut confiée à des employées de l’usine, qui devaient être formées à partir de mi-août aux frais de la DKK. Les onze premières surveillantes devaient l’être à Ravensbrück, et toutes les autres à Holleischen. Les déportées devaient être remises en trois fois à la DKK (100 le 4 septembre, 200 le 15 octobre et 200 le 1er décembre) ; on se mit d’accord sur l’hébergement des déportées et des surveillantes, tout comme sur la sécurité des locaux. Les déportées qui travaillaient à la fabrication devaient être mises à l’abri dans les sous-sols lors des attaques aériennes (3).

L’envoi en plusieurs fois des déportées conclu entre la DKK et la Kommandantur connut visiblement un léger retard. Des convois arrivèrent d’Auschwitz à Oederan les 13 septembre, 9 octobre et 30 octobre. D’après les documents de la Kommandantur de Flossenbürg concernant l’envoi des déportées à la DKK, 70 femmes environ furent contraintes de travailler à partir du 26 septembre 1944, en octobre 90 de plus, à partir de la moitié du mois encore 130 à 150 femmes. À partir de la mi-novembre de 220 à 240 femmes  travaillaient, puis à partir de décembre jusqu’à 490 (le nombre baissa d’environ 5% au cours du mois) (4).De plus toutes les déportées envoyées à Oederan ne furent pas employées au travail forcé, ce qui montre bien le mauvais état de santé de ces femmes. Ceci est prouvé par bon nombre de témoignages d’après lesquels beaucoup de femmes devaient d’abord être mises en quarantaine et ne pas travailler. Le nombre total de femmes à Oederan s’éleva à 500 ; le 9 octobre 1944, 200 femmes arrivèrent du camp de concentration d’Auschwitz à Oederan. Ces Juives polonaises avaient d’abord été enfermées dans le ghetto de Lodz ; la plupart d’entre elles étaient originaires de Lodz. Sur la totalité des 300 déportées juives qui arrivèrent d’Auschwitz les 13 septembre et 30 octobre, la moitié environ était originaire de Theresienstadt à Auschwitz. Un cinquième des femmes arrivait de Hongrie, il y avait aussi des Polonaises, des Néerlandaises, des Allemandes, ainsi qu’une Russe et une Slovaque dans ces convois (5). En outre, fin novembre, arriva une déportée allemande, présentée comme «asociale» en provenance de Neurohlau, employée sans doute au fonctionnement du camp. Le 6 janvier 1945, 27 femmes furent transférées de Oederan vers Hertine. D’après le témoignage de Sara Honigman, qui était détenue à Oederan, des déportées plus jeunes de Hertine furent échangées dans ce convoi contre des déportées un peu plus âgées de Oederan ;  à Hertine, les douilles des projectiles fabriquées à Oederan étaient remplies de munition et ce travail ne devait être réalisé que par des femmes de plus de 18 ans (6). Les enregistrements dans les livres de matricules confirment ce témoignage : Les femmes transférées de Hertine à Oederan étaient pour la plupart nées en 1927 et 1928, les femmes échangées étaient nées de 1907 à 1922.

D’après des témoignages, les femmes étaient logées dans un grand, bâtiment en pierre de deux ou trois étages, dans lequel des prisonniers de guerre italiens étaient auparavant installés. À droite du réfectoire, se trouvait la cuisine ; il y avait, à chaque étage, quelques dortoirs ; dans chacun, de 30 à 40 femmes environ dormaient sur des bat-flancs de plusieurs niveaux.

Le logement est unanimement décrit comme propre et surtout meilleur qu’à Auschwitz, la nourriture, en revanche, était vraiment insuffisante. Il y avait une sorte d’infirmerie ; quelques femmes parlent de deux femmes déportées médecins. Les lieux étaient bien sûr entourés ; quatre à cinq SS gardaient les déportées.

Les femmes devaient travailler à l’usine, située à environ 15 minutes, en deux équipes de 12 heures chacune ; par exemple il leur fallait percer des trous dans des balles ; elles travaillaient debout et devaient se battre fréquemment avec des machines défectueuses. L’un au moins des contremaîtres allemands est décrit comme un ignoble antisémite(7). Sur les huit à dix surveillantes, l’une arriva par un convoi parti d’Auschwitz pour Oederan. Celles dont on connaît les noms, dont Dora lange, arrivèrent le 10 septembre 1944 de Holleischen, où elles avaient vraisemblablement effectué le stage de formation obligatoire. Leurs lieux de naissance dans les environs de Oederan laissent penser qu’elles avaient travaillé avant dans l’entreprise textile Kabis (8). Plusieurs femmes font état de sévices de la part des gardiennes, alors que d’autres témoins parlent de surveillance humaine. La surveillante en chef fut suspendue pour des raisons inconnues et à partir de janvier 1945 une surveillante en chef du nom de Weniger est mentionnée. Dans les dernières listes connues des Kommandos de Flossenbürg du 13 avril 1945, apparaît le nom de Eggers. De façon exceptionnelle, les surveillantes en chef à Oederan occupaient les fonctions de chefs de Kommando.

Le personnel SS ne commit pas d’homicides volontaires à Oederan ; mais les registres matricules tout comme le registre des obsèques de la paroisse évangélique luthérienne mentionnent trois décès de déportées les 11 octobre 1944, 5 février et 10 mars 1945. Il n’y a pas d’autres décès inscrits à Oederan même, cependant plusieurs femmes ont témoigné qu’une déportée tchèque avait été conduite à Flossenbürg pour y être exécutée en raison de sa grossesse. Trois femmes enceintes furent transférées le 12 mars 1945 à Bergen-Belsen, où au moins l’une d’entre elles mourut (9). Dans les registres matricules figure le transfert d’une déportée hongroise, inscrite sous 2 matricules, vers Ravensbrück, le 17 novembre 1944. Quelques habitants de Oederan essayèrent de donner de la nourriture aux femmes.

Le Kommando de Oederan fut évacué le 14 avril 1945 (10). Les femmes furent transportées en train dans des wagons à bestiaux en direction de la Bohême mais errèrent environ une semaine dans la région d’Aussig sous le danger permanent des attaques aériennes, car, à cause des combats qui se rapprochaient, il n’y avait pas de voie possible pour accéder à un camp qui aurait pu les accueillir. Pour finir, on les transporta à Theresienstadt où elles furent libérées par l’Armée Rouge.

Une plaque commémorative fut apposée à l’usine textile ; celle-ci fut plus tard nationalisée et est aujourd’hui une fabrique privée de fil à coudre. Le complexe mortuaire pour les trois femmes décédées fut rénové par la ville de Oederan à l’occasion de la journée du souvenir de l’holocauste le 27 janvier 2005. Les investigations du bureau central du ministère public de Ludwigsburg furent suspendues en 1970 sans plus de résultat.

Anmerkungen

1     Schreiben der Erwin Kabis GmbH an die Sächsische Landesverwaltung/Justiz, 2.2.1946, in : StasdtA Oederan.

2     Abschrift eines irrtümlicherweise an das SS-Reichssicherheitshauptamt z. Hd. Herrn Standartenführer Maurer bzw. Herrn Hauptsturmführer Sommer gerichteten Schreibens der DKK GmbH, 24.6.1944, in : ebenda.

3     Abschrift eines Reiseberichts über den Besuch des KL. Flossenbürg am 8. und 9.8.1944, in : : BArch Berlin, NS 4/FL 393, Bd.2.

4     Monatliche Forderungsnachweise der Kommandantur Flossenbürg an die DKK Oederan für September bis Dezember 1944, in : ebenda. Tchécoslovaquie ; ces femmes avaient visiblement été déportées peu de temps auparavant

5     NARA, RG 338,290/13/22/3, 000-50-46, Box 537 (Mikrofilm-Kopie in : AGFI). Die beiden Transporte sind in den Nummerbüchern nicht einzeln aufgeschlüsselt, sondern unter dem Vermerk « v.Auschwitz 13.9.u 30.10. » aufgeführt.

6     Michael Düsing (Hrsg.), Wir waren zum Tode bestimmt. Lodz – Theresienstadt – Auschwitz – Freiberg – Oederan – Mauthausen, Leipzig 2002, S. 106.

7     Aussage Mina C., 9.2.1970, in : BArch Ludwigsburg, ZStL IV 410 AR 3215/66 (B).

8     übersendung von Passbildern bzw. Ausweisen durch die Kommandantur Flossenbürg nach Oederan am 5.10.1944 und 10.10.1944, in : BArch Berlin, NS 4/FL 10.

9     Schriftliche Mitteilung von Herbert Kolb, dem Bruder der verstorbenen Erna Neuberger, an die Gedenkstätte Flossenbürg.

10   Grete Salus, Ein Engel war nicht dort. Ein Leben wider den Schatten von Auschwitz, Leipzig 2005, S.89.

Literatur

Grete Salus, Ein Engel war nicht dort. Ein Leben wider den Schatten von Auschwitz, Leipzig 2005.

Michael Düsing (Hrsg), Wir waren zum Yode bestimmt. Lodz-Theresienstadt-Auschwitz- Freiberg- Oederan-Mauthausen, Leipzig 2002.

Ulrich Fritz

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.219, 220,221,222,223.

Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 22/12/2020.

Bulletin d'adhésion

Remplissez le bulletin d’adhésion à l’association des Déporté.e.s et Familles des Disparus du Camp de Concentratoin de Flossenbürg & Kommandos.

Télécharger le bulletin