L’usine de construction de pompes du groupe Junkers, usines d’aviation et de moteurs, qui avait été transférée dans une filature de coton abandonnée ainsi que dans d’autres locaux industriels, sous le faux nom de « Leng-Werke » de Magdeburg à Lengenfeld, une petite ville industrielle de l’ouest de la Saxe entre Plauen et Zwickau, produisait depuis l’automne 1943. Pour travailler arrivèrent d’abord des travailleurs du service obligatoire et des prisonniers de guerre des Pays – Bas, de France, d’Union Soviétique, de Pologne, d’Italie, de Grande Bretagne et des USA. De plus, des détenus de Zwickau aménagèrent des usines souterraines sur le versant gauche de la Göltzsch au-dessous du chemin de Walkmühlenweg. Un camp fut créé sur un terrain le long de Walkmühlenweg pour la main d’oeuvre. En 1944 la partie arrière du camp fut aménagée en camp de concentration avec 10 à 12 baraques. Le camp était ceint d’une clôture et entouré de miradors.

Le 9 octobre 1944, 800 détenus quittèrent le camp de Flossenbürg1 et arrivèrent à Lengenfeld le lendemain. Les détenus étaient majoritairement originaires de Pologne et d’Union Soviétique, mais parmi eux se trouvaient aussi des allemands, des français, des italiens, des tchèques, ainsi que quelques détenus de dix autres pays. La plupart d’entre eux étaient internés comme travailleurs civils du service obligatoire ou détenus politiques. Dans la liste du transport on remarque 100 ouvriers spécialisés, ainsi que des bouchers, jardiniers, un médecin et un vétérinaire, qui étaient importants pour l’infrastructure du camp2. Les détenus furent scindés en deux groupes et travaillaient en équipes de jour et de nuit douze heures par jour, très isolés des autres travailleurs dans la salle la plus basse de l’ancienne filature de coton. Là ils fabriquaient les pièces détachées de pompes à injection qui étaient ensuite posées dans des moteurs d’avions. Dans l’espace de travail des détenus, les fenêtres étaient murées jusqu’à mi-hauteur et grillagées, une grande grille en fer fermait l’entrée de la salle. Un nombre variable de détenus (entre 7 et 462) devait aussi travailler le dimanche. Jusqu’à la fin octobre, le nombre de détenus capables de travailler chuta de 797 à 774. En décembre 1944, jusqu’à 879 détenus furent amenés en renfort dans les «  Leng-Werken », après que 123 autres détenus furent transférés de Flossenbürg à Lengenfeld3. Ils étaient pour la plupart ouvriers métallurgistes spécialisés, mais il y avait aussi 84 juifs polonais, qui étaient arrivés à Flossenbürg avec un grand convoi, environ un mois plus tôt. Le dernier grand convoi à arriver à Lengenfeld fut celui du 27 mars 1945 avec 42 détenus en provenance du kommando extérieur Dr.Th.Horn situé à Plauen, qui venait d’être dissout.

Chaque jour, les détenus, en rangs par cinq, flanqués de SS et de chiens de garde, étaient conduits à l’usine. Lors des alertes, ils devaient continuer à travailler derrière les grilles fermées, tandis que les autres travailleurs étaient mis à l’abri dans les galeries souterraines. On ne sait pas avec certitude si on faisait appel aux détenus pour travailler dans les galeries. Bien que les installations n’y soient pas encore terminées, la production avait commencé. La firme Junkers produisit les machines jusqu’à la fin de la guerre4.

Dans le camp, les détenus étaient maltraités de multiples façons, beaucoup furent assassinés. D’après les déclarations concordantes des détenus, le chef du kommando du camp extérieur, SS Sturmscharführer Albert Roller, était le principal responsable de ces actes. Roller fut condamné à mort lors du procès de Flossenbürg en 1947 par un tribunal militaire américain et exécuté à Landsberg. Après la guerre, Johann Vican, Kapo à Lengenfeld, dut répondre du crime de coups et blessures ayant entrainé la mort et fut condamné à douze ans de prison. Fin janvier 1945 les gardes étaient au nombre de 49, fin mars, ils étaient 535.

17 tentatives d’évasion sont répertoriées. Deux prisonniers russes furent fusillés le 21 octobre, alors qu’ils fuyaient. Le 1er avril sept détenus polonais réussirent à s’évader.

Pendant toute l’existence du camp à Lengenfeld environ 1000 personnes furent utilisées au titre du travail obligatoire. Jusqu’à la fermeture du camp 246 détenus sont morts des conditions de détention6. 217 décès sont mentionnés dans les registres, un tiers d’entre eux pour le seul mois de février 1945 ; le dernier rapport date du 13 avril 1945. 189 morts furent enterrés à Reichenbach/Vogtland. Jusqu’au 21 mars 1945, date à laquelle il y eut un bombardement sur Reichenbach qui détruisit l’alimentation en gaz de la ville, 160 détenus étrangers et deux détenus allemands furent brûlés dans le four crématoire de Reichenbach, où ils furent enterrés7. 27 autres morts conduits à Reichenbach y furent également enterrés. Plus tard, le 23 juin 1945, eut lieu une cérémonie funèbre à la mémoire des 189 victimes. Sur la tombe maçonnée où se trouvaient les urnes il y avait une grande plaque en bois de 1mètre sur 0,75, écrite à la main. Plus tard on modifia la tombe et on plaça un bloc de pierre à son emplacement. En juillet 1985, lors de travaux, on retrouva la plaque en bois dans un garage de la communauté catholique de Sainte Marie ; elle fut remise au musée régional de Lengenfeld, où elle se trouve encore aujourd’hui.

Après le bombardement de Reichenbach en mars 1945, il y eut aussi des inhumations au cimetière de Lengenfeld, où 57 morts furent enterrés comme victimes inconnues. Il n’y eut pas de déclaration faite à la paroisse. Suite à l’épidémie de typhus dans le camp, aucun habitant de Lengenfeld ne voulut plus transporter les cadavres ; ils furent alors enfouis directement à côté du camp ou bien jetés dans le déversoir des étangs qui servaient à éteindre les incendies. A l’été 1945, on obligea d’anciens membres de la NSDAP à les exhumer et à les enterrer dans une fosse commune avec les détenus déjà inhumés au cimetière. Une colonne de pierre grise fut érigée sur la tombe en 1946.

L’évacuation du camp commença le 13 avril 1945. Les marches de la mort des 744 détenus les conduisirent par Rodewisch, Schönheide, et Eibenstock à Johanngeorgenstadt, où les détenus d’autres camps extérieurs évacués (Zwickau ou Johanngeorgenstadt) parmi lesquelles des femmes venant de Plauen les rejoignirent. En passant par Neurohlau, les prisonniers marchèrent vers Karlsbad, où environ 180 détenus malades furent laissés. Le reste des détenus de Lengenfeld marcha sur Marienbad et Pistov. Presque tout au long du parcours il y avait des morts. Ceux qui ne pouvaient plus marcher étaient tués par les SS ; d’autres mouraient d’épuisement, de froid ou périssaient lors d’attaques à basse altitude. D’après le récit d’un détenu qui servait de traducteur, 14 détenus malades, surtout des Polonais, furent abattus à Karlsbad, pour n’avoir pas pu obéir à l’ordre de continuer à marcher8. Cependant beaucoup de détenus réussirent à fuir. Il est difficile de dire combien de victimes parmi les détenus de Lengenfeld ces marches ont causé ; ce qui est certain c’est que plus de 200 prisonniers ne survécurent pas. A Tachau les gardiens orientèrent l’horrible marche vers l’est, car le camp de Flossenbürg était déjà libéré. Elle prit fin le 26 avril, non loin de Bor, à environ 50 km du camp principal de Flossenbürg. Là les gardiens disparurent, la marche se disloqua.

Le 7 mai 1965, à l’emplacement de l’ancienne blanchisserie, un lieu commémoratif fut inauguré à la mémoire des victimes du camp mais aussi des prisonniers de guerre et des travailleurs du service de travail obligatoire qui périrent ici. On peut encore voir tout autour les emplacements des baraques.

Le bâtiment de production des «  Leng-Werke » est aujourd’hui le siège d’un organisme de formation pour adultes. Il y eut des enquêtes judiciaires menées par le parquet de Hambourg concernant le maître d’école le plus âgé du camp ; après sa mort en décembre 1975 elles furent confiées au parquet de Francfort sur le Main. Les enquêtes qui y furent menées contre le chef du kommando de Johanngeorgenstadt et le responsable des marches de la mort, Kolacevic, furent également suspendues.

1 NARA, RG 338, 290/13/22/3, 000-50-46, Box 537 (Mikrofilm-Kopie in : AGFI).

2 800 Überstellungen nach dem Aussenkommando Lengenfeld i.Vogtland, 9.10.1944, in : CEGESOMA, Mikrofilm 14368.

3 Forderungsnachweise der Kommandantur Flossenbürg an die Lengwerke AG Lengenfeld für Oktober und Dezember 1944, in : Barch Berlin, NS 4/FL.393, Bd.2.

4 Untersuchung ehemaliger LS-Verlagerungsstollen, Notiz der Bergamts Zwickau, 7.12.1945, in : Bergarchiv Freiberg, Bl.222.

5 Stärkemeldung der Wachmannschaften und Häftlinge der Arbeitslager im Dienstbereich des HSSPF des SS-Oberabschnitts ELBE nach dem Stand vom 31.1.1945 und31.3.1945, in : IST Arolsen, Historisches Archiv, Flossenbürg-Sammelakt 10, Bl.70 und 86.

6 Hans Brenner, Der Arbeitseinsatz der KZ-Häftlinge in den Aussenlagern des Konzentrationslager Flossenbürg- ein Überblick, in : Ulrich Herbert/Karin Orth/Christoph Dieckmann (Hrsg.), Die national socialistischen Konzentrationslager : Entwicklung und Struktur. Bd.2, Göttingen 1998, S.691.

7 Werner Nitzschke, Beiträge zur Geschichte des Konzentrationslager Flossenbürg-Aussenstelle Lengenfeld, in : Reichenbacher Kalender 1988, S.38.

8 Aussage Bernhard G., 23.10.1967, in : Barch. Ludwigsburg, ZstL IV 410 F AR-Z 57/75.

Literatur

Werner Nitzschke, Beiträge zur Geschichte des Konzentrationslager Flossenbürg-Aussenstelle Lengenfeld, in : Reichenbacher Kalender 1988.

Der Weg ins Ungewisse-Zur Geschichte des Lengenfelder Todesmarsches April 1945, hrsg. Vom Bezirkskomitee Karl-Marx -Stadt des Antifaschistischen Widerstandkämpfer der DDR, 1989

Steven Simmon/Ulrich Fritz

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.98

Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 21 octobre 2012.

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