A l’origine, Rabstein situé dans les Sudètes près de Böhmisch-Kamnitz (Ceska Kamenice), ne comprenait que trois filatures de la firme Franz Preidl, localisées dans une étroite vallée rocheuse. Le 1er octobre 1942, ces usines furent montrées à la firme de Brême SARL Weser Constructions d’avions. Cette entreprise déplaça son unité de finition de pièces d’avion vers Rabstein, et jusqu’à la fin de la guerre auraient réalisés l’assemblage d’hélicoptères. Dans le cadre de son programme d’avions de chasse, l’état-major décida d’ériger à Rabstein une gigantesque unité de production souterraine, sous le nom de code de « Zechstein » (Pierre de mine ou pierre dure). Pour mener à bien ce projet de construction, des centaines de travailleurs forcés et de prisonniers de guerre furent transférés là pour le compte de plusieurs firmes de construction, dans le cadre de l’organisation Todt.

A l’été 1944, sont arrivés aussi ici les premiers déportés, comme force de démarrage. La création d’un camp de concentration à Rabstein, fut selon toute vraisemblance, ordonnée directement par l’état-major de l’aviation, et le camp fut installé comme kommando extérieur de Flossenbürg. Le camp a été, entre juin et août 1944, érigé à proximité immédiate des baraques qui existaient déjà pour les travailleurs civils -ou plutôt travailleurs forcés-, et il se composait de trois baraques de logement (pour environ 480 détenus), d’une cuisine et d’une baraque pour les malades. L’emplacement fut entouré de double fil de fer barbelé électrifié, et surveillé par trois miradors. En dehors de la surface clôturée, il y avait une baraque de logement pour les SS, et une salle de garde.

Le capitaine SS Oskar Jung a été nommé comme commandant du camp. Il a été fusillé en 1945 à Böhmisch-Kamnitz. Son adjoint était le sergent SS Richard Artur Junge, qui est mort au camp de prisonniers de Bad Mergentheim. L’équipe de surveillance se composait de 67 SS. Une grande part d’entre eux n’étaient pas de nationalité allemande, mais, semble-t-il, pour un tiers du kommando de surveillance, des Roumains, des Ukrainiens, des Croates, des Lituaniens et autres nationalités.

Le 28 août 1944, avant la construction du camp par des travailleurs forcés, est arrivé un premier transport de 400 hommes en provenance du camp de Dachau, suivi jusqu’au 3 septembre 1944 de 250 autres détenus. Jusqu’à la fin de la guerre, d’autres arrivées ont suivi, de personnes isolées, ou de petits groupes entre Rabstein et Flossenbürg, mais n’ayant qu’une faible incidence sur le nombre des détenus variant entre 630 et 690. Par la suite, les plus importants transports en provenance de Flossenbürg, l’ont été pour remplacer des détenus morts ou mourants.

Les détenus les plus nombreux étaient des « politiques », qui, numériquement, constituaient le deuxième plus grand groupe de « criminels professionnels ». Par la suite, il y eut à Rabstein un petit groupe d’homosexuels, et de prisonniers de guerre soviétiques. A la date du 28 février 1945, on pouvait dénombrer : 173 Allemands, 10 Belges, 54 Français, 10 Italiens, 1 Juif, 65 Yougoslaves, 4 Croates, 1 Lituanien, 71 Polonais, 193 Russes, 1 Suisse, 32 Tchèques, 16 Hollandais, 3 Apatrides, soit en tout 634 détenus pour Rabstein. Cet effectif resta à peu près constant.

Chez les détenus Allemands, il y avait pour une grande part des « criminels », qui dans l’organisation du camp étaient établis « kapos », et jouissaient d’une confiance particulière de la part de l’équipe de garde SS. C’est ainsi qu’ils étaient envoyés faire des achats dans la ville voisine de Böhmisch-Kamnitz. Les détenus étaient, chaque jour, répartis en kommandos, suivant les besoins des différentes firmes qui participaient à la construction de l’usine d’aviation. La plupart des détenus travaillaient en équipes de 12 heures par jour à la construction de galeries de mines, de canalisations enterrées, de chargements de matériels pour construire un petit chemin de fer de chantier. Une petite partie des détenus travaillait directement à la production d’avions.

Le ravitaillement était en dégoûtante contradiction avec les exigences. Les détenus avaient, tôt le matin, du café noir, à midi et le soir une gamelle d’une légère soupe de navets, et 300 grammes de pain. Une fois par semaine, il y avait un petit morceau de saucisson. Pendant un temps limité, il y eut un supplément de nourriture pour ceux qui avaient un travail dur en galerie. L’habillement était lui aussi insuffisant. Les détenus n’avaient qu’un sous-vêtement léger, et une tenue rayée de camp de concentration, qu’ils ne pouvaient jamais laver car il n’y avait pas de laverie dans le camp. A cause des durs travaux, beaucoup de détenus avaient des vêtements et des galoches hors d’usage, à tel point que beaucoup, pendant l’hiver 1944-1945, allaient travailler partiellement vêtus de sacs de ciment.

Le commandant remplaçant Junge était particulièrement brutal. Par exemple, on peut mettre à son compte la mort du paysan tchèque Josef Tichy, qui s’était endormi d’épuisement sur son lieu de travail, n’était pas paru à l’appel, ce pourquoi il fut battu à mort. Il y eut aussi quelques fusillades pour tentatives d’évasion. Plusieurs mises à mort, et on peut en fournir la preuve, sont à mettre au compte des détenus employés (kapos), qui par cupidité ou sadisme, ont battu à mort leurs camarades détenus.
56 cadavres venant du kommando de Rabstein furent incinérés au crématorium d’Aussig-Schreckenstein. Le nombre total des victimes est estimé de 80 à 100.

Début février 1945, une épidémie de typhus fit 40 victimes dans le camp. Le médecin affecté au camp, le Docteur Vater, de Böhmisch-Kamnitz, prit, malgré les protestations du commandant Jung, des mesures de quarantaine. Neuf parmi les malades les plus graves, furent transférés à l’hôpital de Tetschen (Decin). Trois sont morts, quatre se sont enfuis de l’hôpital. Pendant l’épidémie, la situation était déjà si critique que la direction du camp somma les parents des détenus d’envoyer des médicaments. On accepta aussi les colis de nourriture et de vêtements. Tout au début de l’épidémie, la direction des travaux décida d’améliorer les conditions d’hygiène qui étaient catastrophiques, et de construire une station d’épouillage.

Comme les lieux de travail se trouvaient souvent loin du camp et dans des terrains à l’écart, quelques détenus réussirent à s’enfuir. Par les relations de travail permanentes entre les travailleurs forcés et quelques contremaîtres allemands bien disposés, des lettres ont pu sortir du camp en fraude. A l’occasion, des détenus ont aussi obtenu du ravitaillement par d’autres travailleurs.

L’atelier d’aviation de Rabstein a fonctionné à plein jusqu’au soir du 7 mai 1945. Le 8 mai au matin, un jour avant l’arrivée de l’armée polonaise, l’évacuation du camp a été ordonnée. Les détenus devaient se rendre aux Américains. Ne sont plus restés au camp, que quelques malades graves, les autres, sous la surveillance des SS et de kapos armés, se mettant en marche en direction de Wernstadt (Vernerice), où ils passèrent la nuit dans une grange. Le lendemain, les gardes s’étaient enfuis, et les détenus sont partis, en petits groupes, dans toutes les directions.

Après la fin de la guerre, le camp a été pris en charge par les militaires tchèques, et à partir de juillet 1945, il a continué à fonctionner comme camp d’internement. D’abord pour incarcérer des SS et des membres du parti nazi en attente de jugement, puis pour des civils allemands des environs. Le camp a servi plus tard pour le regroupement de la population allemande établie de force dans les Sudètes ; il a été fermé en 1946, puis désaffecté. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a plus sur l’emplacement du camp, que des ruines, et un petit monument aux victimes du temps de guerre. Il y a eu un petit musée dans les restes de l’ancienne salle de garde. Ce musée, après les changements de 1990, a été saccagé et jamais remis en état. Depuis 2002, il y a un petit musée privé dans une des galeries de fabrication d’avions. Les recherches faites en 1976 par les services du Département de Justice à Ludwigsburg, sont restées vaines.

Annotations

1- Überstellungsliste von Dachau nach Rabstein, in ITS.

2- Statni okresniarchiv Decin, Archivbestand Nachlass Jan Marek; Archiv Pamatniku Terezin, i.c A 44/86, A 295/83, A 2087, A 3710, A 2899, A 2900 a A 3710.

3- Miroslav Grisa, Hroby valecnych zajatcu a veznu koncentracnich taboru z let 1942-1945 na uzemi mesta Usti n.L., in Ustecky sbornik historicky, Usti nad Labem 1985, S.537.

4- Statni oblastni archiv Litomerice, Archivbestand Amt des Regierungspräsidenten, Usti nad Labem.

5- Statni okresni archiv Decin, Archivbestand Nachlass Jan Marek; Archiv Pamatniku Terezin, i.c. A44/86, A 295/83, A 2087, A 3710, A 2899, A 2900 a A 3710.

6- Barch Ludwigsburg, ZStL IV 410 AR-Z 217/76.

Bibliographie

Petr Joza, Rabstejnske udoli. Historie prumyslove vyroby a koncentracnich taboru v Rabstejne u Ceske Kamenice, Decin 2002

Jörg Skribeleit, Die Aussenlager des KZ Flossenbürg in Böhmen, in: Dachauer Hefte 15 (1999), S.196-217

Petr Joza Traduction (du Tchèque en Allemand): Max Mannheimer

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.237

Traduit de l’allemand par Jacques Péquériau le 2012

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