Un des plus grands kommandos extérieurs sur le territoire de l’actuelle République Tchèque se trouve à environ 25 km au sud-ouest de Pilsen (Plzen), sur le site de Bohême occidentale d’Holleischen (Holysov), près de la frontière germano-tchèque. Dans l’usine 2 de la firme Metallwerke Holleischen GmbH, environ 600 femmes de ce kommando extérieur dépendant de Flossenbürg, ont du travailler de force, d’avril 1944 jusqu’à la fin de la guerre. Parallèlement, environ 200 détenus du camp des hommes furent affectés à la construction d’un stand de tir. A ce moment, dans les derniers mois de la guerre, quand Holleischen servit de camp de repli pour d’autres kommandos extérieurs déjà évacués, le nombre de femmes détenues atteint un chiffre supérieur à 1000.
A Holleischen, ces deux kommandos extérieurs de Flossenbürg faisaient partie d’un grand complexe de fabrication d’armement. L’entreprise berlinoise « Waffen und Munitionsfabriken SA » reprit, peu après l’annexion des Sudètes au Reich en octobre 1938, les emplacements d’une verrerie abandonnée à Holleischen, et y construisit une usine de munitions (Usine n°1) pour l’aviation. A ce qui était connu en 1941 comme l’usine d’armement « Metallwerke Holleischen Gmbh », s’ajouta un nouveau bâtiment (Usine n°2), construit dans un morceau de forêt à l’écart de la bourgade, et un casernement pour les ouvriers et employés allemands, qui au plus fort de sa capacité a du accueillir environ 1000 locataires. Pour la construction du casernement dès 1941, un camp de travail fut construit surtout pour environ pour 700 Tchèques qui étaient au travail forcé dans la fabrique de munitions. Le 31 juin 1941, les 360 premiers prisonniers de guerre Français furent transférés du stalag XIII B de Weiden à Holleischen. Suivirent des prisonniers de guerre Russes, mis dans un camp spécial pour le travail forcé dans l’industrie de l’armement. Le nombre total de travailleurs dans les deux usines sera estimé jusqu’à la fin de la guerre à environ 80001.
Dans les documents probants sauvegardés émanant de la Kommandantur du camp de Flossenbürg concernant la « Metallwerke Holleischen GmbH », le kommando d’Holleischen apparaît pour la 1ère fois le 15 avril 1944 avec un nombre de 195 femmes détenues. Le camp des hommes sera mentionné pour la 1ère fois le 11 août 1944, avec un effectif de 200 détenus dans une relation de voyage du plus haut chef de la SS et de la police pour la Bohême et la Moravie, le Général de corps d’armée SS, Karl Hermann Frank, dans le cadre d’une visite des kommandos extérieurs implantés dans le territoire des Sudètes.
Le kommando de femmes d’Holleischen appartenait initialement au camp de concentration de Ravensbrück, d’où les premières femmes ont été transférées en avril 1944. Bien que le kommando ait à l’origine été rattaché à Flossenbürg, il sera encore administré par le camp de Ravensbrück jusqu’au 31 août 1944.
Les femmes détenues ont été casernées dans les bâtiments opérationnels d’une ferme située entre les usines 1 et 2, à la lisière de la commune. Ce casernement disposait de son propre hôpital. Les granges, greniers à foin, écuries de la ferme furent aménagés pour le logement des détenues, et toutes les fenêtres , le portail d’entrée et les toits ont été clôturés de barbelé électrifié2.
Jusqu’en août 1944, le nombre de femmes à Holleischen a atteint le chiffre de 600, et est resté relativement constant jusqu’au début de 1945. La majorité du groupe des détenues est composée de 50% de Françaises, suivie à chaque fois d’1/4 de Polonaises et de Russes3. Les autres nationalités et les détenues Juives étaient à Holleischen à peine emprisonnées. Cela a changé le 6 mars 1945 avec l’arrivée par fer de 143 Juives Hongroises en provenance du kommando extérieur des usines « Siemens-Schukert » situé à Nüremberg. Le nombre total des détenues s’élève alors à 836. Le 9 mars 1945 arrivent à Holleischen 259 détenues en provenance des kommandos dissous de Nüremberg.
Le chef du kommando d’Holleischen est le capitaine SS Emil Fügner. En août 1944, le camp d’Holleischen est surveillé par 64 membres de la Luftwaffe (Armée de l’Air), et 27 femmes gardiennes4. Les gardiennes sont originaires en majorité des territoires allemands de Bohême, et ont été préalablement, sauf une, formées à Ravensbrück. Le 25 octobre 1944 sont encore arrivées à Holleischen 5 gardiennes venant de Ravensbrück ; début 1945, 48 femmes sont au service des SS à Holleischen. Depuis au plus tard octobre 1944, Holleischen a servi de centre de formation pour le personnel féminin de surveillance des kommandos dépendant de Flossenbürg ; par ailleurs les représentants d’entreprises des kommandos opérationnels pouvaient se former à la surveillance, la rétribution et l’approvisionnement5. Les entreprises devaient assez souvent se décharger de leur propre personnel féminin de surveillance auprès des SS. Ce personnel féminin était formé lors de stages de plusieurs semaines à Holleischen, puis pris en charge comme adhérents des SS, entretenus et habillés. Une partie des surveillantes a pu lors des procès devant les tribunaux populaires d’exception qui se sont tenus dans la Tchécoslovaquie d’après-guerre, prouvé qu’elles avaient été contraintes au service. Ces procès se sont terminés par des peines d’emprisonnement de 1 à 10 ans. La surveillante SS Anni Graf a été condamnée pour crime contre l’humanité le 3 août 1948 devant le tribunal militaire français à Rastatt, à 15 ans d’emprisonnement6.
A Holleischen, les détenues devaient travailler tous les matins à l’usine n°2, en équipes de 12 heures. Vers la fin de la guerre, les détenues ont du aussi travailler à la construction d’aménagements de fortifications, comme par exemple des fossés anti-chars. La nourriture consistait le matin en ½ litre de café noir et 200 grammes de pain, à midi de la soupe, et le soir à nouveau du café noir et un morceau de pain.
A cause de soi-disant sabotages, 3 Françaises, Noémie Suchet, Hélène Lignier et Simone Michel-Lévy ont été condamnées à recevoir 25 coups de bâton, et par la suite renvoyées au camp principal de Flossenbürg où, peu de temps avant l’évacuation, elles ont été exécutées le 13 avril 19457. Dans le cimetière du bourg d’Holleischen sont enterrées 11 détenues mortes au kommando. Le 13 septembre 1944, 3 détenues polonaises, Stanislawa Swiergola, Anna Fabicki et Irène Cholewa se sont enfuies d’Holleischen. On ne sait rien de leur destinée8.
Le camp des hommes d’Holleischen sur lequel on sait très peu de choses, est considéré par le centre de recherches d’Arolsen comme ayant existé jusqu’au 31 janvier 1945. La dernière preuve sur le camp des femmes est une liste d’effectifs de travailleuses pour Holleischen qui recense 1091 détenues9. Dans les dernières semaines avant la fin de la guerre, les détenues purent à peine être forcées au travail, car l’usine ne pouvait plus être fournie en matières premières, en raison de la destruction des voies ferrées.
Le camp d’Holleischen a été libéré le 3 mai 1945 par des partisans, et 2 jours plus tard, pris en charge par les troupes américaines. Jusqu’à leur rapatriement dans leur pays d’origine, les détenues sont restées encore environ 5 semaines à Holleischen.
Les usines ont été après la guerre utilisées pour la fabrication de véhicules, l’hébergement de détenues, et à nouveau comme exploitation agricole. Une stèle sur le mur d’enceinte marque le souvenir du kommando. Les avocats fédéraux de Francfort sur le Main ont, en 1968, intenté un procès à l’ancien patron de la « Metallwerke Holleischen », Walter Schlempp. Les enquêtes préliminaires de l’Office central de l’administration judiciaire du Land à Ludwigsburg ont été diligentées par le parquet de Baden-Baden. La procèdure s’est arrêtée en 1976.
1 Vojtech Llastovka/Vaclav Nemec/Rudolf Stransky, Hrdinove protifasistickickeho odboje,Plzen 1985, S.161 ff.
2 Ruzena Bubenickova/Ludmilla Kubatova/Irena Mala, Tabory utrpeni a smrti, Praha 1969, S.109. Aussage Martha P., 17.5.1969, in : Barch Ludwigsburg, ZStL IV AR-Z 175/75.
3 Kommandantur des KZ Flossenbürg an den Höheren SS-und Polizeiführer SS-Obergruppenführer und Staatsminister Frank vom 5.3.1945, in Narodni archiv (NA), Prag, Nemecke statni ministerstvo pro Cechy a Moravu, 110-4-88.
4 Ebenda, NSM-AMV, 110-9-12.
5 HstA Dresden, 11722 (Zeiss-Ikon AG), Nr.319.
6 BArch Ludwigsburg, ZStL IV AR-Z 175/75.
7 Vernehmungsprotokoll mit BF., 3.8.1948, vor dem Militärgericht der französischen Zone Deutchlands in Rastatt in dem Verfahren gegen Anni Graf, in: ebenda, AR Z-39/59, S.351f.
8 NARA, RG338, 290/13/22/3, 000-50-46, Box 537.
9 BArch Ludwigsburg, ZStL IV AR-Z175/75
Literatur
Vojtech Llastovka/Vaclav Nemec/Rudolf Stransky, Hrdinove protifasistickickeho odboje,Plzen 1985, S.161 ff
Jörg Skriebeleit, die Aussenlager des KZ Flossenbürg in Böhmen, in: Dachauer Hefte 15 (1999), S.196-217
Alfons Adam
Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.151
Traduit de l’allemand par Jacques Péquériau le 27 septembre 2012.
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