Au milieu de l’année 1944, a été fondé à Helmbrechts, petite ville des environs de Hof, ville de Haute Franconie, un kommando du camp de concentration de Ravensbrück. Le 19 juillet 1944 arrivent de Ravensbrück, 179 femmes détenues et quelques surveillantes. Les surveillants hommes viennent du camp de concentration de Flossenbürg. Le chef du kommando est le sergent SS Alois Dörr. Les détenues et le personnel de surveillance ont d’abord été affectés aux ateliers d’Helmbrechts d’une entreprise de travail forcé des filatures Witt (de Weiden). C’est là que l’entreprise d’armement de Nüremberg, la câblerie Neumeyer a installé sa production. Neumeyer fournissait toutes sortes de câbles, du câble pour l’aéronautique, mais aussi des munitions. L’entreprise a demandé en juin 1944 au camp de Flossenbürg la participation de détenus1. Comme les autres kommandos de femmes (Graslitz, Holleischen, Zwodau, Neurohlau), le kommando d’Helmbrechts a été rattaché à partir du 1er septembre 1944 au camp principal de Flossenbürg2. Helmbrechts devenait ainsi l’un des 25 kommandos de femmes du camp de Flossenbürg. En août 1944, l’essentiel du camp est prêt à être occupé sur le côté sud-ouest de la rue Kulmbacher ; il se compose de 11 baraques en bois, dont 4 sont entourées de fil de fer barbelé. Au début 3 baraques en bois sont occupées par les détenues, une plus éloignée sert d’infirmerie dans laquelle des détenues non formées pour cela servent d’infirmières, et une femme médecin russe qui fait partie des détenues, dispensent une sorte de soins de fortune. Entre les baraques des détenues et l’infirmerie se trouve la place d’appel.
Jusqu’au 19 avril 1945 arrivent à Helmbrechts, en 4 transports, environ 500 femmes détenues, non juives, en provenance de Ravensbrück, qui pendant leurs 3 jours de transport, n’auront rien à manger. Un grand nombre d’entre elles sont déjà tombées malades pendant le transport. Pour ces détenues, qui pour la totalité sont originaires de Pologne, d’Union Soviétique et des protectorats de Bohême et Moravie, les conditions d’existence étaient d’extrêmes à catastrophiques. Le manque de nourriture, les mauvaises conditions d’hygiène, le travail en vacations de 12 heures avec une seule pause, les coups et les humiliations au travail étaient le lot quotidien du kommando d’Helmbrechts et du travail forcé à la firme Neumeyer Kabel Metall. La direction de l’usine a protesté contre les mauvais traitements faits aux détenues, car elle voulait que les objectifs de production fixés soient atteints.
Pourtant ceci ne changea rien à la terreur qui régnait dans le camp du fait des surveillantes et du chef du kommando Dörr. Deux détenues qui s’étaient évadées de la zone de travail, ont été reprises après un jour, et pendues au camp de Flossenbürg. Jusqu’à ce qu’elles soient reprises, toutes les détenues durent rester sans nourriture sur la place d’appel3. Cela s’est répété une autre fois, lors d’une tentative d’évasion le 25 février 1945, dans laquelle la femme médecin russe était impliquée. Après que 2 des 3 évadées aient été reprises, elles furent battues sous les yeux de toutes leurs camarades détenues jusqu’à ce qu’elles soient laissées pour mortes sur la place d’appel. La femme médecin mourut dans la nuit. La scène a été vue par des voisins extérieurs au camp. Par ailleurs, jusqu’en mars 1945 de 10 à 20 détenues non juives sont mortes à Helmbrechts.
Le 6 mars 1945, les conditions de vie du komando d’Helmbrechts s’aggravent lorsque 621 femmes et jeunes filles juives arrivent à Helmbrechts en provenance du kommando de Grünberg dépendant du camp de concentration de Gross-Rosen. Parties fin janvier pour Helmbrechts, elles durent faire la distance à pied. Les Juives Hongroises furent, après leur déportation à Auschwitz, transférées à pied au kommando extérieur de Schlesiersee, durent creuser des fossés antichars, continuer à pied jusqu’au kommando de Grünberg, n’y rester qu’une nuit, et arriver finalement à Helmbrechts, complètement épuisées, affamées, et dans une situation de santé critique. Au départ, la colonne comprenait environ 1000 femmes et jeunes filles qui devinrent 1300 avec les détenues de Grünberg. Les 200 incapables de marcher, furent transportées par les SS au kommando de Zwodau. De celles qui restaient, seulement 621 parvinrent à Helmbrechts, les autres étant tombées en cours de route, assommées ou fusillées4.
A Helmbrechts, la direction du camp mit les détenues juives dans les 2 baraques du fond. Il n’y avait pas de couchage, seulement un peu de paille sur le sol. Les détenues gravement malades ont été mises dans une moitié de baraque avec des lits superposés, pratiquement sans aucun soin médical, si bien que les SS appelaient cette zone « l’infirmerie des Juives ». Les médicaments et les vêtements neufs disponibles n’étaient jamais donnés aux Juives, ni les baraques vides, malgré la promiscuité catastrophique. Les Juives recevaient la « soupe des Juives », nourriture particulièrement mauvaise ; elles n’étaient jamais affectées à l’usine d’armement Neumeyer, et restaient enfermées au camp. Jusqu’à l’évacuation du camp d’Helmbrechts le 13 avril 1945, 40 à 50 Juives sont mortes en un petit mois de présence à Helmbrechts, soit un taux de mortalité complètement différent de celui des non Juives.
Les conditions meurtrières d’existence, d’abord et en premier lieu pour les femmes et les jeunes filles Juives ont continué lors de la marche de la Mort le long de la frontière entre le Reich et le protectorat de Bohême-Moravie. Les détenues non juives touchèrent avant cette marche de nouveaux vêtements, de nouvelles chaussures et aussi quelques subsistances, augmentant ainsi leurs chances de survie. Les Juives ont été exclues de ces avantages, ont du marcher en fin de colonne, et ont dépéri en un temps très court. Du kommando de Zwodau, destination prévue, les détenues durent continuer à marcher en direction du Sud, marche au cours de laquelle s’ajoutèrent les Juives du camp de Zwodau, les détenues non juives étant renvoyées au camp. Il y a maintenant dans la colonne environ 700 Juives, 20 non Juives, et des gardiens. Dans la marche de la Mort jusqu’à sa dernière halte à Prachatitz, au moins 129 femmes sont mortes d’épuisement, de maladie et de froid, au moins 49 ont été tuées par les gardiens. A Wallern/Volary, avant-dernière halte de la marche de la Mort, sont restées environ 100 femmes malades ou incapables de marcher, dont 20 sont mortes avant la libération par les Américains. Le traitement des détenues Juives à Helmbrechts, le fait que la marche de la Mort n’ait été commandée par personne, a conduit Daniel Jonah Goldhagen à soutenir comme thèse « l’antisémitisme d’élimination » des Allemands, dans son livre « Hitler exécuteur volontaire », ce qui a aussi été soutenu dans les actes d’enquête du ministère public de Hof5.
Jusqu’en 1947, les autorités de justice américaines ont enquêté sur ce qui s’est passé à Helmbrechts, sans toutefois intenter d’action en justice. En 1969, le tribunal de Hof a condamné le chef du camp Alois Dörr à la prison à perpétuité.
L’emplacement du camp a été reconstruit après la guerre ; à l’emplacement des nombreuses sépultures, il y a aujourd’hui des stèles commémoratives. A Schwartzenbach-an-der-Saale, 1ère halte de la marche de la Mort après le départ à pied d’Helmbrechts, le centre de Mémoire « Langer Gang » a été érigé.
1 Klaus Rauh, Helmbrechts-Aussenlager des KZ Flossenbürg 1944-1945, in :Miscellanea curiensa. Beiträge zur Geschichte und Kultur Nordoberfrankens und angrezender Regionen. Bd. IV, Hof 2003, S.117-149, hier: S.117
2 Ino Arndt, Das Frauenkonzentrationslager Ravensbrück, in : studien zur Geschichte der Konzentrationlager, Stuttgart 1970, S.117f.
3 Rauh, Helmbrechts, S.121.
4 Ebenda, S.128f.
5 Vgl. Daniel Jonah Goldhagen : Hitlers willige Vollstrecker. Ganz gewöhnliche Deutsche und der Holocaust, Berlin 1996, S.388-416.
Literatur
Klaus Rauh, Helmbrechts-Aussenlager des KZ Flossenbürg 1944-1945, in :Miscellanea curiensa. Beiträge zur Geschichte und Kultur Nordoberfrankens und angrezender Regionen. Bd. IV, Hof 2003, S.117-149
Alexander Schmidt
Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.140
Traduit de l’allemand par Jacques Péquériau le 18 octobre 2012.
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