Tout comme les camps extérieurs à Flossenbürg de Kirchham et Platting, le camp extérieur de Ganacker fut construit très tard ; sa courte existence se caractérisa par une organisation chaotique et un manque de soins total des déportés, ce qui se traduisait par un fort taux de mortalité. On trouve cette petite localité près de Landau sur l’Isar dans l’actuel district de Landau-Dingolfing dans les documents de la Kommandantur de Flossenbürg sous diverses orthographes (Gannacker, Tannacker, Tamacker).


Le 20 février 1945, un convoi quitta Flossenbürg avec 1000 déportés ; 500 déportés furent laissés dans le camp extérieur de Platting, 500 à Ganacker. Parmi ceux transférés à Ganacker, 300 étaient juifs, dont plus de 180 Polonais, plus de 40 Hongrois et environ 20 Français et 20 Grecs. Parmi les déportés non juifs, le groupe le plus important était constitué de plus de 40 Russes, d’une vingtaine de Polonais, d’une vingtaine de Français, d’une vingtaine de Belges, d’une vingtaine de Tchèques, et d’une vingtaine d’Allemands. Ce sont des déportés de 17 nations qui vinrent à Ganacker. Ce n’est que début février que 370 déportés furent transférés du camp de concentration de Gross-Rosen à Flossenbürg en passant par Sachsenhausen.1 Des convois plus tardifs vers Ganacker, comme celui en provenance de Leonberg, dépendant du camp de concentration de Natzweiler, où des centaines de déportés avaient été transférés venant de Flossenbürg à la mi-mars, ne furent plus enregistrés, aussi peu que les prisonniers qui arrivèrent à Ganacker par marches forcées de Buchenwald par Flossenbürg peu avant la dissolution du camp extérieur.2 Avec les déportés arrivèrent aussi à Ganacker 50 Gardes SS sous la direction du chef de kommando SS-Oberscharführer Ponath.3

Le camp était situé entre les localités de Ganacker et Wallersdorf, toutefois les déportés étaient hébergés dans plusieurs endroits, aujourd’hui impossibles à reconstruire. Les déportés, d’après une enquête auprès de la population de Wallersdorf, ont dû être logés d’abord sur la base aérienne de Ganacker dans un hangar à charbon aux fenêtres condamnées. Un vigile SS parle de l’hébergement dans un hangar d’aviation, un ancien déporté fait, lui, mention d’une bergerie.4 D’après une lettre de la commune de Wallersdorf l’ensemble des déportés fut déplacé dans un camp situé au lieu-dit «  Pfarrholz » sur la ligne de chemin de fer Wallersdorf- Landau/ Isar, et plus précisément dans des tentes finnoises dressées au hasard dans une parcelle boisée.5 D’après les dires d’un vigile SS, les déportés durent creuser des tunnels de la mi-mars à la fin mars pour les hébergements primitifs, puis on y mit des constructions préfabriquées en bois. A gauche et à droite du tunnel on mit des planches en guise de lits pour les déportés. Ces tentes pour deux qui, d’après une habitante, ressemblaient à de grandes niches pour chiens se chargeaient d’eau par forte pluie, si bien que les déportés devaient travailler avec des vêtements détrempés. Plus tard on installa les tentes en rangées et on entoura le camp d’une clôture en barbelé de 200 à 250 mètres de longueur et de 100 mètres de large. Un ruisseau, dans lequel les déportés se lavaient, traversait le camp ; dans des bâtiments en dur il y avait la cuisine, l’administration du camp, le logement des SS et un atelier de couture.6 

En raison du total épuisement des déportés et de l’isolement dû à l’hébergement en petites tentes, les contacts étaient très réduits. On avait installé une « infirmerie » dans un tunnel dégagé à cet effet, où travaillaient comme infirmiers un Tchèque, un Allemand et un Belge. En raison des mauvaises conditions d’hygiène et de l’état catastrophique, il ne restait pas grand-chose à faire aux infirmiers sinon de remplir les actes de décès, qui la plupart du temps mentionnaient une insuffisance cardiaque.7
Les déportés furent utilisés pour des travaux de route et de nivellement sur la base aérienne de Ganacker. Celle-ci avait été organisée comme aéroport de formation en 1937 ; il semblerait que peu avant la fin de la guerre, cinq chasseurs à réaction de type Me-262 aient stationné à Ganacker, pour lesquels des pistes de décollage et d’atterrissage furent élargies, voire construites. Entre autre les déportés déchargeaient aussi des wagons avec des sacs de ciment. Suivant le travail, les déportés marchaient de un à cinq kilomètres pour aller du camp à la base aérienne. Un kommando particulièrement redouté était celui de l’extraction de cailloux dans deux mines. Les déportés devaient pousser des wagonnets chargés de cailloux sur une hauteur, d’où ils repartaient tirés par une locomotive. Quand la force de traction de la locomotive ne suffisait pas, les déportés devaient à nouveau aider à pousser. Il n’y avait pas que les accidents de travail, quand, par exemple, un wagonnet partait en marche arrière ; il y avait aussi le kapo qui frappait les déportés à coups de bâtons.8 Même le OT-chef de chantier et quelques OT-contremaîtres sont décrits comme donnant eux aussi des coups. Le temps de travail quotidien était de 5.30 le matin, avec une pause d’une demie heure pour le déjeuner, jusqu’à 6 heures le soir.

La nourriture donnée aux déportés était particulièrement catastrophique. Le matin, on leur donnait un bouillon brun, et ce n’est que le soir qu’ils avaient une soupe et 200g de pain, qui était prévu pour le déjeuner du lendemain midi. La faim n’était pas la seule cause directe de mortalité – souvent les déportés étaient frappés ou même abattus alors qu’ils étaient à la recherche de quelque chose à manger.9 Le kapo chargé de la cuisine Johann Nowak dut se justifier devant le tribunal de Landshut de coups ayant entraîné la mort et de blessures très graves.

La population civile avait de multiples contacts avec les déportés du camp extérieur de Ganacker. Les gardes faisaient souvent traverser le village aux déportés. De la route qui reliait Wallersdorf à Haidlfing, les passants pouvaient voir le camp et aussi observer les brutalités faites aux déportés. Ceux-ci, à cause de leur alimentation catastrophique essayaient bien souvent de quémander de la nourriture auprès des habitants des localités environnantes – peu avant l’évacuation, ils y étaient même autorisés par groupes de deux et sous surveillance. Parfois les habitants donnaient aux déportés quelque chose à manger, mais ils en étaient souvent empêchés par les gardes SS. Hans Spranger raconte, qu’alors âgé de onze ans, il était autorisé par les gardes à faire griller des betteraves, des pommes de terre et des pissenlits dans un feu, auprès duquel les déportés n’avaient pas le droit de s’asseoir. Un déporté, qui malgré tout s’assit près du feu, pour être sûr d’avoir sa petite portion de betterave, fut frappé à mort sous les yeux de Spranger par un gardien.10 

Les conditions s’aggravèrent énormément à Ganacker, quand la dysenterie fit son apparition avec un convoi de déportés en provenance de Kaufering. En un mois le nombre de déportés chuta de 500 (fin février) à 466 (fin mars). Le nombre de gardes SS resta stable à 50.11 Dans les registres des matricules, 63 décès sont répertoriés entre le 2 mars et le 13 avril 1945, chiffre qui ne tient compte que des déportés enregistrés. 138 personnes moururent à Ganacker jusqu’au 24 avril 1945 – chiffre global non vérifiable.

Le 24 avril, le camp extérieur fut évacué. L’arrivée de deux convois au camp de concentration de Dachau venant de Ganacker est mentionnée pour les 10 et 26 avril. Quelques déportés furent laissés à Ganacker ; beaucoup d’entre eux moururent avant la libération le 29 avril de sous-alimentation ou bien ils furent abattus car ils étaient incapables de marcher. Au début, les morts furent simplement apportés au camp, ce n’est que peu avant l’évacuation qu’ils furent sommairement enterrés.

Les évacués marchèrent d’abord vers Landau, puis vers Hammersdorf, où ils se joignirent à une colonne d’évacuation du camp extérieur de Plattling. Là de nouveaux prisonniers moururent d’épuisement, ou bien ils furent abattus parce qu’ils ne pouvaient pas marcher ou avaient essayé de fuir. Des soldats américains libérèrent les déportés près d’Eggenfelden.

En juillet 1945, des habitants allemands, surtout d’anciens sympathisants nazis, durent exhumer les déportés enterrés à Ganacker, et sur ordre des autorités militaires américaines les inhumer dans un cimetière à côté de la chapelle St Sebastiani à Wallersdorf. En 1957, les morts furent transférés à Flossenbürg au cimetière de la Mémoire, les victimes belges furent rapatriées. Deux pierres commémoratives rappellent l’ancien cimetière du camp de concentration et le camp extérieur de Ganacker. Les parquets de Landshut et de Munich I ouvrirent des enquêtes pour homicides, mais les abandonnèrent en novembre 1977 pour cause de prescription.

1 NARA, RG 338, 290/13/22/3,000-50-46, Box 537 (Mikrofilm-Kopie in : AGFI).

2 Aussage margid Waynrieb, in : Georg Artmeier, Die Aussenkommandos des Konzentrationslagers Flossenbürg Ganacker und Platting, in : Historische heimatblätter an der unteren Isar und Vils, 1990/91, S.108.

3 Transport nach Tamacker (!)/b Landau/Isar am 20/2/1945, in: BArch Berlin, NS 4/FL428. Ponath wird dort als » Pohnert » geführt.

4 Aussagen Johann J., 18.5.1976 und Monik A., 23.3.1967, in : BArch Ludwigsburg, ZStl.IV 410 AR-Z 25/68.

5 Schreiben der Gemeinde Wallersdorf an das Landratsamt Landau/Isar, 17.1.1951, in: Artmeier, Aussenkommandos, S. 111.

6 Aussage Jeruham Apfel, in: ebenda, S.76.

7 Aussage Pavel P., 15.5.1967, in : BArch Ludwigsburg, ZStl.IV 410 AR-Z 25/68.

8 Aussage Georg Weinzierl, in: Artmeier, Aussenkommandos, S. 92.

9 Aussage Israel O., 4.7.1967, in: BArch Ludwigsburg, ZStl.IV 410 AR-Z 25/68.

10 Aussage Hans Spranger, in: Artmeier, Aussenkommandos, S. 94 f.

11 Stärkemeldung der Wachmannschaften und Häftlinge der Arbeitslager im Dienstbereich des HSSPF des SS-Oberabschnitts MAIN nach dem Stand vom 28.2.1945 und 31.3.1945, in: Arolsen, Historisches Archiv, Flossenbürg-Sammelakt 10, Bl.72 und 85.

Littérature

Georg Artmeier, Die Aussenkommandos des Konzentrationslagers Flossenbürg Ganacker und Plattling, in : Historische Heimatblätter an der unteren Isar und Vils, 1990/91, S. 9-47 und 71-114.

Ulrich Fritz

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.110, 111,112, 113.

 

Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 25 février 2014.

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