1. L’année de fondation 1938.
Choix du lieu et construction du camp
Le 24 mars 1938, la commune de Flossenbürg a reçu une visite inhabituelle mais pas tout à fait inattendue. Le directeur de l’inspection des camps de concentration, Theodor Eicke ainsi que Oswald Pohl, chef de l’administration de la SS, accompagnés d’une délégation d’officiers supérieurs SS ont visité un grand terrain granitique situé aux limites nord de la commune, ainsi qu’un plateau surélevé adjacent. (1) archives d’état, nbg… La qualité exceptionnelle du granit déjà livré à partir des carrières locales pour construire le Reichsparteitaggelnde, la grande esplanade du parti à Nuremberg, avait attiré l’attention de l’administration de la SS sur Flossenbürg. Quelques jours seulement après cette visite, le 31 mars 1938, l’administration de la SS a commandé à l’entreprise berlinoise Kmper et Seeberg huit baraques pour le « chantier K.L. Flossenbürg ». (2) archives fédérales Berlin, NS.
Le 1er mai 1938, les premiers éléments de l’escadron de la garde SS sont arrivés à Flossenbürg. Deux jours plus tard, le premier contingent de 100 détenus en provenance du camp de Dachau a été installé à Flossenbürg avec pour tâche la création du camp. Ils avaient à construire des baraques pour les détenus et l’intendance, les bâtiments administratifs ainsi que les installations de sécurité. Dans un premier temps, le développement du camp de Flossenbürg dépendait exclusivement de la DESt (entreprise allemande de la terre et de la pierre – Deutsche Erd-und Steinwerke). Cette entreprise, appartenant à la SS, qui fut la première créée, était destinée à la production de matériaux de construction.
Au cours de l’année 1938, après l’arrivée de nouveaux transports, portant le nombre des détenus à environ 1500, la moitié de l’effectif était employée à la construction du camp. L’autre moitié devait travailler à la carrière.
Jusqu’à la fin de 1938 il y avait dix baraques sur le terrain des détenus. Elles étaient entourées d’une double clôture qui n’était pas encore électrifiée, avec des miradors en bois tous les 50 mètres. L’administration et la garde SS occupaient 10 autres baraques.
Les premiers détenus.
On notera, par ailleurs, que ces 1500 détenus présents au camp à la fin de l’année 1938 étaient des triangles «vert», provenant majoritairement de Dachau, mais il y avait aussi un petit contingent de 60 détenus transférés de Buchenwald le 8 ao$ut et de 602 détenus transférés en deux transports de Sachsenhausen, les 17 et 26 novembre.
Ce premier contingent comprenant un bon nombre de «droits communs» formera par la suite «l’aristocratie» du camp (les Kapos) occupant les postes centraux au sein de son administration autonome, transférant la pression et la terreur des SS sur les détenus avec une brutalité extrême. Ce comportement leur permettait de protéger leur pouvoir et de sécuriser leurs privilèges.
On enregistrera 12 décès durant les huit premiers mois d’existence du camp de Flossenbürg.(3) Etat civil de Flossenbürg – registre des décès 1938, Nr 8). Il n’y avait pas encore de crématoire sur place, les corps étaient donc incinérés au crématorium de Selb, le plus proche du camp.
Consolidation et projet d’extension 1939-1940
Nouvelles conditions générales avec le début de la guerre.
En avril 1939, le SS Pohl, administrateur du camp organisa l’augmentation de sa capacité d’accueil afin de pouvoir recevoir 3000 détenus avec 400 surveillants en Juillet [ 4) Le chef de l’administration de la SS à la direction de construction du camp de Flossenbürg, 5.1.1939, dans archives fédérales Berlin, NS 3-115]
Son premier objectif était le développement des productions de la carrière. De plus, la DESt de Flossenbürg, contrairement à celle de Mauthausen ou Buchenwald, était bénéficiaire depuis le début de ses activités. C’est la raison pour laquelle il lui fut possible d’investir dans de nouvelles infrastructures (telles que le bâtiment des cuisines, douches, buanderie) de part et d’autre de la Place d’Appel.
Sur ordre d’Eicke, en date du 24 mars 1939, classé « urgent », est engagée aussi la construction d’un bâtiment d’arrêt de 112 mètres de long : « le Bunker ». Il ne sera achevé qu’en mars 1940. [5) Eicke à Pohl, 21.3.1939, même source, NS 1/Fl – 61]
L’extension du camp ayant pris du retard, son occupation ne pourra, en Juillet, dépasser 2000 détenus qui seront d’ailleurs logés d’une manière précaire.
Malgré cela, le 27 septembre 1939, environ 1000 détenus supplémentaires, en provenance de Dachau, arriveront à Flossenbürg à titre provisoire. Ils porteront majoritairement le triangle rouge des internés politiques. Malgré une expérience déjà ancienne de l’internement, l’arrivée à Flossenbürg fut un véritable choc : travaux meurtriers à la carrière, froid extrême, alimentation très insuffisante, domination insupportable des «Kapos» resteront gravés dans leur mémoire [6) Alfred Maleta, Le passé surmonté. Autriche 1932-1945, Graz/Vienne/Cologne 1981, p. 220-223] A Noël 1939, par manque de place, d’hygiène et d’eau potable, ils eurent à subir une épidémie de diarrhée, provoquant 87 décès.
Le 3 mars 1940, le contingent venu de Dachau, à titre provisoire, est renvoyé dans son camp d’origine, mais le chiffre de 1000 détenus a sensiblement diminué après un hiver meurtrier dù à la famine et à l’épidémie qui a sévi au camp de Flossenbürg. [7) Déclaration de l’ancien maire de Vienne, Richard Schmitz, 27 et 28.5.1945 dans archives fédérales Berlin, microfilm FC 6279 }
Extension forcée du camp 1940
Après le retour des détenus vers Dachau sont arrivés à Flossenbürg deux convois en provenance de Sachsenhausen, portant l’effectif à environ 2200/2500 détenus.
On peut noter, pour 1940, une baisse sensible de la production à la carrière due essentiellement à la dégradation dramatique de la condition physique des détenus et donc à leur capacité de travail, ce qui provoquera un désastre économique.
En Mars, Avril et Mai 1940, on relèvera 129 décès, c’est-à-dire bien plus que durant les années 1938 et 1939. Il devenait donc urgent, aux yeux des SS, de mettre en service un crématoire propre au camp, ce qui fut chose faite en Mai 1940.
Le dernier numéro matricule utilisé à la fin de 1940 était 2697. On constate également, à cette date, que 400 numéros matricules antérieurement affectés ont été réattribués.
Après l’arrivée des deux convois d’avril en provenance de Sachsenhausen, le nombre des détenus politiques a sensiblement augmenté et à partir de là, cette situation n’a fait que progresser.Ce sont d’abord, en provenance du «protectorat de Bohême Moravie», les premiers prisonniers tchèques, puis les premiers Polonais et le 24 mai, 11 détenus juifs. Même si les Allemands constituent encore la majorité dans le camp, on observe que l’internationalité progresse rapidement. (8) Toni Siegert, Le camp de concentration de Flossenbürg. Fondé pour des soi-disant asociaux et criminels, dans : Martin Broszat/Elke Fröhlich/Anton Grossmann (éditeur), La Bavière sous les SS, vol. 2, Munich/Vienne 1979, p. 446].
Travail forcé intensifié et extermination systématique 1941-1942
La double fonction du camp de concentration à partir de 1941.
En 1941 et 1942, se précisent les deux fonctions centrales du camp de concentration : d’une part, optimaliser la force de travail, et d’autre part, exterminer systématiquement certains détenus. Dans cet ordre d’idées, Himmler s’est employé à faire transférer à Flossenbürg, des groupes de prisonniers de pays occupés, y compris des prisonniers de guerre soviétiques.
Pour ce groupe, une sélection rigoureuse de ceux qui étaient inaptes au travail a été faite. Il sera procédé à leur exécution au printemps de 1942, suivant l’ordonnance action 14 f 13. D’autre part, dans la vie quotidienne des détenus, les Kapos se sont employés à exacerber les rapports entre les différentes communautés, mais aussi à mener une action délibérée avec, pour finalité, l’extermination des détenus Polonais, Soviétiques et Juifs.
Exécutions de détenus polonais.
A titre d’exemple, le 23 janvier 1941, 600 détenus polonais du camp d’Auschwitz sont arrivés à Flossenbürg. A partir de là et jusqu’au 8 septembre, 184 d’entre eux ont été exécutés. Si l’on y ajoute les morts victimes de brutalité ou de mauvais traitements, on totalise, à la fin de1941, plus de 400 victimes sur ce contingent depuis son arrivée au camp. (9). Le directeur du crématorium à la section politique du camp de concentration de Flossenbürg, 2.10.1941 dans archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 372).
Meurtres en masse des prisonniers soviétiques.
Ils ont débuté le 3 septembre 1941 avec l’exécution d’un Kommando de 41 détenus. Ce fut, ensuite, une sélection de 330 détenus déclarés inaptes au travail exécutés entre le 3 et 17 décembre 194. (10) liste des commandos de travail vérifiés par le commissaire de la police criminelle Luitpold Kuhn de la Gestapo de Regensburg à la direction de la police d’état Munich le 17 janvier 1942 – Archives fédérales Nuremberg, Nbg. Dok; 178 – R et NO – 5531).
Jusqu’à la fin de 1941, on a sélectionné des groupes de prisonniers de guerre soviétiques sur tout le territoire occupé par la 13ème armée de la Wehrmacht qui était déployée sur la région de Würtzburg à Karlsbad, pour les assassiner à Flossenbürg. D’après des estimations prudentes, entre Septembre 1941 et l’été 1942, environ 2000 prisonniers de guerre soviétiques ont été tués (11) Reinhard Otto, Wehrmacht, Gestapo et Prisonniers de guerre soviétiques sur le territoire du Reich allemand 1941/1942, Munich 1998, p.132).
Dans un même temps, alors que l’on procédait à l’exécution systématique de centaines de soviétiques, Himmler intervenait pour obtenir de la Wehrmacht l’envoi à Flossenbürg de plusieurs milliers d’entre eux au titre de main d’oeuvre dans les camps de concentration. A l’époque, Künstler, Commandant du camp, a proposé vers le 15 septembre 1941 d’en recevoir 5000 (12) télex de l’inspection des camps de concentration au commandant du camp de Flossenbürg, 15.9.1941, dans archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 133.] Le 15 octobre, il en arrive 2000 en provenance du camp de prisonniers de guerre de Mühlberg en Saxe. Sur ce nombre, seulement 1150 ont été déclarés partiellement aptes au travail, et 500 de ceux-là ont été employés à la carrière. (13) Rapport mensuel des commandos de travail du 16.3. au 15.4.1942, dans archives fédérales, NS 4/Fl-392.]
La réorganisation du camp de concentration en 1942 – création des premiers Kommandos.
Au printemps 1942, la structure d’administration des camps de concentration a été modifiée de façon fondamentale et durable. Après l’échec de la stratégie de la guerre éclair «Blitzkrieg» dans l’hiver 1941/42 et la réorganisation de l’industrie allemande en fonction d’une plus longue guerre d’usure, le potentiel de main d’oeuvre que représentaient les internés des camps de concentration prenait une valeur significative pour Himmler. Les intérêts économiques de la SS se sont donc déplacés vers l’économie de guerre. L’exploitation dans les carrières n’était certes plus prioritaire et l’on déplaçait vers les camps de nombreuses productions d’armements.
Bien que les locations de détenus de Flossenbürg à des employeurs privés ou publics de la région s’étaient produites depuis le début de la guerre, l’exploitation systématique de la main d’oeuvre des détenus a pris une toute nouvelle dimension. Pour la première fois, la SS a procédé à l’organisation de commandos de travail éloignés du camp principal.
Les premiers Kommandos du camp de Flossenbürg datent de 1942 comme celui de Stulln (Haut Palatinat) où 100 prisonniers de Flossenbürg devaient travailler dans une mine de spath afin d’extraire la matière nécessaire à la fabrication d’aluminium. Mais dès le mois de Juin, presque tous les détenus qui étaient employés à cette tâche, ont été transférés à Dresde vers un Kommando pour la construction d’une caserne destinée à la SS. Ce fut le deuxième Kommando du camp de Flossenbürg. D’autres Kommmandos ont été ouverts en 1942 dans les Sudètes SS : à Krondorf-Sauerbrunn et Neu-Rohlau, tous deux à proximité de Karlsbad. Dans le premier, des détenus de camp de concentration étaient employés à l’exploitation d’une source d’eau minérale pour l’entreprise Sudetenquell GmbH, dans le second à la manufacture de porcelaine arysée Bohemia – manufacture de céramique AG.
A la fin de l’année 1942, 3515 détenus étaient enregistrés à Flossenbürg, dont 442 d’entre eux dans des Kommandos nouvellement fondés : Dresde (199) Krondorf (120) Pottenstein (82) et Neu-Rohlau (41).
A cette époque, la majorité des détenus était encore employée dans la carrière (1943) où le travail fut cependant interrompu en fin d’année. [14) Division de travail, 31.12.1942, dans les archives fédérales Berlin.)] Par contre, en 1943, cette situation s’est inversée au profit de l’industrie d’armement.
A Flossenbürg, le taux de mortalité avait de nouveau progressé de façon significative : Alors que, pour toute l’année 1941, l’état civil de la commune de Flossenbürg avait enregistré 711 morts, leur nombre s’éleva en Septembre 1942 à 1057. Pour le reste de l’année, les documents fiables manquent, puisque, à partir du 1er octobre 1942, un registre d’état civil propre au camp a été mis en place et donc, à partir de ce moment-là, les morts du camp n’ont plus été enregistrés à l’état civil de la commune de Flossenbürg. Cependant, on peut considérer qu’entre 1941 et 1942, le nombre de morts a plus que doublé à Flossenbürg, sans tenir compte des 2000 prisonniers de guerre soviétiques assassinés, puisqu’ils n’ont été enregistrés sur aucun registre.
Travail forcé dans l’industrie d’armement.
Le transfert de l’usine Messerschmitt de Regensbourg à Flossenbürg.
C’est à la fin de 1942 que se sont engagées les premières négociations entre les représentants de l’usine Messerschmitt de Regensbourg et la direction de la DESt du camp de Flossenbürg. [ 15) Hermann Kaienburg, l’économie de la SS, Berlin 2003, p. 618]. Elles portaient sur l’emploi de détenus à la construction d’éléments de l’avion de chasse Me 109.
On ne connaît pas exactement la date du démarrage de la production de Messerschmitt. Dans la distribution du travail quotidien, apparaît, pour la première fois, en juin 1943 le Kommando 2004 qui était le nom de code donné à l’usine Messerschmitt de Flossenbürg où étaient affectés 211 détenus. [ 16) Division du travail, 30.6.1943 et, dans les Archives fédérales à Berlin, NS 4/FL – 391, rapport mensuel avril 1943 de la DESt Flossenbürg, 5.5.1943, dans même source, NS 4/Fl – 244/2].
En Septembre, plus de 700 prisonniers étaient employés dans l’entreprise Messerschmitt, (17) Hermann Kaienburg, l’économie de la SS, Berlin 2003, p. 619) ; en Décembre, ce nombre avait déjà atteint 1700. Par contre, à la fin de l’année 1943, il ne restait plus que 530 prisonniers encore employés à la carrière. (18) Les deux derniers chiffres donnent un aperçu de l’affectation des détenus dans le camp de Flossenbürg en décembre 1943, Archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 393/1).
Le nombre de Kommandos a donc continué à progresser en 1943 tel qu’à Grafenreuth, où un Kommando a été installé à proximité d’une immense usine d’habillement pour la Waffen-SS, à Eisenberg près de Brüx, à Neuhirschstein près de Meien, à Nuremberg, à Schlackenwerth près de Karlsbad et à Würzburg.
En décembre, a été ouvert le premier Kommando dans une usine d’armement, chez Erla à Johanngeorgenstadt.
La modification de la structure des détenus.
A partir de fin 1942, les transferts de détenus entre différents camps ont sensiblement progressé. De plus, les demandes de personnels étaient en référence à des qualifications professionnelles.
De 1941 jusqu’au début 1943 le nombre de détenus du camp de Flossenbürg était relativement stable avec environ 3100 à 3500 détenus, dont, à partir de l’été 1942, environ 400 dans les Kommandos. Puis, à partir de 1943, la population globale du camp de Flossenbürg a progressivement augmenté. On décompte 4290 prisonniers au 1er février dont 406 dans des Kommandos. De plus, à partir de cette date, et pour la première fois, Flossenbürg assure la gestion de 140 détenues féminines provenant du camp de Ravensbrück et affectées à Neu-Rohlau. Fin Juillet 1943, on décomptait 4778 détenus à Flossenbürg, dont 834 dans des Kommandos. (19) Division du travail, 28.7.1943 dans les Archives fédérales Berlin, DOK/K 183/11].
Début Décembre, ce chiffre a dépassé, pour la première fois, les 5000 détenus. (20) aperçu de l’affectation des détenus dans le camp de Flossenbürg de décembre 1943, dans les Archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 393/1]. Mais, avec plus de 1500 morts, le taux de mortalité continuait à progresser de façon significative à Flossenbürg.
Expansion et décloisonnement 1944.
Augmentation du nombre de détenus
Dans l’univers concentrationnaire, l’année 1944 constitue un temps de brutale évolution dans l’environnement et les conditions de vie du détenu. Autour du camp principal, ont été créées des dizaines de Kommandos dispersés dans un rayon pouvant atteindre les 200 km.
Nécessairement, dans le même temps, on a vu progresser le nombre des détenus d’une manière démesurée. Le 31 mars 1944, on comptait en tout 7322 détenus, dont environ 4000 dans le camp principal et le reste dans les Kommandos.
Le 31 mai 1944, on a, pour la première fois, dépassé le nombre de 10 000 détenus, au mois de Septembre de la même année, on en totalisait plus de 25 000.
Conjointement, se sont très gravement dégradées les conditions de vie quotidienne, avec le manque d’espace, d’hygiène et de ressources alimentaires. Des secteurs entiers du camp sont devenus des zones d’épidémie dans lesquelles les détenus incapables de travailler n’attendaient plus que la mort (21) aperçu de l’affectation des détenus dans le camp de Flossenbürg pour les mois de mai et septembre 1944, dans les Archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 391/1]
Le 1er septembre 1944, on a rattaché à Flossenbürg les Kommandos féminins qui se trouvaient dans le secteur d’influence géographique de Flossenbürg. Jusque là, ces dernières, représentant environ 10 000 détenues étaient administrées par le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück. Dans ce nombre, figuraient plusieurs centaines de Françaises.
Dans le dernier rapport d’effectif de l’année 1944, on note pour Novembre, plus de 31 000 prisonniers dans le périmètre du camp de Flossenbürg, plus de 8000 dans le camp principal et presque 23 000 dans les 60 Kommandos qui existaient à cette date-là (22) aperçu de l’affectation des détenus dans le camp de Flossenbürg pour le mois de novembre 1944, dans les Archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 391/1].
Arrivée des grands convois
Les premiers grands convois comprenant des prisonniers de Belgique, Hollande et Italie arrivèrent à Flossenbürg durant le deuxième semestre de 1943. Ils furent suivis en 1944 par l’arrivée régulière d’importants contingents de prisonniers français. Il est à noter que tous ont transité au préalable dans un autre camp, le plus souvent à Buchenwald ou à Dachau.
Un premier grand convoi avec 700 prisonniers français venant de Buchenwald est arrivé à Flossenbürg en Février 1944. Par ailleurs, il arrivait plusieurs fois par semaine des détenus de Pologne, d’Union Soviétique et du Protectorat de Bohême et de Moravie. A partir de l’été 1944, ont été déportés des milliers de détenus juifs à Flossenbürg, alors qu’entre 1938 et 1942, ils n’étaient que quelques centaines. Pour la première fois aussi, sont arrivés environ 1000 Sinti et Roms en provenance d’Auschwitz, au nombre desquels des femmes qui furent affectées dans les Kommandos pour femmes.
Les conditions de vie dans le camp principal.
Au début de l’année 1944, l’augmentation de la production des ateliers Messerschmitt a provoqué une importante mobilisation de main d’oeuvre au détriment des activités de la carrière dont la production fut pratiquement mise à l’arrêt. Malheureusement, l’intensification des productions de biens d’armement n’a pas contribué à l’amélioration des conditions de vie dans le camp. La surpopulation ne faisant que croître, une pénurie de ressources alimentaires, avec une extrême dégradation des conditions d’hébergement et d’hygiène, ne pouvait avoir que des conséquences sanitaires dramatiques. Par exemple, dans les 23 blocs qui constituaient l’hébergement des détenus régnait un manque de place effroyable : c’était le cas, entre autres, dans les baraques 2 à 18, où 900 prisonniers devaient se partager 220 places de couchage.
Dans ce contexte, la violence des Kapos et des SS n’a fait que décupler rendant la vie intenable. C’est à partir de là, durant la deuxième moitié de l’année que débutèrent les décès en masse, hécatombe qui devait se poursuivre jusqu’à la libération du camp le 23 avril 1945.
Les Kommandos de Flossenbürg.
Le véritable développement du travail dans les Kommandos extérieurs s’est produit début 1943 après la défaite de Stalingrad. Il a véritablement explosé à partir de Mars 1944. Un regard sur l’extension du système illustre clairement cette évolution : en 1942, on a ouvert 5 Kommandos, en 1943 : 9, en1944 : 58 et 20 supplémentaires juste avant la fin de la guerre, soit au total 92 Kommandos.
Les détenus de ces Kommandos étaient majoritairement affectés à des productions d’armement ou à des aménagements pour ces mêmes productions, dans des entreprises privées ou publiques.
A titre d’information : Johanngeorgenstadt, Mulsen-St-Micheln, Rabstein pour les hommes, Graslitz, Zwodau, Venusberg pour les femmes produisaient pour l’armée de l’air.Hertine pour les hommes – Holleischein pour les femmes produisaient des munitions. Plauen et Nuremberg pour les femmes travaillaient dans l’industrie électronique.
S’y ajoutaient les 2 Kommandos de Janovitz et Hradischko pour les hommes, au service de la SS sur un immense terrain d’entraînement militaire en Bohême.
Mais les plus effroyables, là où le nombre des victimes a été le plus élevé, ont été les Kommandos d’Hersbruck et de Leitmeritz (Litomerice). Dans ces deux localités, il s’agissait de creuser et d’aménager des galeries souterraines pour y transférer des productions d’armement. Dans ces 2 Kommandos, le nombre des victimes quotidiennes a nécessité l’installation d’un four crématoire.
En conclusion, on peut considérer qu’à Flossenbürg, comme dans ses Kommandos, la «valeur» d’un détenu se limitait exclusivement à la capacité maximale de travail que l’on pouvait en tirer. A aucun autre moment, il n’y eut autant de morts que durant la période 1944/1945.
La dernière phase 1945
Flossenbürg comme camp d’accueil – Décès en masse et libération
Du fait de son éloignement du front, Flossenbürg avait été retenu comme un des camps susceptibles d’accueillir des détenus évacués par ailleurs, devant l’avance des armées alliées. Des convois en provenance d’Auschwitz et de Gros-Rosen sont donc venus grossir très sensiblement les effectifs du camp à la fin de1944. On dénombre donc, le 1er mars 1945, pour Flossenbürg, un chiffre d’internés jamais atteint : soit 15 445 détenus au camp, et 36 995 détenus masculins et féminins dans ses Kommandos. On y décomptait aussi près de 5000 Français. Conjointement, progresse le nombre de morts soit en janvier : 2500, en février : 2758 et en mars : 3207, dont une partie importante dans les Kommandos (23) liste des effectifs du camp, 1.3.1945, dans : les Archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 392].
Avec les évacuations des camps de l’Est, de plus en plus de juifs et juives sont arrivés à Flossenbürg représentant alors environ 20 % du nombre des détenus.
Malgré la gestion de plus en plus difficile des effectifs, de nouveaux Kommandos ont été formés. Ils ont été principalement affectés au déblaiement des décombres après les bombardements, en particulier dans les gares et les aéroports comme à Ansbach, Obertraubling, Regensbourg et Pocking. Malgré les conditions chaotiques qui régnaient avec d’incessantes arrivées et de départs, avec la surpopulation extrême, des décès en masse et le début des évacuations, on procédait encore au printemps 1945 à des exécutions planifiées dans le camp de Flossenbürg. Une des toutes dernières a eu lieu le 13 avril 1945 dans la cour du Bunker (prison) du camp. Les victimes en furent trois jeunes Françaises, Hélène Lignier, Simone Michel-Levy et Noémie Suchet, qui était accusées de sabotage dans leur travail, au Kommando d’Holleischen, quelques mois plus tôt.
Les marches de la mort.
Au début d’Avril, a été évacué le Bunker où étaient incarcérés les détenus importants. Puis, le 16 avril, un transport était organisé en direction de Dachau pour tous les détenus juifs qui se trouvaient dans le camp, soit environ 1700 hommes. Le dernier rapport établi le 15 avril évalue encore à plus de 9000 le nombre de détenus à Flossenbürg. S’y ajoutent plus de 7000 détenus évacués de Buchenwald qui sont arrivés le 14 avril, mais qui n’ont pas été enregistrés. (24) Etablissement d’une commission d’enquête américaine, 17.5.1945, dans les Archives fédérales Berlin, NS 4/Fl – 399].
Arrive enfin, dans une ambiance totalement chaotique, l’ordre d’évacuation du camp. Le 19 avril, sont donc formées et mises en marche 5 grandes colonnes constituées des 15 à 20000 hommes complètement épuisés et amaigris qui, par des itinéraires différents, prennent la direction du Sud.
Il ne reste à Flossenbürg que 1600 malades agonisants dont les SS souhaitent se débarrasser au plus vite. Ces marches d’évacuation traverseront des centaines de villages. Elles seront un calvaire et une hécatombe pour des milliers d’hommes sans nourriture, habillés du strict minimum, dans le froid, la pluie et la neige. Totalement épuisés, ils s’effondreront le long des routes, achevés par la dernière balle du SS le plus proche. Près de 5000 morts ont été découverts le long des routes empruntées par ces colonnes d’évacués.
Avec la dissolution du camp principal de Flossenbürg, commençait aussi l’évacuation de la plus grande partie des Kommandos. Les routes étaient alors différentes selon la situation géographique des lieux et de la situation du front. Le gros des détenus des Kommandos de Saxe était dirigé vers le complexe de Leitmeritz-Theresienstadt qui se trouvait le plus proche. Dans la phase finale de la guerre, le Kommando de Leitmeritz (Litomerice) a assumé la fonction de camp principal. Après la libération de Flossenbürg le 23 avril et jusqu’à l’arrivée de l’Armée rouge le 8 mai, Leitmeritz (Litomerice) a été, durant deux semaines encore, avec le développement tragique d’une épidémie de typhus, un lieu où l’on mourait en masse.
On ne peut encore dénombrer, d’une manière précise, le nombre des victimes des marches de la mort provenant des Kommandos de Flossenbürg.
Libération
Le matin du 23 avril 1945, des patrouilles motorisées de la 90ème division d’infanterie de la 3ème armée US ont atteint le camp de Flossenbürg.
Parmi les malades restés au camp, plus de cent étaient décédés entre le 20 et le 23 avril. Les médecins militaires ont réussi à sauver 1208 détenus, mais pour 105 autres, tous les secours sont arrivés trop tard, ils sont décédés durant les jours et semaines qui ont suivi la libération. (25) Archives nationales et administration des statistiques, Washington, RG 260, Statistiques de l’administrateur du pays, rapports historiques, 13/147 – 2/10].
Durant les sept années de son existence, plus de 100 000 détenus furent internés au camp de concentration de Flossenbürg et ses Kommandos, parmi eux plus de 5200 Français et Françaises. Plus de 30 000 personnes sont mortes dans le complexe du camp de Flossenbürg à cause d’assassinats ciblés, de conditions de vie catastrophiques et de l’enfer des marches de la mort. Le nombre de personnes assassinées et décédées dans le camp principal devrait se situer entre 13 000 et 15000. Plus de 10 000 hommes et femmes sont morts dans les Kommandos. Il est impossible de chiffrer, avec exactitude le nombre des victimes des marches vers la mort, mais il dépasse probablement 8000.
Plan du camp
Pour consulter des archives : https://arolsen-archives.org/fr/
Pour consulter des archives et compléter nos informations : https://www.gedenkstaette-flossenbuerg.de/fr/
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