Le camp extérieur de Neurohlau (Nova Role) a été installé dans l’usine privée SS « Céramiques de Bohême SA » à proximité de Karlsbad (KarlovyVary) dans le nord-ouest de la Bohême pour participer à l’effort de guerre à travers les détenus des camps de concentration. L’entreprise qui se trouvait à l’origine propriété juive, a été fondée en 1921 et fabriquait des porcelaines de haute qualité. Les représentants de la SS avaient dès 1938 montré de l’intérêt pour la Bohême et finalement ils en ont fait l’acquisition en mai 1940. La Direction s’est trouvée entre les mains de la manufacture SS des objets de prestige en porcelaine (Munich-Allach)1. Avec le changement de propriétaire, la production a changé de nature : les productions de luxe sont devenues de la vaisselle pour les casinos SS, l’armée, et la Croix Rouge allemande.

L’affectation de 40 détenus hommes en provenance de Flossenbürg est intervenue à compter du 7 décembre 19422. Ils furent directement transférés dans l’enceinte de l’usine dans 4 baraques en bois, et placés sous l’autorité de Waffen-SS. Leur travail consistait en l’édification d’un camp pour femmes, dans la proximité immédiate de l’usine de porcelaine. Ils installèrent 10 baraques en bois, et derrière les baraques entourées de fil de fer barbelé, un bâtiment pour le cantonnement des équipes de surveillance. Le chemin du camp à l’usine consistait en un corridor de fil de fer barbelé3. Début janvier 1943, 50 femmes en provenance de Ravensbrück, arrivent à Neurohlau pour être affectées à l’usine de porcelaine et dans sa proximité4. Début mars 1943 suivent 50 autres, et à la fin du mois encore 80 femmes arrivent de Ravensbrück5. Avec environ 265 personnes, l’effectif reste constant jusqu’à l’été 1943, à l’automne 1943 il monte jusqu’à 400 détenues6. A partir de janvier 1944, les femmes travaillent, dans des locaux jusqu’alors non adaptés, à la fabrication d’armement, entre autres le montage de répartiteurs électriques pour les chasseurs Me109 et Me 262 de Messerschmitt SA7. Dans la 2ème moitié de l’année 1944 2/3 des femmes sont occupées à la porcelaine, le reste à Messerschmitt8. Le maximum a été atteint en avril 1945 avec 1047 femmes. Le nombre d’hommes qui travaillaient dans les chantiers de construction, a été stable jusqu’en novembre 1944 ils étaient 60, et 86 à la fin de l’année. A cela il faut opposer 330 civils embauchés. Plus de la moitié des femmes venait d’Union Soviétique et de Pologne, un cinquième environ étaient des Allemandes. Parmi les hommes il y avait des prisonniers polonais et allemands. Depuis le 1er septembre 1944, les femmes détenues à Neurohlau, qui jusqu’ici dépendaient de Ravensbrück ont été rattachées au camp principal de Flossenbürg. 

Les surveillantes des femmes détenues sont placées sous l’autorité de la surveillante chef Margarethe de Hüber, qui est connue, d’après la description ultérieure de la surveillante chef Frizsche, comme particulièrement sadique et cruelle9. L’équipe de surveillance se compose, tout compris, de 23 SS hommes et (à la fin de la guerre) 18 surveillantes10. Le premier commandant du camp a été à partir de décembre 1942 le sergent SS Schreiber, remplacé le 12 février 1943 par Willibald Richter. Début juin de la même année, la direction du camp incombe à l’adjudant SS von Berg11 auquel succède en mars 1944 le major SS Düren. Le major SS Hugo Bock commande le camp de l’été 1944 à la fin de la guerre et est décrit comme particulièrement brutal12. Le sergent SS Eduard Wagner13 fait fonction de suppléant du chef de camp de décembre 1943 à la fin de la guerre. Le directeur de la « Bohemia SA » H.Hechtfischer, est incontestablement responsable des conditions désolantes dans le camp. Par contre, les employés de la « Bohémia SA » ont, en cachette, assisté les détenus pour leurs moyens d’existence, caché des femmes détenues ou ont évité la censure lors de la réception de courrier14.

Un long temps de travail, des punitions pour de petits méfaits, des privations de subsistances, un ravitaillement totalement rationné, des vêtements insuffisants, des heures sur la place d’appel par tous les temps, laver la porcelaine à l’eau froide, sont le lot de tous les jours au camp. Les malades et les détenues inaptes au travail sont renvoyées au camp principal. Il y a en outre à Neurohlau une infirmerie dirigée par la femme médecin yougoslave Radmila Jovanovic. Pour l’exécution des punitions, on a construit une prison pour l’isolement cellulaire. On ne sait s’il y a eu des exécutions au camp, mais une femme aurait été transférée à Flossenbürg pour être exécutée. Le même destin a rattrapé une détenue polonaise pour tentative d’évasion. Au moins deux femmes ont subi le préjudice durable du gourdin des gardiens du camp15. Sept femmes détenues se sont enfuies du camp de Neurohlau.

Les conditions dans le camp se dégradent en mars et avril 1945 à cause des transports d’évacuation de Ravensbrück. Entre le 16 et le 18 avril 1945 arrivent à Neurohlau, plusieurs centaines de détenues en provenance de Zwodau et Neubrandenburg16. A ce moment-là, l’usine de porcelaine a déjà cessé sa production. L’évacuation de Neurohlau commence dans la nuit du 19 au 20 avril 1945, un premier groupe d’hommes et de femmes quitte le camp en direction de Karlsbad. Un 2ème transport suit dans la nuit du 22 au 23 avril 1945 en compagnie du chef de camp Hugo Bock. Arrivés à Stribro (Mies), tous les prisonniers sont emmenés en direction du Nord. Le 7 ou 8 mai 1945 les gardiens laissent les détenus libres d’eux-mêmes à proximité de Laun et Saaz. Le dernier transport avec des détenus de l’infirmerie quitte Neurohlau le 29 avril 194517. Le nombre exact de morts au camp n’est pas connu, mais la plus grande part semble résulter de la marche de la Mort en avril et mai 1945.

Le commandant adjoint du camp Eduard Wagner et quelques surveillantes ont été condamnées à des peines privatives de liberté18. L’ancien commandant du camp Hugo Bock, malgré des enquêtes répétées du service de sécurité tchèque pendant les années 70, n’a pas été condamné. Le directeur de l’usine Hechtfischer a été condamné à mort, et exécuté le 14 février 1947. Après la guerre, le camp deviendra un camp d’internement pour des ressortissants allemands. La « Bohemia SA » est aujourd’hui propriété de la firme « Thun Karlsbader Porzellan AG ». Devant la gare se trouve un monument commémoratif.

1 Hermann Kaienburg, Die Wirtschaft des SS, Berlin 2003, S.473.

2 Jörg Skriebeleit, Die Aussenlager des KZ Flossenbürg in Böhmen, in : Dachauer Hefte 15 (1999), S.196-217, hier : S.201.

3 AMV, Sign, 325-29-3, S.123.

4 Häftlingstand vom 2.Januar 1943, in : ITS Sachdokumentenordner Flossenbürg 3 (268), S.1 (2004), Unmittelbar nach dem Krieg durchgeführte Verhöre von tschechischen weiblichen KZ-Häftlingen datieren den 1.Januar 1943, in :AMV, Sign.325-29-3, S.51.

5 ITS Sachdokumentenordner Flossenbürg 3 (268), S.1 (2004).

6 Kaienburg, Wirtschaft der SS, S.1103. Die Schätzung der Häftlingszahl ergibt sich aus der Zahl der Arbeitstage.

7 Walter Naasner (Hrsg.), SS-Wirtschaft und SS-Verwaltung : « Das SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt und die unter seiner Dienstaufsicht stehenden wirtschaftlichen Unternehmungen » und weitere Dokumente, Düsseldorf 1998, S.146.

8 Kaienburg, Wirtschaft der SS, S.1113.

9 AMV, 325-29-3, S.46.

10 NA, Bestand NSM, Sign.110-4-88.

11 ITS, Sachdokumenterordner Flossenbürg 3 (268), S.70 (2004).

12 AMV, Sign. 325-29-3, S.121.

13 Ebenda, S.465.

14 Vojtech Lastovka/Vaclav Nemec/Rudolf Stransky, Hrdinove protifasistickeho odboje (Helden des antifaschistischen Widerstands), Plzen 1985, S.164.

15 AMV, Sign. 325-29-3, S.83 und 85.

16 Der genaue Häftlingsstand dieser Transporte konnte nicht ermittelt werden, am Tag der Evakuirung befanden sich vermutlich 1500 bis 200 Häftlinge im Lager.

17 Josef Vorel,Evakuirung des Konzentrationslagers Neurohlau, in :NA, Sammlung Pameti bojovniku (Erinnerungen des Kämpfer), Nr. 3099, S.58 f.

18 So die Aufseherinnen Ella Wöller (21 Monate Gefängnis), Hermine Brückner (20 Jahre Gefängnis), Vaclav Jirik, Nedaleko od Norimberku (Unweit von Nürnberg), Cheb 2000, S.329 f. Verhaftet wurden auch die ehemaligen Aufseherinnen Rosina Günther und Gertrud Tittel. AMV, Sign.325-29-3.

Literatur

Hans Brenner, Frauen in den Aussenlager des KZ Flossenbürg und Groos-Rosen in Böhmen und Mähren, in : Theresienstädter Studien und Dokumente 1999, S.263-294.

Petr Kanak Traduction : Max Mannheimer

Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.140

Traduit de l’allemand par Jacques Péquériau le 18 octobre 2012.

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