Le village de Janowitz (Vrchotovy Janovice) situé en Bohême centrale, non loin de la ville de Wotitz (Votice), se trouvait dans les années 1944/45 sur le territoire du champ de manœuvres SS de Beneschau (Benesov), plus tard champ de manœuvres SS de Bohême. Les premières ébauches pour la création de ce champ de manœuvres au sud de Prague, entre la Moldau et la Sasau dataient de 1939. La population de la région fut progressivement évacuée à partir du mars 1942.1 Les habitants de Janowitz furent évacués lors de la cinquième et dernière étape et ce jusqu’au 1 avril 1944. Les travaux sur le champ de manœuvres commandé Alfred Karrasch, SS-Oberführer puis SS-Brigadeführer et Generalmajor des Waffen SS, qui résidait au château Konopiste, nécessitaient une main d’œuvre bon marché. A cet effet, un camp d’éducation par le travail fut installé fin 1942 dans la commune de Hradischko (Hradistko) dans la partie nord-ouest du champ de manœuvres. Ce camp fut placé sous l’autorité du camp de concentration de Flossenbürg en tant que kommando extérieur à partir de novembre 1943. Puis un nouveau camp d’éducation par le travail fut installé dans la commune proche de Breschan (Brezany). Un kommando extérieur de ce camp avec 40 déportés de trouvait depuis le printemps 1944 à Janowitz dans les domaines de Frantisek Petricek et d’Antonin Kratochvil. De plus, depuis juin 1944, vivaient ici 80 hommes juifs dans un kommando extérieur du camp spécial de Bistritz (Bystrice) issus « de mariages mixtes ».2 Leur activité principale consistait à construire des baraquements en bois pour un nouveau camp à côté du nouvel étang à la sortie du bourg sur la route de Merwitz (Mrvice). Les premiers déportés venus du camp de concentration de Flossenbürg arrivèrent à Janowitz vraisemblablement le 24 juillet 1944.3 Sur le terrain vague, il y avait six baraques en bois, dont trois hébergeaient les déportés. Deux mieux équipées servaient aux équipes de gardes SS et la sixième faisait office de cuisine. Le camp était entouré d’une double clôture de barbelés et de quatre miradors.4 Le premier groupe de déportés de camp de concentration se composait de 100 personnes. Ils érigèrent des bâtiments pour l’école d’artillerie SS sous le commandement du SS-Sturmbannführer Sinn.5 Début novembre 1944 le nombre de déportés passa à 200 ; jusqu’ à une épidémie de typhus à la fin de l’hiver le nombre resta à peu près constant. Sur les 182 déportés de Janowitz en février 1945 il y avait 72 Russes, 41 Français, 41 Polonais, 15 Allemands, 6 Tchèques, 2 Espagnols, 1 Belge, 1 Bulgare, 1 Hollandais, 1 Italien et 1 Hongrois.6
Le chef du kommando fut d’abord le SS-Hauptscharführer Friedrich Christel, qui fut remplacé par le SS-Hauptscharführer Willibald Richter originaire des Sudètes.7 La garde SS comptait 2 sous-officiers et 39 hommes.8
Les kommandos de travail étaient regroupés tous les matins. Un lieu d’intervention était la gare de Cichovka, où les déportés devaient décharger le matériel et poser une deuxième voie. Un autre kommando travaillait non loin, dans la carrière de Schebaniowitz (Sebanovice), que les entreprises allemandes de travaux publics (DESt) de Mauthausen avaient repris le 1. Septembre 1943 avec 16 autres carrières à l’administration locale SS, sur le terrain du champ de manœuvres.9 Avec ces pierres furent construits des ateliers de réparations pour chars en face du camp de Janowitz. Le premier propriétaire de la carrière, Karel Chomout, resta y travailler après son expropriation comme administrateur et chef d’équipe de 15 tailleurs de pierres civils.
D’autres déportés s’occupaient de terminer le camp et démolissaient le moulin Zrcadlo et d’autres maisons des environs. Quelques déportés furent embauchés dans la ferme SS de la commune voisine de Merwitz.10 Les kapos qui dirigeaient les kommandos de travail étaient pour la plupart des criminels allemands. Les déportés appelaient l’Oberkapo Helmut Lindner « le kapo noir » à cause de sa brutalité. Il était responsable de la mort de quelques déportés. Il jeta des déportés malades, qui ne pouvaient se présenter sur la place d’appel, à bas de leur châlits puis traîna les blessés jusqu’aux barbelés, où ils furent abattus par les gardes.11 La distribution de nourriture par les kapos à la carrière était injuste, quelques tailleurs de pierres passaient du pain et de l’eau aux déportés. Les tortures, le travail difficile, la nourriture et les vêtements très insuffisants entraînèrent des décès. Les cadavres furent vraisemblablement conduits à Prague pour être incinérés. D’après d’autres dépositions ils furent enterrés dans la forêt proche et près du mur du parc du château et dans le cimetière communal. En décembre 1944, deux déportés français s’évadèrent ; l’un deux fut repris et exécuté.12
Début 1945 éclata à Janowitz une épidémie de typhus, contre laquelle la direction du camp ne prit aucune disposition. D’après des témoignages presque la moitié des déportés mourut. Fin mars 1945, les survivants furent conduits à Chlum près de Kschepenitz (Krepenice) dans une propriété paysanne, qui fut transformée pour le camp. Là ils réparaient les routes et travaillaient à la ferme SS locale. Après la guerre, 14 corps de déportés furent exhumés à Kschepenitz.13
Fin avril 1945, les déportés de Kschepenitz furent transportés en camions à Miechenitz (Mechenice) et de là par train à Prague avec des déportés de Hradischko. Le 30 avril, les wagons furent ajoutés à un grand convoi de déportés. Pendant le trajet en direction de Budweis (Ceské Budejovice) il y eut de nombreuses exécutions.14 Les survivants ne furent libérés que le 8 mai par des partisans tchèques à Kaplitz (Kaplice).
Le 8 mai 1945, les Américains firent prisonniers les membres des unités SS du terrain de manœuvres. Par la suite, les anciens habitants revinrent. Les baraquements du camp et les ateliers qui leur faisaient face prirent feu, le matériel de construction encore sur place fut vendu aux habitants de Janowitz. En 1982, on érigea un monument au bord du nouvel étang à l’emplacement du chenil des gardiens.
Par manque de preuves, les poursuites pénales contre les responsables furent interrompues le 30 juin 1976 par le parquet de Zweibrücken.15 A cette époque, les chefs de kommandos du camp extérieur étaient déjà morts.
1 Vgl. Jaroslava Hoffmannova/Jirina Junècova (Hrsg.), Zrizovani cviciste zbrani SS Benesov a povalecna obnova uzemi 1942-1950 [Die Errichtung des SS-Truppenübungsplatzes der Waffen-SS Beneschau und die Nachkriegserneuerung des Gebietes 1942-1950 ], Praha 1985 ; Jaroslava Krausova, Cviciste SS u Benesova, Vysidlovani obyvatelstva a jeho povalecny navrat [ Der SS-Truppenübungsplatz bei Beneschau. Die Aussiedlung der Bevölkerung und Rückkehr in der Nachkriegszeit], unveröffentl. Diplomarbeit, Praha 1998 ; Jan Masa, Cviciste SS « Böhmen » 1942-1945. [Prispevek k zivotu obyvatel Podblanicka Der SS-Truppenübungsplatz –Böhmen- 1942-1945. Ein Beitrag über das Leben der Bewohner von Podblanicko] unveröffentl. Diplomarbeit, Praha 1999 ; Stanislav Kokoska, Cviciste zbrani SS-Böhmen 1942-1945 [Der Truppenübungsplatz der Waffen-SS Böhmen ], in : Sbornik vlastivednych praci z Podblanicka 27 (1986), S 271-304.
2 Meldung des Bezirksnationalausschusses in Sedleany aus dem Jahr 1947, in: NA Prag, Bestand Okkupationsgefangenenakten (OVS), Karton 171. Das Aussenkommando des Arbeitserziehungslagers wurde im September 1944 aufgelöst.
3 BArch Ludwigsburg ZStI. B 162/AR-Z 62/67.
4 Viz Pamètni kniha pro obec Vrchotovy Janovice [Gedenkbuch der Gemeinde Janowitz], S.49.
5 Korrespondenz zwischen Karl von Pückler-Burghaus, Karl Hermann Frank und Hans Kammler betreffend Häftlingsarbeit in Janowitz, Juli 1944, in: NA, Bestand Deutsches Staatsministerium in Böhmen und Mähren (NSM), Sign. 110-7/53 ITS Arolsen, Sachdokumentenordner Flossenbürg 1 (266), S. 81.
6 Monatliche Stärkemeldungen der Arbeitslager des K.L. Flossenbürg, 1.11.1944, 1.12.1944, 31.1.1945 und 28.2.1945, in: NA, NSM, Sign. 110-4/88.
7 Die Aussagen der tschechischen Häftlinge sind in diesem Punkt uneinheitlich, Archiv des Innenministeriums Prag, Bestand Ermittlungen der Staatssicherheit, Abteilung Kriegsverbrechen, Sign. 325-16-4 und 5 und 325-17-4 : ITS, Sachdokumentenordner Flossenbürg 23, S. 200 R.
8 Monatliche Stärkemeldungen, in: NA, NSM, Sign. 110-4/88.
9 Hermann Kaienburg, Die Wirtschaft der SS, Berlin 2003, S. 641 f. Kaienburg zufolge arbeiteten jedoch keine KZ-Häftlinge im Steinbruch.
10 Viz Pametni kniha pro obec Vrchotovy Janovice [Gedenkbuch der Gemeinde Janowitz]; Olga Cadilova (Hrsg.), Vrchotovy Janovice [Janowitz], Praha 2001, S. 88-92.
11 NA, Archiv des Innenministeriums Prag. Bestand Ermittlungen der Staatssicherheit, Abteilung Kriegsverbrechen, Sign. 325-16-3, 4 und 5 und 325-17-4; BArch Ludwigsburg, ZStI. B 162/AR-Z 62/67.
12 NA, Archiv des Innenministeriums Prag. Bestand Ermittlungen der Staatssicherheit, Abteilung Kriegsverbrechen, Sign. 325-16-3; Pametni kniha pro obec Vrchotovy Janovice [Gedenkbuch der Gemeinde Janowitz], S.61.
13 Meldung des Bezirksnationalausschusses in Sedlceny aus dem Jahr 1947, in: ebenda, OVS, Karton 171.
14 Ebenda, Bestand Tschechoslowakische Kommission für die Verfolgung von Kriegsverbrechern; BArch Ludwigsburg, ZStI. B 162/AR-Z 62/67; Aussage des Zeitzeugen Ladislav Marvan, aufgenommen durch die Autorin im September 2004.
15 BArch Ludwigsburg, ZStI. B 162/AR-Z 62/67.
Monika Sedlakova – traduction en allemand de Max Mannheimer
Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.151, 152, 153, 154.
Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 30 décembre 2014.
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