Le kommando du camp de concentration de Flossenbürg à Hradischko (Hradistko) apparaît sous différentes appellations. Dans les documents de l’administration on le trouve aussi sous le nom de « camp de travail de Beneschau ». Effectivement ce kommando était établi à Hradischko, une petite commune située à environ 40 km au sud-ouest de Prague. L’histoire de ce kommando est directement liée à la création d’un immense champ de manœuvres pour les troupes SS dans la Bohème occupée. En novembre 1941avait été ouvert à proximité de Beneschau (Benesov) « le champ de manœuvres de Beneschau pour les troupes SS», qui connut l’année suivante une gigantesque extension. 17600 habitants originaires de 62 communes des environs de la ville de Neweklau (Neveklov) durent quitter tout le secteur jusqu’en septembre 1943. Depuis la création de ce champ de manœuvres militaires, on fit venir sur le terrain des déportés pour des fonctions des plus variées. En 1942, dans la localité de Hradischko, fut construit un camp de travail, dont les prisonniers devaient travailler sur le champ de manœuvres. Après la fermeture du camp de travail, les baraquements furent occupés en novembre 1943 par des déportés du camp de concentration de Flossenbürg et transformés, avec constructions d’autres baraquements, de miradors et d’une petite place d’appel pour être adaptés à des conditions beaucoup plus sévères pour des déportés de camp de concentration. On ne sait pas très bien quel poste des unités de SS en action sur le champ de manœuvres avait demandé des prisonniers venant du camp de concentration de Flossenbürg. C’était vraisemblablement la kommandantur centrale de Beneschau, comme le laisse penser une remarque sur la liste du premier convoi de déportés vers le champ de manœuvres. 70 prisonniers allemands furent transférés le 17 novembre 1943, pour « être mis à la disposition du bureau principal de l’économie et de l’administration du 11.11.43 en direction du champ de manœuvres de Beneschau près de Prague » et installés dans le camp de baraquements dans la localité de Hradischko.1 Les structures d’organisation, de commandement et de surveillance de ce camp étaient extrêmement complexes. En principe, le responsable du recrutement des déportés était le commandant du champ de manœuvres SS en Bohême, le chef de brigade SS Karrasch. Seul le chef de kommando de ce camp extérieur, Alfred Kus, avait été détaché de la garde du camp de concentration de Flossenbürg à Hradischko. Différentes unités de SS, qui étaient basées sur le champ de manœuvres, assumèrent la garde des prisonniers, puis ce fut le régiment SS d’instructeurs, ensuite les bataillons de pionniers SS « Germania » et « das Reich » ainsi que momentanément le 2ème bataillon de garde SS de Prague. Le premier convoi de déportés atteignit Hradischko le 17 novembre 1943 avec 70 prisonniers. Ils furent avec 66 autres prisonniers allemands, qui furent déportés le 26 novembre du camp de concentration de Buchenwald à Hradischko, ainsi qu’un convoi de déportés du 24 décembre 1943 avec 55 autres déportés allemands les premiers à occuper ce kommando. Le 3 mars 1944 arrivèrent encore à Hradischko 325 déportés, parmi lesquels beaucoup de Français, mais aussi des Espagnols, des Italiens, des Russes et des Polonais, mais aucun Juif, si bien que l’effectif prévu de ce kommando était atteint avec juste 500 prisonniers. Les déportés du camp de concentration furent installés en kommandos de différentes tailles pour des travaux de construction sur la presque totalité du champ de manœuvres. Ils devaient entreprendre des fouilles pour le terrain de tir et furent employés aux constructions de conduites d’eau et de canalisations pour les installations SS, aux constructions de routes et à la préparation de bâtiments à des fins d’exercices militaires, puis à partir d’avril 1945 presque exclusivement à la construction de tranchées et de fossés anti-char. Jusqu’à ce moment-là au moins 20 prisonniers avaient été victimes des terribles conditions de travail. Au camp de concentration de Flossenbürg, 19 décès furent consignés pour la période du 20 mars 1944 au 26 mars 1945.2
Leurs corps furent transportés en camion à Prague, où ils furent incinérés au crématoire de Straschnitz (Strasnice). A partir d’avril 1945 commença l’exécution automatique de déportés. A cette date, en raison de l’approche de l’Armée Rouge, le champ de manœuvres était déjà prêt pour la défense ; SS-Sturmbannführer Erwin Lange, commandant du SS-Pionierbataillon « Germania » et commandant de Hradischko, ordonna au chef du kommando du camp extérieur, Alfred Kus, le transport des déportés du camp de concentration. Mais comme il n’y avait pas de moyens de transport à disposition, la liquidation des déportés fut décidée. Des armes furent intentionnellement cachées et trouvées au cours d’une razzia dans le camp des déportés, ce qui justifia l’assassinat des prisonniers, sous prétexte qu’ils auraient préparé une révolte. Le 9 avril, il fut ordonné aux déportés, contrairement aux autres fois, de se mettre en groupes de chacun 100 déportés ; ceux qui n’étaient pas des prisonniers allemands devaient se ranger en fin de colonnes. Alors qu’ils marchaient vers les lieux de travail, des membres du SS-Pionierbataillon tirèrent sur les derniers rangs des colonnes. C’est ainsi que le 9 avril au moins neuf déportés furent assassinés, douze le 10 avril et 27 le 11 avril.3 On ne sait pas pourquoi les exécutions s’arrêtèrent soudain après cette date. Toutefois les employés civils tchèques du champ de manœuvres eurent connaissance de ces assassinats, si bien que le commandant du champ de manœuvres était très préoccupé par la discipline sur le terrain et dans son entourage. Le 12 avril 1945, la garde du camp extérieur fut encore une fois changée et de nouveau assumée par le SS-Lehrregiment à Hradischko.
Le 26 avril 1945, le kommando fut définitivement dissous ; les déportés qui restaient furent chargés dans des wagons à bestiaux avec des déportés de kommandos de Flossenbürg, Janowitz (Vrchotovy Janovice) et Mieschenitz (Mèchenice) et conduits vers Prague. Dans la banlieue de Prague, à Vrschowitz (Vrsovice) , d’autres wagons avec des prisonniers de différents camps dissous furent ajoutés au train d’évacuation et ce convoi fut finalement redirigé vers le champ de manœuvres. Au sud de Janowitz, à proximité d’un petit bois, les déportés furent tirés des wagons et des membres de la SS ouvrirent le feu sur eux. Les descriptions des circonstances de la libération des prisonniers sont extrêmement contradictoires. En s’appuyant sur la découverte des cadavres après 1945, les ministères publics tchèques et allemands qui enquêtaient, estimèrent qu’entre 100 et 150 déportés de Hradischko furent assassinés d’avril à mai 1945.4
Après 1945, la zone du champ de manœuvres fut à nouveau habitée. Les baraquements du champ de manœuvres servirent d’habitations, si bien que des restes de constructions du kommando ont été conservés jusqu’à aujourd’hui. A une bifurcation, à la sortie de la localité, tout près du lieu du massacre, fut érigée dans les années 60 une stèle à la mémoire des victimes du kommando.
Précision apportée par l’association :
Les fiches biographiques relatives aux déportés de Flossenbürg passés par le Kommando de Hradistko mentionnent le rôle prépondérant joué par les partisans tchèques dans la libération du Kommando.C’est à la lumière de nombreux témoignages d’anciens déportés de ce Kommando que Michel Clisson, alors président de l’association, a pu cerner au plus près les conditions et les dates de libération du Kommando.
Il en a résulté la mention suivante sur chaque fiche biographique concernée :
« Date et conditions de sa libération : Hradistko (Hradischko) est évacué le 26 avril 1945 à pied jusqu’à la gare de Miechnitz. Départ pour Prague le 28, après regroupement avec les évacués de Janovice dans ce convoi, arrêt dans la banlieue de Prague. Les Tchèques apportent de la nourriture. Départ vers Prague-Werchonitz le 29 avril. A l’arrivée, une impression de libération, certains s’évadent, aidés par les Tchèques, qui soignent les plus épuisés. Les S.S. reviennent en fin de journée et se font menaçants. Différents convois se regroupent sur ce train : de Ravensbrück dont les femmes sillonnent l’Allemagne depuis le début mars, de Buchenwald etc… Le dimanche 6 mai, le convoi est toujours à l’arrêt. Le départ a lieu le lundi après-midi en direction du sud. Plusieurs arrêts en rase campagne. Nouvel arrêt en gare d’Olbranovice, où l’on dépose les morts. Après 36 heures de stationnement, départ le 8 mai vers l’Autriche mais le convoi est intercepté et libéré par les partisans tchèques, entre Velesin et Kaplice. »
12 janvier 2023
Nous vous invitons à lire, dans notre rubrique Témoignages, l’article : « Hradischko, à la recherche de traces ».
1 Transportliste, 17.11.1943, in : CEGESOMA, Mikrofilm 14368.
2 Häftlingsnummerbuch, in : NARA, RG 338, 290/13/22/3.
3 Zahlreiche Zeugenaussagen im Vorermittlungsverfahren der Zentralen Stelle in Ludwigsburg, in: BArch Ludwigsburg, ZStI IV 410 AR-Z 59/67.
4 Ebenda. Jörg Skriebeleit
Extrait de l’ouvrage de Wolfgang Benz et Barbara Distel « Der Ort des Terrors » p.148, 149, 150.
Traduit de l’allemand par Nadine Goujon le 26 décembre 2014.
Bulletin d'adhésion
Remplissez le bulletin d’adhésion à l’association des Déporté.e.s et Familles des Disparus du Camp de Concentratoin de Flossenbürg & Kommandos.
Télécharger le bulletin