Prise de parole De Clément MEIS lors de la communion d’un de ses petits-fils en décembre 2005

Mon cher Eudes,

Tu as voulu être baptisé le jour de mon anniversaire. Je t’en remercie. Cela me fait un grand plaisir. C’est pour moi le plus beau cadeau de fête. Pur marquer ce jour, je voudrais te laisser l’un de mes souvenirs.

Tu sais que j’ai été durant la dernière guerre envoyé par nos ennemis dans un camp de concentration. J’en parle rarement avec les enfants car la mort était présente à chaque instant.

Ce camp était situé en Allemagne dans le haut palatinat à la frontière tchèque à 80m d’altitude. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente nous étions obligés de travailler de 6 heures du matin à 6 heures du soir avec une demi-heure de repas et cela avec une maigre pitance. La carrière de granit était surtout redoutée. Au moment de ce souvenir, Je faisais partie d’un petit Kommando d’une douzaine d’hommes de nationalités diverses dont j’étais le seul français. Nous étions chargés de toutes les corvées du camp. L’hiver, très long, il fallait déblayer les routes de la neige et de la glace. Un jour de grand froid nous ne pouvions plus tirer ni pousser le chariot rempli de charbon sur la petite pente qui menait aux usines de fabrication d’avions. Malgré les coups nos efforts furent vains et le chariot s’immobilisa. Le Kapo nous laissa souffler quelques instants.

C’est à ce moment que mon regard fut attiré par le paysage que nous apercevions au-dessus de la double enceinte de barbelés électrifiés de part et d’autre du mirador de surveillance. La plaine toute blanche étincelait sous le froid soleil. Habillés simplement d’une veste et d’un pantalon, les pieds dans des claquettes en bois, nous gelions.

C’est alors que j’aperçu, assez loin, un calvaire qui me semblait incongru dans cet univers concentrationnaire. Dans un éclair, toute l’histoire de Jésus Christ me revint à l’esprit. Son cheminement vers la mort portant sa croix, frappé par les soldats, injurié par la foule et renié de ses fidèles.

Ma vision s’estompa brusquement sous les coups de gourdin du Kapo… Nous reprîmes notre galère. Cette image ne me quitta plus.

Caque fois que nous allions chercher du charbon, je voyais le Christ crucifié. Chaque fois, je sentais comme une paix en moi. Je me sentais encouragé, protégé. Je n’étais plus seul dans mon enfer. Il m’accompagnait toujours.

Eudes, tu viens d’entrer par le baptême dans la communauté des chrétiens. J’espère de tout cœur que devant le chemin qui s’ouvre devant toi, tu ne seras jamais seul.

Papi